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[CRITIQUE] : Stella, une vie allemande


Réalisateur : Kilian Riedhof
Acteurs : Paula BeerJannis NiewöhnerKatja Riemann, Lukas Miko,...
Distributeur : Kinovista
Budget : -
Genre : Drame, Guerre.
Nationalité : Allemand.
Durée : 2h01min.

Synopsis :
Stella, grandit à Berlin sous le régime nazi. Elle rêve d'une carrière de chanteuse de jazz, malgré toutes les mesures répressives. Finalement contrainte de se cacher avec ses parents en 1944, sa vie se transforme en une tragédie coupable.

Inspiré de la véritable histoire de Stella Goldschlag.



Critique :


Dans un paysage cinématographique populaire majoritairement dominé/gangrenné par des projets simplistes (pour être poli) usant inlassablement de la même formule établie et éprouvée, le biopic estampillé moderne se sent parfois comme la proposition la plus cheap et déclinable du marché et, paradoxalement, la plus usée parce qu'elle est justement l'incarnation parfaite de la facilité, pour peu que la figure choisie ait une existence un minimum remplie (quoique).

Rares sont alors les cinéastes à essayer un tant soit peu de se démarquer de cette popote familière et redondante de l'hagiographie Wikipedia-esque, avec des histoires ambitieuses, pensées autant pour divertir que pour instruire leur auditoire.

Copyright Majestic/Jürgen Olczyk

Même porté par les meilleures intentions et un sujet ô combien complexe, Stella, une vie allemande de Kilian Riedhof, voulu comme une mise en images de la vie de Stella Goldschlag (une jeune femme juive allemande qui collabora avec le régime nazi pour la traque des Juifs cachés à Berlin, elle qui, surnommée "le Grappin", aurait provoqué par ses dénonciations la mort d'entre 600 et 3000 juifs), n'est sensiblement pas fait de cette pellicule, loin de là même.

Le fait que Riedhof ait visiblement du mal à reconnaître qui est la victime au cœur de l'histoire dont il fait sienne, implique une sorte de malaise persistant qui fait de son exploration de l'horreur une expérience non pas empruntée de vérité, mais résolument plus sélective dans ce qu'elle veut montrer, portée par un parti pris étrangement douteux.
Il faut dire, jamais le cinéaste tant à rendre palpable les remords que peut éprouver cette jeune chanteuse de jazz face à ces actes dans l'Allemagne nazie, et sa décision de collaborer pour sa propre survie et celle des siens, tant il cherche même à susciter une certaine empathie pour elle malgré son déclin moral progressif (et la situation confortable que lui offre le pouvoir en place), ne donnant que sporadiquement des visages aux personnes dénoncées dans son épopée profondément perverse.

Copyright Majestic/Jürgen Olczyk

Alors certes, s'il met en vedette une Paula Beer Fassbinderienne en diable (qui tente de donner de la nuance à un portrait qui en est totalement dénué), la (ré)vision que fait Kilian Riedhof et sa caméra tremblante, de la vie de cette femme clivante doublement jugée coupable, d'en faire à la fois une victime - timide - et un bourreau (un pion majeur, sans réel remords, de tout un réseau de collaboration), est un symbole ambivalent et assez douteux d'une relativisation de la réalité/vérité (très actuelle pour le coup), d'une relativisation de la culpabilité individuelle et collective face à la haine et aux actes inhumains d'un système qui l'était tout autant.

Not quite our tempo.


Jonathan Chevrier