[CRITIQUE] : Priscilla
Réalisatrice : Sofia Coppola
Acteurs : Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk, Ari Cohen,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h53min.
Synopsis :
Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui lentement se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.
Critique :
Quand bien même le projet avait été annoncé avant la sortie du film de Baz Luhrmann, et vendu comme diamétralement opposé (ce qu'il est, sans aucun doute) à la vision fantasque du cinéaste australien, il est impossible de ne pas voir une conversation cinématographique constante entre Elvis et le décemment plus délicat Priscilla de Sofia Coppola, mise en images des mémoires de Priscilla Ann Wagner Beaulieu, alias Priscilla Presley - Elvis and me -, pour laquelle elle reprend la même approche (mais ici plus sage et linéaire, sensiblement moins ludique) que pour son Marie-Antoinette : la perspective intime d'une poupée (littéralement) timide et fragile enfermée dans une tour d'ivoire, qu'Elvis - et la vie - semble pouvoir briser à tout moment entre ses doigts et son aura imposante.
Une conversation constante entre les deux films donc, comme si le Coppola visait à corriger les errances narratives et historiques du premier, un trip acide uniquement où presque vissé autour de l'expérience d'Elvis et des effets isolants de sa renommée croissante et dévorante, pour mieux montrer autant une réalité dérangeante (Beaulieu avait 14 ans au moment de leur rencontre, et lui 24), que douloureuse - Priscilla était encore plus isolée du monde qu'il pouvait l'être.
Chaque acte cinématographique de la cinéaste se fait donc précis et ciblé dans sa manière de s'accrocher à une vérité jusqu'ici méconnue, de donner une image différente et plus intime de l'icône Presley, à travers son histoire sentimentale la plus importante.
Définitivement plus méthodique et naturaliste donc que la vision sauvage et spectaculaire de Luhrmann, qui se retrouve jusque dans son incarnation même du King (un Jacob Elordi plus doux mais surtout plus imprévisible qu'un Austin Butler habité), et la manière dont il domine de tout son aura et de tout son être, la jeune Priscilla de Cailee Spaeny; une différence de taille volontairement exagérée mais encore plus symbolique dans la volonté qu'à la maman de Virgin Suicides, de sonder l'emprise de l'homme et du mythe sur la (très) jeune femme, autant que le gouffre existentielle qui les sépare (elle démarre à peine dans la vie, il semble déjà en avoir vécu plusieurs avant elle).
La Priscilla de Coppola et Spaeny est donc une fleur qui n'a pas encore éclos, une adolescente fragile et protégée dont l'immaturité émotionnelle - et sexuelle - suggère un inconfort subtil mais réelle dans la dynamique tout en incertitude qui nouait leur union houleuse, en ouvrant les portes jusqu'ici infranchissables de la cage ultra doré de Graceland, pour mieux dévoiler la sombre solitude de sa sphère privée derrière le faste public, pour mieux imprimer le bouleversement intime d'une jeune fille timide et pas totalement femme, qui ne pouvait qu'être bouffée par un roi des rois la considérant lui-même comme une enfant (comme pour encore un peu plus la dominer, la posséder, lui qui décide ce qu'elle doit porter, son maquillage, sa coiffure...), quand bien même elle doit tenir
Un contre-récit essentiel donc, qui va à contre-courant de la canonisation inhérente au biopic hollywoodien traditionnel, avec un Elvis dont on sonde les fêlures aussi bien que les contradictions (un homme paradoxalement moderne et engluée dans les traditions écrasantes du patriarcat), et qui permet assez logiquement à Coppola de renouer autant avec ses thèmes les plus chers qu'avec les premières heures de son cinéma (sa délicatesse et sa sensibilité folle pour aborder des personnages aux prises avec la complexité et la dureté de la vie d'adulte), dans une sorte de coming of age movie embaumé dans une bulle poétique, léthargique et cristalline.
Mise en images de la solitude, des sentiments et des souffrances sourdes d'une jeune héroïne dont le rêve adolescent s'est transformé en un cauchemar sombre et amer (incarnée par une Cailee Spaeny absolument exceptionnelle), Priscilla, dont on ne pourra totalement nier son contrôle en coulisse (la présence marquée à la production, de Priscilla Presley), ni le fait qu'il ne fait qu'effleurer les choses plus que de les aborder en profondeur (la patte Sofia Coppola sur de nombreux films, au fond), n'en est pas moins un portrait atmosphérique et intime d'une femme qui n'était pas seulement l'épouse de l'une des plus grandes icônes populaires de tous les temps, et qui s'est rebellé à sa manière contre les dictats du machisme et du patriarcat.
Un beau récit initiatique, de construction et d'émancipation à la trame dramatique savamment dépouillée, capturé par une formidable observatrice à la caméra tendrement empathique et à la sensibilité exquise.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk, Ari Cohen,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h53min.
Synopsis :
Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui lentement se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.
Critique :
Plongée dans la solitude, les sentiments et souffrances sourdes d'une jeune fille dont le rêve adolescent s'est transformé en un cauchemar sombre et amer, #Priscilla se fait un portrait atmosphérique et intime d'une Priscilla Presley qui n'était pas seulement l'épouse d'une icone pic.twitter.com/0ILuk58ZFP
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 3, 2024
Quand bien même le projet avait été annoncé avant la sortie du film de Baz Luhrmann, et vendu comme diamétralement opposé (ce qu'il est, sans aucun doute) à la vision fantasque du cinéaste australien, il est impossible de ne pas voir une conversation cinématographique constante entre Elvis et le décemment plus délicat Priscilla de Sofia Coppola, mise en images des mémoires de Priscilla Ann Wagner Beaulieu, alias Priscilla Presley - Elvis and me -, pour laquelle elle reprend la même approche (mais ici plus sage et linéaire, sensiblement moins ludique) que pour son Marie-Antoinette : la perspective intime d'une poupée (littéralement) timide et fragile enfermée dans une tour d'ivoire, qu'Elvis - et la vie - semble pouvoir briser à tout moment entre ses doigts et son aura imposante.
Copyright A24 |
Une conversation constante entre les deux films donc, comme si le Coppola visait à corriger les errances narratives et historiques du premier, un trip acide uniquement où presque vissé autour de l'expérience d'Elvis et des effets isolants de sa renommée croissante et dévorante, pour mieux montrer autant une réalité dérangeante (Beaulieu avait 14 ans au moment de leur rencontre, et lui 24), que douloureuse - Priscilla était encore plus isolée du monde qu'il pouvait l'être.
Chaque acte cinématographique de la cinéaste se fait donc précis et ciblé dans sa manière de s'accrocher à une vérité jusqu'ici méconnue, de donner une image différente et plus intime de l'icône Presley, à travers son histoire sentimentale la plus importante.
Définitivement plus méthodique et naturaliste donc que la vision sauvage et spectaculaire de Luhrmann, qui se retrouve jusque dans son incarnation même du King (un Jacob Elordi plus doux mais surtout plus imprévisible qu'un Austin Butler habité), et la manière dont il domine de tout son aura et de tout son être, la jeune Priscilla de Cailee Spaeny; une différence de taille volontairement exagérée mais encore plus symbolique dans la volonté qu'à la maman de Virgin Suicides, de sonder l'emprise de l'homme et du mythe sur la (très) jeune femme, autant que le gouffre existentielle qui les sépare (elle démarre à peine dans la vie, il semble déjà en avoir vécu plusieurs avant elle).
Copyright A24 |
La Priscilla de Coppola et Spaeny est donc une fleur qui n'a pas encore éclos, une adolescente fragile et protégée dont l'immaturité émotionnelle - et sexuelle - suggère un inconfort subtil mais réelle dans la dynamique tout en incertitude qui nouait leur union houleuse, en ouvrant les portes jusqu'ici infranchissables de la cage ultra doré de Graceland, pour mieux dévoiler la sombre solitude de sa sphère privée derrière le faste public, pour mieux imprimer le bouleversement intime d'une jeune fille timide et pas totalement femme, qui ne pouvait qu'être bouffée par un roi des rois la considérant lui-même comme une enfant (comme pour encore un peu plus la dominer, la posséder, lui qui décide ce qu'elle doit porter, son maquillage, sa coiffure...), quand bien même elle doit tenir
Un contre-récit essentiel donc, qui va à contre-courant de la canonisation inhérente au biopic hollywoodien traditionnel, avec un Elvis dont on sonde les fêlures aussi bien que les contradictions (un homme paradoxalement moderne et engluée dans les traditions écrasantes du patriarcat), et qui permet assez logiquement à Coppola de renouer autant avec ses thèmes les plus chers qu'avec les premières heures de son cinéma (sa délicatesse et sa sensibilité folle pour aborder des personnages aux prises avec la complexité et la dureté de la vie d'adulte), dans une sorte de coming of age movie embaumé dans une bulle poétique, léthargique et cristalline.
Copyright A24 |
Mise en images de la solitude, des sentiments et des souffrances sourdes d'une jeune héroïne dont le rêve adolescent s'est transformé en un cauchemar sombre et amer (incarnée par une Cailee Spaeny absolument exceptionnelle), Priscilla, dont on ne pourra totalement nier son contrôle en coulisse (la présence marquée à la production, de Priscilla Presley), ni le fait qu'il ne fait qu'effleurer les choses plus que de les aborder en profondeur (la patte Sofia Coppola sur de nombreux films, au fond), n'en est pas moins un portrait atmosphérique et intime d'une femme qui n'était pas seulement l'épouse de l'une des plus grandes icônes populaires de tous les temps, et qui s'est rebellé à sa manière contre les dictats du machisme et du patriarcat.
Un beau récit initiatique, de construction et d'émancipation à la trame dramatique savamment dépouillée, capturé par une formidable observatrice à la caméra tendrement empathique et à la sensibilité exquise.
Jonathan Chevrier