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[CRITIQUE] : Amours à la finlandaise


Réalisatrice : Selma Vilhunen
Avec : Eero Milonoff, Alma Pöysti, Oona Airola,…
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Finlandais, Français, Suédois.
Durée : 2h01min

Synopsis :
Juulia découvre que son mari a une liaison. Pour sauver leur mariage, elle lui propose d’expérimenter le polyamour et d'inventer les nouvelles règles de leur vie conjugale. Un champ des possibles amoureux s’ouvre alors à eux…


Critique :


L’homme qui trompe sa femme, c’est le sel de tout bon drame, romantique ou non. Ida Lupino et Agnès Varda, pour ne citer qu’elles, se sont penchées sur l’adultère masculin, en y infusant un autre point de vue, celui de pouvoir aimer plusieurs personnes. La tromperie devient alors une barrière mise en place par les normes maritales. On devrait aimer qu’une seule personne à la fois et puis c’est tout. Sauf que ce n’est pas toujours le cas….

Le polyamour s’installe dans Amours à la finlandaise, le nouveau film de Selma Vilhunen, comme une réponse aux films The Bigamist et Le Bonheur, réalisés par les deux réalisatrices susnommées. Deux films où la tentative de polyamour se finit mal, parce qu’il n’est jamais nommé ou mis en place officiellement.

Copyright TuffiFilms

Juulia et Matias sont peut-être marié⋅es depuis longtemps mais leur flamme amoureuse et sexuelle est toujours intacte. Le film débute par une longue scène intime, où le couple fait l’amour, rit, complice et amoureux. Mais alors que tout semble aller comme sur des roulettes, le récit nous emmène à l’extérieur du cocon familial pour que l’on découvre le pot aux roses : Matias trompe Juulia depuis plus d’un an, avec une femme plus jeune. Le coup classique de la crise de la quarantaine se dit-on, ce que Juulia confirme quand elle découvre l’adultère de son mari, quelques scènes plus tard. Matias décide de mettre fin à sa liaison pour préserver son couple, mais Juulia voit bien qu’il est à l’agonie sans Enni, sa maîtresse. Après la lecture d’un guide du polyamour, elle décide d’ouvrir son mariage à cette forme de relation. Peu de temps après, elle rencontre Miska, une personne non-binaire, aussi plus jeune qu’elle.

Neljä pientä aikuista, le titre finnois, que l’on peut traduire littéralement par quatre petits adultes, retranscrit mieux que le titre français la façon étrange de transformer les personnages en petits pions, que l’on peut assembler, deux par deux. L’enjeu du film semble vouloir élargir le champ des possibles quant aux relations amoureuses, et faire de la comédie romantique autre chose qu’une simple histoire d’amour hétérocentrée et monogame. Comme il est coutume dans ce genre de film, tout problème trouve solution, et les sentiments triomphent dans un happy-end dégoulinant de bon sentiment. Amours à la finlandaise n’y échappe pas et dans cette perspective, on se dit “pourquoi pas !”.

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Le hic, c’est qu’il est bien beau de proposer une autre forme d’amour, mais celui-ci semble avoir exactement les mêmes problèmes de dynamique de pouvoir et de charge mentale qu’un couple monogame, sans que jamais le récit s’empare de ce sujet. On note que c’est Juulia qui se renseigne et invite la maîtresse de son mari à analyser la situation et à trouver une solution. On note que ce sont les deux femmes qui se tapent tout le travail émotionnel et que c’est Monsieur qui en reçoit les bienfaits. On note aussi que des quatre, un seul personnage remet en question les normes de genre et que c’est précisément ce personnage qui soufre de problèmes mentaux, enfonçant le clou du cliché que les personnes queer sont forcément dérangées. On note tout aussi bien que Juulia et Matias ont choisi des partenaires bien plus jeunes qu’elleux, en situation de précarité, comparé au couple, bourgeois par leur métier respectif et par héritage familial, sans que ce soit jamais mis sur le tapis dans le récit. Selma Vilhunen refuse de rendre son film politique, avec une mauvaise foi flagrante au vu de toutes les perches que l’histoire lui tendait. La réalisatrice ne propose pas une autre façon de penser l’amour, elle s’échine uniquement à faire du polyamour et de la monogamie des rivaux égaux, sans complexité ni regard social. On peut au moins lui reconnaître qu’elle ne juge jamais ses personnages.

Hélas, Amours à la finlandaise n’est qu’une énième rom-com boursouflée, à la lumière feutrée, à la mise en scène pantouflarde et aux scènes de sexe ennuyeuses au possible, avec la particularité de voir deux bourgeois s’essayer au polyamour parce qu’ils ont assez d’argent et de temps.


Laura Enjolvy