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[CRITIQUE] : Le Cercle des Neiges


Réalisateur : Juan Antonio Bayona
Acteurs : Enzo Vogrincic Roldán, Simón Hempe, Matías RecaltRafael Federman,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Espagnol, Uruguayen, Chilien.
Durée : 2h24min.

Synopsis :
En 1972, un avion uruguayen s'écrase en plein cœur des Andes. Les survivants ne peuvent compter que les uns sur les autres pour réchapper au crash.



Critique :


L'histoire du vol 571 de l'armée de l'air uruguayenne qui transportait une équipe de rugby au Chili, avant de s'écraser dans les Andes, n'est pas vraiment étrangère au septième art, et les enfants biberonnés au cinéma des 90s auront assez vite le souvenir du Alive de Frank Marshall.

Mais la manière dont Juan Antonio Bayona revisite cette tragédie avec méticulosité mais surtout avec une implication physique et psychologique puissante, font du Cercle des Neiges au-delà d'une séance viscéralement poignante, l'un des hauts faits d'une année ciné 2024 qui démarre déjà sur les chapeaux de roues - hello Pauvres Créatures.

Copyright Netflix

En basant sa narration sur le roman éponyme de Pablo Vierci, pour mieux pleinement focaliser ses intentions sur la complexité intime et les dilemmes moraux qui habitent ses personnages, le cinéaste espagnol bouscule le fond comme la forme du blockbuster catastrophique - majoritairement américain - moyen (même de son The Impossible), déjoue l'image d'une tragédie que l'on associe souvent (toujours ?) au cannibalisme, pour ainsi pointer à travers plusieurs points de vue, sa vérité trouble et capturer toute l’étendue du drame que les survivants ont vécu, en mettant en première ligne leurs angoisses physiques et émotionnelles, et ce dès que les turbulences envahissent leur vol (le cinéaste recréant de manière terrifiante, voire un chouia voyeuriste dans sa violence, leur accident), véritable leitmotiv de l'engagement sans faille du projet envers la réalité.

Une tragédie qui sert de rupture, à la fois humaine et cinématographique, tant la chaleur des premières images se voient peu à peu vampiriser par une palette définitivement plus froide, qui ne cesse de croître à mesure que la narration avance et que le calvaire s'intensifie, une photographie (superbe de Pedro Luque) moins saturée qui scrute le désespoir enneigé, les blessures béantes autant que les corps de plus en plus osseux des survivants.

Copyright Netflix

Plus ses personnages souffrent, plus ceux-ci luttent pour survivre, plus Bayona rend volontairement difficile, voire insupportable, la vision de son film (quitte à enchaîner les gros plans inconfortablement proches), impression accentué par le score opératique et entêtant de Michael Giacchino, qui appuie l'aura d'une mort qui ne cesse de gronder au-dessus de la tête de survivants dont chaque rôle, chaque décision est crucial pour le groupe tant tout les amène à d'inévitables dilemmes concernant les fournitures et les ressources, alors que tout porte à croire qu'une hypothétique aide extérieure n'arrivera jamais, que tout porte à croire que la survie est impossible.

À la fois viscéral et théologique (au moment l'inévitable question du cannibalisme pointe le bout de son nez), bouleversant émotionnellement et spirituellement (d'autant que le cinéaste capte leur agonie physique et intérieur, par des moments de silence puissants et assourdissant), Le Cercle des Neiges n'hésite jamais à capturer la laideur humaine qui émane d'une quête de survie extrême, la douleur et la honte (tout comme la peur de la damnation religieuse, tant la religion prend une part importante dans la discussion) qui se cache derrière l'innommable, derrière le repli des croyances et des convictions profondes, derrière la résilience la plus totale.

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Aussi bien plongée réaliste au cœur des enfers qu'une incroyable expérience humaniste, trouvant un équilibre précaire mais miraculeux entre un réalisme brutal et viscéral, et un existentialisme furieusement devastateur, Le Cercle des Neiges s'expurge de tout sentimentalisme putassier pour mieux nous catapulter en plein chaos, là où l'humanité est la plus acculée et, paradoxalement, la plus déchirante.
Une sacrée expérience, rien de moins.


Jonathan Chevrier


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