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[CRITIQUE] : Foe


Réalisateur : Garth Davis
Acteurs : Saoirse Ronan, Paul Mescal, Aaron PierreMichael M. Foster,...
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Drame, Science-fiction, Thriller.
Nationalité : Américain, Britannique, Australien.
Durée : 1h50min.

Synopsis :
Junior et Hen, jeune couple marié depuis sept ans, vivent reclus dans leur ferme isolée. Une nuit, un étranger, Terrance, frappe à leur porte, apportant une nouvelle qui bouleverse leur vie : Junior a été choisi au hasard pour se rendre dans une grande station spatiale expérimentale en orbite autour de la Terre. Confronté à un choix impossible, le couple va devoir lutter pour préserver leurs liens.



Critique :


I'm Thinking of Ending Things de Charlie Kaufman, Kaufmanien en diable avant même que le cinéaste ne s'attaque à son adaptation cinématographique, marquait la première mise en images d'une œuvre de Ian Reid et sert presque, dans une certaine mesure (exit l'humour noir et satirique mais surtout son surréalisme affirmé), d'indicateur au Foe de Garth Davis, pour lequel l'auteur joue cette fois les co-scénaristes avec le cinéaste australien, et qui partage de nombreux points communs à l'excellent épisode Beyond The Sea/Mon Cœur pour la vie de la dernière saison en date de la série Black Mirror - définitivement plus clair et prenant dans son équation.

Copyright Amazon Studios

Une nouvelle plongée complexe dans la psychée de deux âmes désespérées et fanées, trop consciente que leur mariage a perdu de son éclat et s'est enfermé dans une spirale infernale ennuyée et déshumanisée - il se meurt, comme la Terre.
Une tragédie, entre la pièce de chambre et le huis clos à ciel/cœur ouvert, où la science-fiction ne se fait pas tant une toile de fond qu'une fascinante vanité pour appuyer son examen psychologique et sentimental, quand bien même le déroulement de sa narration cinématographique annihile en grande partie, toute sa puissance émotionnelle.

On y suit donc les atermoiements, dans le Midwest de l'année 2065, de Junior et Hen/Henrietta, jeune couple marié depuis sept ans - et amoureux depuis le lycée -, vivent reclus dans leur ferme isolée dans un désert aride et sans pluie, au sein d'une planète Terre gentiment mais sûrement en train d'agoniser, face à la diminution des ressources naturelles. 
Une nuit, un étranger, Terrance, frappe à leur porte en apportant une nouvelle qui va bouleverser leur vie : Junior a été choisi au hasard - et sans véritablement avoir le choix - pour être un pionnier et se rendre dans une grande station spatiale expérimentale en orbite autour de la Terre, tandis que Hen, pour ne pas rester seule, se voit affublée d'un « substitut humain ». 
Confronté à un choix impossible, continuer à s'aimer malgré la distance où acter une séparation déchirante, le couple va devoir lutter pour préserver ses liens.

Copyright Amazon Studios

Et ce sont ces deux âmes, piégées et perdues, vulnérables et graduellement repoussées dans leurs limites par un élément perturbateur/oiseau de bon et mauvais augure, qui intéressent définitivement plus le tandem Davis/Reid que le pendant science-fictionnel de l'intrigue (pour le coup incroyablement frustrant dans le nombre de questions sans réponses qu'il dégaine au fil de sa narration), observation envoûtante et déroutante dans les méandres d'un mariage brisé, d'une union qui tourne autant à l'envers que le monde désolé et stérile qui l'habite, sublimé par la photographie Malickienne de Mátyás Erdély, capturant avec grace les paysages poussiéreux et apocalyptiques australiens.

Lente et mélancolique opposition entre une Terre a l'agonie (crise climatique, angoisse face à l'intelligence artificielle et la lente perte d’humanité qu'elle convoque,...), et les mouvements contraires d'un mariage où chaque membre étouffe en silence (et dont les sentiments motivent les bons comme les mauvais sentiments), Foe frustre par ses maladresses autant qu'il électrise, en grande partie grâce à la partition enflammée du couple Paul Mescal/Saoirse Ronan, à l'alchimie folle, véritable pièce maîtresse de cette union dystopique et dysfonctionnelle, que même l'amour ne pourra pas sauver.


Jonathan Chevrier