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[CRITIQUE] : Légua


Réalisatrice/Réalisateur : João Miller Guerra et Filipa Reis
Avec : Carla MacielFilipa ReisVitória Nogueira da Silva, Sophie Cadieux,…
Distributeur : Norte Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Portugais, Français, Italien.
Durée : 1h59min

Synopsis :
Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix de sa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin, où le cycle de la vie ne se renouvelle qu’après d’inévitables fins.



Critique :


Pas toujours célébré à sa juste valeur dans nos salles obscures, le cinéma portugais ne sait pourtant jamais aussi bien porté dans l'hexagone qu'en dense année ciné 2023, parole de cinéphile.

De la fable moraliste taillée à la hache, sur les ravages de la violence de l'homme (Traces de Tiago Guedes), au conte animé coloré et onirique sur trois générations de femmes en pleine guerre civile (Nayola de José Miguel Ribeiro), en passant par le drame familial un brin inconfortable sauce récit d'émancipation cathartique (Alma Viva de Cristèle Alves Meira), sans oublier la fresque théâtrale intergénérationnelle et au féminin (le diptyque Mal Viver / Viver Mal de João Canijo); le cinéma du " pays bleu " va très bien, merci pour lui.

Copyright Norte Distribution

Nouvelle preuve en date ce mercredi avec Légua de João Miller Guerra et Filipa Reis, passé par la case Quinzaine des cinéastes en mai dernier, vissé lui aussi sur trois générations de femmes au coeur d'une maison de campagne au fin fond du Portugal, un manoir isolé ou elles vivent une existence presque féodale.
Soit Emília, une gouvernante au crépuscule de son existence et à la santé déclinante, mais qui a toujours à cœur de prendre soin de la demeure de ses patrons, dans laquelle ils ne se rendent pourtant plus - ils vivent à Lisbonne.

Elle est aidé dans sa tâche par Ana, qui supporte ses exigences et sa meticulosité, elle dont le mari ouvrier est parti travailler en France, alors que sa fille, Mónica, est une future ingénieure qui suit ses études à la ville et se moque des choix de sa mère...
À sa manière, embaumé dans un rythme lancinant qui ne fait que souligner l'attention gracieuse aux détails de ses personnages, que la solitude intense qui habite leur quotidien et leur sert, paradoxalement, d'équilibre essentiel, Légua célèbre le passage du temps autant qu'il le pleure, à la fois bénédiction et malédiction, qui tient en mémoire le passé aussi bien qu'il tient en otage notre présent dans la mélancolie, et gangrène notre futur face à l’inévitabilité du declin du corps et de l'esprit.

Copyright Norte Distribution

Lentement mais durement, le film de Guerra et Reis invite ses personnages, tout comme son auditoire, à réfléchir sur la rapidité de l'existence à s'effacer sous nos pas, à la rapidité dont le sablier du temps égraine ses grains, au point de nous faire nous demander, parfois trop tard, qu'elle est notre place dans un monde à la fois infiniment vaste et douloureusement trop étroit, à la fois pétri de possibilités et sensiblement étriqué.

À travers trois âges comme autant de facettes de la vie (la jeunesse fougueuse, l'art moyen en plein questionnement et le crépuscule, mélancolique), et avec un regard sur le troisième âge et la maladie qui n'est pas sans rappeler Amour de Michael Haneke (voire Un Beau matin de Mia Hansen-Løve), Légua est d'une poésie troublante et solaire, vrai/faux film de fantômes du réel qui hante encore longtemps après sa vision.


Jonathan Chevrier


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