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[CRITIQUE] : Bâtiment 5


Réalisateur : Ladj Ly
Acteurs : Anta DiawAlexis ManentiAristote LuyindulaSteve Tientcheu,...
Distributeur : Le Pacte
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min

Synopsis :
Haby, jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l'immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5.



Critique :


Évidemment attendu au tournant à la suite du triomphe critique et public des Misérables, Ladj Ly avait résolument pris son temps avant de passer la seconde (loin d'être un défaut en soi), allant même prêter sa plume aux derniers efforts de Kim Chapiron - Le Dernier Imam - et Romain Gavras - Athena.
C'est définitivement dans cet entre-deux, entre l'efficacité brillante de son premier long-métrage de fiction et ses collaborations exterieurs définitivement plus maladroites (surtout chez le papa du Monde est à toi), que se situe Bâtiment 5, suite spirituelle des Misérables et second opus de ce qui est voulu comme une trilogie sur la banlieue, dont le titre international, Les Indésirables, était sensiblement plus évocateur - et provocateur.

Cette fois non pas vissée sur la violence policière (peut-être encore plus d'actualité qu'en 2018), mais bien sur la crise du logement (encore une fois, cruellement d'actualité), l'urbanisation au cœur des banlieues parisiennes et les expulsions forcées/abusives de centaines de locataires, toujours inspiré de sa propre expérience au cœur des cités de Clichy-Montfermeil.

Copyright 2023 - Srab Films - Lyly Films - France 2 Cinema - Panache Productions- La Compagnie Cinematographique

Dans la parfaite continuité engagée et politique qui caractérisait sa première réflexion frontale, à ceci près qu'il offre ici un prisme féminin salutaire au milieu d'une distribution à forte ascendance masculine (ce qui manquait à son précédent film), ce second effort analyse une nouvelle fois les ravages de la fracture sociale (irréparable?) et d'une discrimination devenue arme politique, au sein d'une banlieue parisienne dont il donne le pouls avec une rare vérité.
Dénué de tout jugement putassier (tout du moins dans sa première moitié), le récit s'attache en grande partie à la confrontation tout en tension entre Haby, jeune militante pour le droit au logement impliquée dans la vie de sa commune de Montvilliers, qui s'oppose au nouveau plan d'urbanisation/réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi.

Un projet mené par Pierre Forges, un jeune pédiatre/gendre idéal dont la belle image s’effrite peu de temps après avoir été propulsé maire, à la suite du décès du précédent, bien décidé qu'il devient à vouloir démolir le " bâtiment 5 " où Haby à grandi.
Une confrontation qui cristallise à elle seule la France d'aujourd'hui faite de lutte des classes, d'injustice (et pas uniquement face à une incapacité du cadre politique/républicain à pouvoir se remettre en question) et d'une incommunicabilité qui appelle à ce que la violence ne puisse, justement, n'avoir que la violence en réponse.
Jusqu'ici, rien de nouveau dans la marmite et la pertinence du propos de Ly n'a définitivement pas à rougir face à son aîné, dans ce " film de la confirmation " qui ne croule finalement, et assez paradoxalement, que sous le poids de ses ambitions et d'un certain manichéisme qu'il a su, un temps pourtant, éviter avec brio.

Copyright 2023 - Srab Films - Lyly Films - France 2 Cinema - Panache Productions- La Compagnie Cinematographique

En délaissant plus ou moins brutalement son tandem pour voguer vers une narration chorale (beaucoup citeront The Wire, et à raison) avec l'apparition d'un troisième personnage, Blaz (petit ami d'Haby et privilégiant la brutalité à la politique), le cinéaste perd le fil de sa prose immersive et laisse poindre un aspect plus bordélique et maladroit, jusque dans le développement tronqué de ses personnages, à l'image d'un Athena qui tentait lui aussi de rattacher tous les wagons dans l'urgence, non sans quelques couacs incohérents au passage.

Même son message final, pourtant porteur d'espoir - un appel aux urnes et à une écoute par la voie électorale -, apparaît furieusement naïf (et donc déconnecté de la réalité) avec une réalité politique où l'inutilité des élus face au pouvoir en place, se fait de plus en plus criant - voire même douloureusement absurde.
Dommage, tant dans sa mise en scène comme dans son montage, Ladj Ly se fait décemment plus affûté avec le temps.


Jonathan Chevrier