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[CRITIQUE] : Scrapper


Réalisatrice : Charlotte Regan
Avec : Harris Dickinson, Lola Campbell, Alin Uzun, Cary Crankson,…
Distributeur : Star Invest Films France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame
Nationalité : Britannique
Durée : 1h24min

Synopsis :
Banlieue de Londres. Géorgie 12 ans vit seule depuis la mort de sa mère. Elle se débrouille au quotidien pour éloigner les travailleurs sociaux, raconte qu’elle vit avec un oncle, gagne de l’argent en faisant un trafic de vélo avec son ami Ali. Cet équilibre fonctionne jusqu’à l’arrivée de Jason, un jeune homme qu’elle ne connait pas et se présente comme étant son père.


Critique :



“Il faut tout un village pour élever un enfant” dit le célèbre adage. Georgie, douze ans, pense exactement l’inverse. Barrée de jaune, l’expression se voit affublée d’une autre phrase, dans le carton du début, “je peux me débrouiller seule, merci”. Débrouillarde, irrévérencieuse, le personnage casse la baraque, à coup de vol de vélo qu’elle revend pour payer son loyer. Car oui, à douze ans, Georgie vit seule, à l’insu de ses voisins, de son école, et même des services sociaux, qui pensent que son oncle, un Winston Churchill imaginaire, est venue vivre avec elle.

Copyright Star Invest Films France

Faut-il parler de paternité quand on réalise son premier long métrage ? Après Charlotte Wells et son Aftersun, véritable succès critique et public, une autre Charlotte – Charlotte Regan, aussi britannique – s’empare du sujet. Scrapper qui en argot anglais, caractérise une personne qui fait preuve d’une volonté inébranlable, s’éloigne considérablement de l’ambiance fantomatique d’Aftersun. Le long métrage est plus coloré, plus enfantin, plus désireux d’imposer sa patte, à l’image de son héroïne principale.

Au diapason de son héroïne, la mise en scène se veut provocante, proposant rupture de ton, changement de format, changement d’atmosphère, caméra portée à la limite de l’indigeste, quatrième mur brisé, etc … Scrapper s’échappe comme Georgie échappe au monde réel, pour se créer un monde imaginaire, où une mineure pourrait totalement se soustraire à une autorité (parentale, gouvernementale) afin de vivre sa vie comme elle l’entend. Dans une certaine mesure, Georgie est la réalisatrice du film, parce qu’il prend les contours de ses émotions et de la vision qu’elle porte sur sa situation. Si le récit ne prend jamais à bras le corps le côté tragique de l'histoire, c'est bien parce que Georgie ne le voit pas. Elle est en plein déni et pense s’en sortir seule. Comme pour son deuil, qu'elle réussit parfaitement, d'après ses dires.

Copyright Star Invest Films France

Comment ne pas la croire quand, tout dans le film, tourne la tragédie en grotesque ? Elle ne va pas à l'école ? Pas grave, le professeur a l'air perché de toute façon. Les services sociaux ont gobé tout rond son histoire (bancale) d'oncle ? Parce qu'ils sont tout aussi perchés. Cette volonté de ne pas inscrire le film dans le drame inspire de la compassion en premier lieu. Le public voit, lui, toutes les répercussions, mises sous le tapis par une mise en scène très stylisée. Comme cette porte, que Géorgie garde fermée pour tout le monde, même pour nous. Une porte qui abrite la métaphore de son enfance perdue, de son drame intime qu'elle refuse de vivre, tant elle se force à devenir une adulte avant l'heure.

Ce n'est pas surprenant de la voir rejeter Jason, son père absent dès sa naissance quand il réapparaît dans sa vie. Scrapper a la bonne idée de ne pas verser dans le mélodrame à l'arrivée de ce nouveau personnage. Jason est un peu un Georgie adulte. Enfantin, plein d'imagination, dans le déni. La rencontre des deux n'est pas si explosive qu'attendue tant la narration se penche vers un apprivoisement progressif. Georgie apprend à connaître son père, Jason apprend à être un père.

Le film veut si bien se détacher du réel qu'il se détache également d'une certaine émotion. Il est vrai qu'il a tout pour être un film agréable, drôle, mignon. Passé ces sentiments, Scrapper ne cueille pas son public, qui hélas, n'est jamais invité à intégrer l'imaginaire des personnages et reste en périphérie du récit, amusé oui, mais aussi frustré.


Laura Enjolvy


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