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[CRITIQUE] : L'enfant du paradis


Réalisateur : Salim Kechiouche
Avec : Salim Kechiouche, Nora Arnezeder, Hassan Alili, Naidra Ayadi,…
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h12min

Synopsis :
Après une traversée du désert dans sa carrière de comédien, Yazid voit enfin se profiler le bout du tunnel. Sobre depuis six mois, il veut montrer à sa nouvelle fiancée et à Hassan, son fils de 16 ans, qu'il est maintenant un autre homme qui a repris goût à la vie. Mais en quelques jours, les vieux démons resurgissent et avec eux les souvenirs de son enfance en Algérie.


Critique :


L'enfant du paradis, comme si Marcel Carné avait perdu son pluriel. Dans un premier long-métrage fiévreux, Salim Kechiouche dévoile un peu de son passé grâce à des images d'archives. Il interprète le personnage principal, Yazid, lui aussi acteur et orphelin de mère.

Copyright La Vingt-Cinquième Heure

Salim Kechiouche a choisi une mise en scène organique, très proche de Yazid, qu'il ne quitte pas d'une semelle. On dirait que le réalisateur surveille son personnage. Il sait, qu'au fond, Yazid n'est pas aussi bien qu'il le dit. La suite du récit, une sorte de descente aux enfers, nous le prouvera. Rayonnant dans son pull orange, dans la cuisine de sa grand-mère, son sourire s'assombrit au gré de ses rencontres. Si nous ne lisons pas le synopsis du film, aucun détail ne nous laisse apercevoir un passé trouble chez lui. Il est confiant, il est heureux. Les gens qu'il croisent (un ami de longue date, son ex-femme, ses beaux-parents, sa sœur, etc…) semblent lui renvoyer une image qu'il n'accepte pas, un passé qu'il préfère oublier. Quand Garance (encore une ombre de Marcel Carné ?), sa fiancée, lui demande de lui parler de son enfance, il se dérobe.

Privilégié, le public a l'occasion de voir ce qu'il cache et ces images n'ont rien de triste ou de violent. Au contraire, ces interludes archivesques, Yazid et sa famille comme on finit par le comprendre, portent une douceur de l'enfance, trop réelle pour que ce soit de la fiction. Salim Kechiouche se confie dans le dossier de presse du film "J'ai beaucoup hésité à utiliser ces images-là. En fin de compte, elles constituent un hommage à ma mère que j'ai perdue à l'âge de 14 ans, ce qui a été une grande douleur dans ma vie. C'est elle qu'on voit sur ces images. Quitte à réaliser un premier film, dans des conditions économiques tendues, autant faire preuve de la plus grande sincérité." Cette douleur transparaît à l'écran, par le biais de Yazid qui trimbale cette perte comme une blessure ouverte et suintante. Le personnage s'ouvre un moment à Garance, il a dépassé l'âge où elle est morte, 33 ans. Là où demeure, peut-être, tous ses maux. L'injustice de vivre quand celle qui lui portait un amour inconditionnel n'a pu atteindre cet âge.

Copyright La Vingt-Cinquième Heure

Dans le style naturaliste qui accompagne souvent ce style de film, un drame intimiste, Salim Kechiouche s'en sort grâce à un procédé d'écriture intelligente. Le point de vue ne change jamais, ce qui fait pencher l'histoire du côté de Yazid, du moins dans un premier temps. Le réalisateur met le public en porte-à-faux. On ne comprend pas pourquoi tant de personnes lui en veulent. Pourquoi son ex-femme ne lui fait pas confiance. Pourquoi sa future femme lui demande s'il a vécu des violences dans son enfance. Pourquoi ses potes le regardent de travers dès qu'il commence à boire une goutte d'alcool. Ce sont les dialogues et les réactions parfois violentes des autres qui remplissent les vides de sa caractérisation. Le Yazid souriant dans la cuisine de sa grand-mère n'était qu'une toile à moitié vide, les rencontres au fil du film le peignent par petites touches. L'œuvre finale, d’avantage ambivalente, est un kaléidoscope de traumatismes, plus ou moins enfouis. L'impossibilité d'obtenir une raison claire de son mal-être ne nous permet pas de projeter une guérison. La fin nous donne-t-elle raison ? On vous laisse le découvrir par vous-même.

L'enfant du paradis est un premier long-métrage réussi parce qu'il ne prend pas son spectateur par la main. Salim Kechiouche sait où il va et nous laisse la liberté de le suivre dans cette descente aux enfers.


Laura Enjolvy


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