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[CRITIQUE] : Past Lives - Nos vies d'avant


Réalisatrice : Celine Song
Avec : Greta Lee, Yoo Teo, John Magaro, …
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h46min

Synopsis :
A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.


Critique :


Les lumières des villes nous le disent, Noël approche. Avec lui s'amènent les récits sirupeux d'histoire d'amour, sous fond de neige et de cannelle. À la lecture du synopsis de Past Lives - Nos vies d'avant, premier long métrage de Celine Song, il est logique d'y voir un nouvel exercice du drame romantique. Deux ami⋅es d'enfance, perdu⋅es de vue par la vie, qui se retrouvent dans leur trentaine bien tassée ? Préparez les mouchoirs ! Et pourtant, sous ses aspects de drame tout à fait classique, se cache une réflexion beaucoup plus profonde sur l'amour et les relations. Le film possède même un sous-texte sur ce qu'on attend des récits romantiques dans la fiction, pour nous proposer un contrepoint intéressant.

Copyright Twenty Years Rights LLC

Déchiré entre la Corée du Sud et les États-Unis, Past Lives se construit à la lisière des deux pays, dans sa langue, son décor et sa façon de dépeindre les sentiments. La mise en scène prend la pudeur de l'un, les codes romantiques de l'autre, pour un résultat peut-être pas aussi poignant que ce que nous annonçait la promotion du film. Céline Song n'est jamais dans l'affect, à part pour de rares plans où sa caméra plonge dans des détails (des mains qui s'agrippent, des regards qui en disent long). Le film se présente comme une réflexion sur la vie des personnages, en témoigne le choix des plans larges et des dialogues évasifs, si évasifs qu'ils peuvent tout à fait venir faire un écho à nos propres vies, à nos propres sentiments. Dans ces plans larges, nous retrouvons ce qui fait le sel des comédies romantiques, les déambulations dans des décors purement cinématographiques, avec pour but de rapprocher les deux protagonistes. Des plans où Nora, le personnage féminin, fait visiter New York à son ami d'enfance, Hae Sung, venu de Séoul spécialement pour la voir. La ville, jusqu'alors seulement vue par le biais de Nora, dont le regard est centré sur son travail, prend le pourtour d'une ville-séduction. New York donne le meilleur d'elle pour mettre à l'aise les deux personnages, qui de leur côté, sont peu sûrs de ce qu'ils doivent dire et doivent faire.

Malgré ces plans (et la communication autour du film), le récit de Past Lives ne laisse pas son audience se demander où il va l'embarquer. La caractérisation des personnages, les barrières qui s'érigent entre Nora et Hae Sung (une différence de pays, d'éducation, de langue, même de prénom – Nora prend un prénom américanisé dès son déménagement) ne laissent aucun doute sur le chemin qu'emprunte la narration. Le film ne met pas la possibilité d'une relation amoureuse sur le tapis mais se sert de son histoire pour réfléchir à cette possibilité, à ce qu'elle veut dire dans la vie des personnages mais aussi dans la fiction narrative. Nora se détache de l'héroïne de comédie romantique, faussement intéressée par son boulot mais rêvant secrètement d'une belle histoire d'amour, avec un homme qui lui apportera des péripéties scénaristiques avant de lui mettre la bague au doigt. Concentrée sur sa carrière, il ne viendrait pas à l'idée de Nora de tout lâcher pour un homme, le film est très clair là-dessus. Comme il est clair que si cette pensée lui traverse l'esprit, prise dans le doute quant à ses sentiments pour Hae Sung, cette pensée reste à l'état de chimère. Elle sera le contexte de ses “et si”. Et si elle était rentrée avec lui à Séoul. Et si elle n'avait pas rencontré son mari, Arthur, à cette retraite d'écriture. Interprété par John Magaro (First Cow), Arthur s'impose étrangement comme le personnage le plus intéressant du film. Le troisième point du triangle, là où d'ordinaire réside la jalousie du triangle amoureux, n'est ici qu'un point de réflexion supplémentaire. Doux et compréhensif, Arthur se trouve à la marge du récit mais finit par dévier totalement le film du drame amoureux. Justement parce qu'il n'y a pas de drame. Arthur n'est jamais dans la possession, il est dans le doute, comme Nora et comme Hae Sung. Celine Song le traite alors avec la même intensité que ses deux autres personnages, même s'il est plus discret et à l'extérieur des conversations. Il n'est pas si surprenant de voir le mari prendre part avec autant d'aisance à l'histoire. Dans un récit en trois temps (enfance, vingtaine, trentaine), il fallait bien un troisième personnage, le troisième temps de la valse, pour que l'histoire trouve son équilibre.

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À l'image du début, où des voix-off s'interrogent sur les relations interpersonnelles de Nora, Hae Sung et Arthur, que nous n'avons pas encore rencontrés, Past Lives nous garde éloignés de toute émotion, parfois de façon frustrante, le film se faisant beaucoup plus cérébral qu'il veut bien nous le faire croire.


Laura Enjolvy


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