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[CRITIQUE] : Little Girl Blue


Réalisatrice : Mona Achache
Avec : Marion CotillardMarie BunelMarie-Christine Adam, Pierre Aussedat, Jacques Boudet,…
Distributeur : Tandem
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min

Synopsis :
À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements, mais ces secrets enfouis résistent à l’énigme de sa disparition. Alors par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre.



Critique :


Little Girl Blue, c'est l'histoire d'un titre, évidemment, furieusement évocateur pour quiconque est un tant soit peu sensible aux discographies dissemblables mais entêtantes de Nina Simone et de Janis Joplin - un talent brut fauchée trop tôt par la vie.
Mais c'est avant et surtout l'histoire d'une véritable histoire, puis d'autres qui s'entremêlent et se répondent (point de pléonasme, attendez un peu), pour mieux constituer une aventure narrative et cinématographique définitivement à part, qui peut se voir comme une biographie documentaire - ou d'un documentaire-fictionnel, c'est selon -, tout autant qu'un essai furieusement expérimental et imprévisible.

Une véritable expérience, de tous les bords de la pellicule, vissée sur les investigations d'une fille qui apprend à connaître en profondeur qui était sa mère (de part son rôle de femme, de mère mais aussi de fille au sein d'une lignée familiale tortueuse voire même maudite), qui apprend par elle, même en son absence, la vérité et la crudité de son existence, qui apprend, non sans douleur, à lui pardonner (sans pour autant réussir à en faire le deuil) à travers un véritable héritage informatif (journaux intimes, extraits d'écrits, de photos et de vidéos), qu'elle met elle-même en scène.

Copyright Tandem

La biographie de la photographe et écrivaine Carole Achache par sa propre fille cinéaste, Mona donc, à travers une recherche intense des archives physiques, numériques et mémorielles laissées par celle-ci (qui s'est elle-même ôté la vie en 2016), où elle remonte le temps tout en étant furieusement ancrée dans le présent, conduit Marion Cotillard à prêter (littéralement) son corps pour mieux ressusciter, cinématographiquement, sa mère (de loin la partie la plus risquée mais également la plus fascinant du film, tant le mimétisme de la comédienne, exceptionnelle, se fait aussi bien physique que spirituel), ajoutant un nouveau voile troublant sur un auditoire déjà gentiment bousculer par ce puzzle complexe et douloureux, aux multiples fonds.

Créer la confusion comme pour mieux refléter sa propre confusion (ou la découverte de sa mère sous un nouveau jour/visage, rend totalement pertinent son incarnation par Marion Cotillard), faire de l'effort biographique un esprit totalement indissociable du processus de recherche et de reconstitution, rendre inconfortable un effort éreintant et même presque masochiste, où la cinéaste elle-même revit les moments inconfortables et tragiques de l'existence de sa mère, qui a traversée l'enfer, la violence des hommes et d'une société savamment sourde et aveugle, pour espérer atteindre la (sa) liberté.

Copyright Tandem

Pas si éloigné au fond du magnifique Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania (lui aussi passé par la dernière Croisette), si profondément personnel qu'il en rebutera plus d'un, Little Girl Blue nous fait le témoin d'une catharsis terriblement fascinante et courageuse, un exercice de cinéma poétique et périlleux qui part de l'intime pour mieux tendre vers l'universel.
L'exemple même de ces séances qui, qu'on y adhère pleinement ou non, méritent d'être salués et célébrés pour le simple fait d'exister dans le paysage cinématographique hexagonal.


Jonathan Chevrier