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[FESTIVAL] : Retour sur la 38ème édition du FIFF


Festival international du film francophone de Namur 2023 - du 29 septembre au 6 octobre.


Rendez-vous annuel obligatoire pour les cinéphiles, le Festival International du Film Francophone de Namur propose comme à son habitude une diversité de titres avec une sélection des plus solides. Le ton était donné à l’ouverture avec la projection de Quitter la nuit. La réalisatrice Delphine Girard nous plonge dans un moment de tension fort avant de mieux ausculter ses répercussions par le biais d’un triple regard salvateur. Il en sort une émotion palpable, notamment par une gestion du montage qui permet de mieux approcher la réalité d’une agression sans tomber dans une forme de complaisance. Le geste est fort et permet de mieux faire résonner l’appréhension sentimentale au cœur des diverses catégories.

Linda veut du poulet! - Copyright Gebeka Films

Il suffit en ce sens de jeter un œil sur le film d’animation Linda veut du poulet! pour mieux célébrer cette diversité, trouvant dans son approche graphique une légèreté et un humour salvateur tout en constituant une célébration de la réunion sociale dans sa quête virant à l’absurde émotif. La dureté était plus de mise dans le dernier long-métrage d’Arnaud des Pallières. En effet, Captives frappe rapidement par sa mise en scène moderne, n’hésitant pas à jouer du zoom et de la caméra portée pour mieux déstabiliser dans son récit de femmes enfermées en asile avec une approche qui risque de déconcerter certaines audiences. Cela risque de faire de même avec le très attendu Vincent doit mourir, Stéphane Castang manageant des moments de faux repos dans son récit d’homme poursuivi pour mieux saisir certaines fulgurances visuelles, à l’instar d’une sortie de supermarché. Karim Leklou y est une nouvelle fois fabuleux en personnage isolé confronté à un virus de violence soutenue. Autre forme de violence dans le second long-métrage de Paloma Sermon-Daï, Il pleut dans la maison, puisqu’il s’agit d’une chronique sociale à la luminosité accentuée. Il en ressort la sensation d’un été cyclique marqué par un fond économique fort et beaucoup de cœur pour ses personnages. Le film a été, à juste titre, maintes fois récompensé durant cette édition du festival, repartant entre autres avec le Bayard de la Meilleure interprétation pour son duo frère-sœur ainsi que celui du Meilleur film. Ce sera en tout cas un des titres indispensables de l’année 2024, comme notre coup de cœur personnel, La fille de son père. Erwan Le Duc capte la relation fusionnelle entre un père et sa fille avec beaucoup de tendresse, de douceur quasi burlesque et de sensibilité appelant à la connexion et au romantisme. À l’image de sa superbe dernière image, on tombe sous le charme de pareille proposition de cinéma.

La Fille de son père - Copyright Pyramide Distribution

C’est aussi avec une certaine douceur poétique que Yolande Moreau retrouve la réalisation avec La fiancée du poète. Le style marqué de l’actrice participe au charme du film, à l’instar de la prestation de Juliette Gariépy dans Les chambres rouges, avec un registre néanmoins très différent. Le long-métrage de Pascal Plante joue la carte de la froideur dans ce récit de fascination pour un tueur en série, quitte à créer un malaise sidérant. On se laisse néanmoins happer par la proposition, tout comme celle du Procès Goldman. Que dire de plus comme louanges à ce sujet au vu de ses nombreuses qualités ? Résumons prosaïquement en déclarant que le film de tribunal français a su, avec le long-métrage de Cédric Kahn et Anatomie d’une chute, offrir parmi les films les plus mémorables de cette année 2023. Concernant à nouveau ceux de 2024, on peut se dire que le premier film de Nora El Hour, HLM Pussy, saura trouver son public par son appel à l’action face aux agressions et sa célébration de la sororité avec une œuvre des plus réussies. De son côté, le titre flamand Zeevonk propose également un regard intime de jeune femme, ici sur la question du deuil, avec une portée visuelle trouvant son éclat dans sa dernière partie.

La Fiancée du poète - Copyright Christmas in July

C’est aussi visuellement que Second Tour frappe rapidement, instaurant un questionnement de l’image médiatique d’un candidat à la présidentielle française avant de basculer vers une relation personnelle plus surprenante. Le film d’Albert Dupontel risque de cliver par ses partis pris : à vous de voir si vous préférez célébrer l’audace permanente de ses visuels ou plutôt regretter un ton moins acide et plus perfectible dans son approche globale. Les fans du cinéma d’Abel et Gordon devraient eux se retrouver en terrain connu, L’étoile filante jouant comme à son habitude sur leur physicalité burlesque qui fait résonner ici la crainte d’un passé qui revient continuellement. Il s’en trouve une certaine émotion, tout comme dans le très bon documentaire de Cyrielle Raingou, Le spectre de Boko Haram. En se concentrant sur des enfants ayant échappé aux exactions du groupuscule, le film trouve une célébration des vivants assez émouvante. L’émotion point également dans Bonnard, Pierre et Marthe, notamment grâce à la mise en scène de Martin Provost. Ce dernier impose un regard pictural soutenu mais qui, au lieu de se renfermer dans une beauté plastique dénuée d’émotions, y recentre l’humain derrière le modèle. La gestion du surcadrage y est notamment superbe par sa façon d’interroger le rapport de Marthe Bonnard à son mari, avant qu’un plan anodin d’apparence barre cette relation avec une subtile cruauté.

Bonnard, Pierre et Marthe - Copyright Carole Bethuel

On trouve également une forme de douleur dans l’amour avec Banel et Adama, premier long-métrage de Ramata Toulaye-Sy à l’approche mythique qui renforce l’universalité de son couple mais également la puissance de ses interrogations thématiques. Sa luminosité incandescente rentre en opposition avec l’aspect nocturne d’un autre premier film, celui de Romain De Saint-Blanquat avec La morsure, mais on se retrouve tenté de dresser un trait dans cette inquiétude dans l’avenir, le tout partagé par deux actrices de très grand talent : d’un côté Khady Mane, de l’autre Léonie Dahan-Lamort. Souhaitons à La morsure de trouver son audience tant on reste encore hypnotisé par son approche gothique qui nous a personnellement fait penser à du Georges Franju. Enfin, clôturons ce tour d’horizon avec le nouveau film de Sophie Dupuis, Solo. Une nouvelle fois, la réalisatrice québécoise reprend ses interrogations relationnelles au sein d’un film fort, suivant un couple parasité par la nature toxique d’un des deux, le tout en s’inscrivant avec force dans le milieu du drag. De quoi renforcer la nécessité d’un festival comme le FIFF pour la représentation de diverses propositions francophones, aussi fortes que riches, tout en annonçant certains des titres à suivre absolument en 2024…


Liam Debruel

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