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[ENTRETIEN] : Entretien avec Florence Dupont, directrice artistique et programmatrice (Mon Premier Festival)

Design : Vahram Mura

Le 25 octobre s’ouvrait la 19ème édition de Mon Premier Festival, un festival parisien destiné aux enfants, avec en avant-première la projection du nouveau long métrage de Hayao Miyazaki Le garçon et le héron. Avant ces festivités, nous avons pu nous entretenir avec Florence Dupont, directrice artistique de l’association Enfances au Cinéma et programmatrice pour le festival depuis sa création en 2005. Elle nous a présenté cette nouvelle édition, pleine de surprises, et nous a parlé de l’importance d’un tel festival pour des enfants sans cesse sollicités par des écrans.


Chaque année, nous essayons d’être le plus éclectique possible. [...] Dans notre programmation, nous essayons de placer des films en prises de vue réelles, au milieu de l’animation qui, il est vrai, reste le cinéma jeunesse phare. Nous estimons que c’est dans la diversité que l’on affine son œil critique et ses goûts. 

Mon Premier Festival existe depuis 2005. Il est organisé depuis 2009 par l’association Enfances au cinéma, dont vous êtes la directrice artistique. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce festival, dédié aux enfants et adolescents ?

Tout à fait. Les quatre premières années, c'était l’AFCAE [Association Française des Cinéma d’Art et d’Essai, ndlr] qui s’occupait du festival, puis l’association Enfances au Cinéma a pris le relais. Mais je travaille à la programmation du festival depuis sa création. Pour répondre à votre question, tout est parti d’un constat de la mairie de Paris et de l’AFCAE du manque de manifestations culturelles et cinématographiques dédiées aux enfants. L’idée était de leur faire découvrir le cinéma dans sa globalité, des salles de cinéma — et certains découvrent totalement qu’ils ont un cinéma de quartier à côté de chez eux — mais aussi de les intéresser aux métiers du cinéma, aux images, à la réalisation, à la fabrication. Il était important d'apporter de l’animation avec des rencontres, des ciné-concerts, des invités pour qu’ils puissent parler de leur métier et de proposer une pluralité de films, de l’animation mais aussi des films en prises de vue réelles et des documentaires.


Le programme propose des projections dans une douzaine de salles parisiennes, de plusieurs arrondissements. L’expérience de la salle est-elle une chose fondamentale à transmettre aux enfants ?

Je crois que c’est encore plus vrai en 2023 qu’en 2005. La vidéo était très développée mais nos téléphones portables ne pouvaient pas encore nous permettre de regarder des films. C’est fondamental comme vous dites car on ne regarde pas de la même façon une image dans une salle de cinéma et sur un petit écran. C’est une différence qu’il faut montrer aux enfants et cela fait partie de l’éducation à l’image que l’on prône avec Enfances au Cinéma. Puis, l’idée d’un festival, c’est avant tout le partage et la discussion et la salle de cinéma reste l’antre du partage.

Linda veut du poulet ! - Copyright Gebeka Films


Parlez-nous un peu de la programmation de cette édition, qui est très éclectique. J’ai vu par exemple que L’homme de Rio, le film de Philippe De Broca, sera projeté dans la sélection “Films Cultes”.

Chaque année, nous essayons d’être le plus éclectique possible. À première vue, L’homme de Rio n’est pas un film pour les enfants et pourtant, il peut être visionné à partir de huit ans. Dans notre programmation, nous essayons de placer des films en prises de vue réelles, au milieu de l’animation qui, il est vrai, reste le cinéma jeunesse phare. Nous estimons que c’est dans la diversité que l’on affine son œil critique et ses goûts. Dans la sélection “Films Culte”, nous avons aussi Dumbo, le film Disney, un film presque évident à faire découvrir à son enfant, là où celui de De Broca est plus singulier. Des parents ou des grand-parents pourront partager ce moment. L’idée est que tout le monde puisse s’y retrouver, nous essayons de ne pas nous enfermer dans une niche. C’est pourquoi, cette année, on pourra autant découvrir Linda veut du poulet que L’innocence de Hirokazu Kore-eda [anciennement connu sous le titre de Monster, il sort en salles françaises le 27 décembre 2023, ndlr]. Nous prenons également en compte les nationalités des films afin d’ouvrir leurs horizons, avec par exemple Si seulement je pouvais hiberner, un superbe film qui nous vient de Mongolie ou Le jour où j’ai rencontré ma mère, un film néerlandais de Zara Dwinger. Chacun peut y trouver son compte, en accord avec ses goûts et son âge.


Cette année, le fil conducteur de la programmation est le mouvement.

Nous avons une thématique chaque année qui nous permet d’avoir une unité éditoriale dans notre sélection. Pour cette édition, la thématique est “en mouvement”. Nous l’avons choisi par rapport aux Jeux Olympiques de 2024 qui se tiendront à Paris, la sélection est d’ailleurs labellisée Olympiade Culturelle. Le thème est un peu plus large que l’aspect sportif car nous l’avions déjà fait il y a quelques années de cela. Cela nous permettait d’aborder les thèmes du corps, du corps en mouvement, de la transformation du corps, etc …

L'homme de Rio - Copyright Les Acacias


Au début de notre discussion, vous avez fait allusion aux animations qui parsèment le festival. Par exemple, cette année on peut créer une affiche de film, on peut s’initier au stop-motion, mais aussi assister à des ciné-conférences, participer à des quizz, … Vous sollicitez beaucoup les enfants, vous les encouragez à ne pas être seulement spectateurs. Cette pédagogie est-elle intrinsèque à l’éducation à l’image ?

Oui, exactement. L’éducation à l’image passe aussi par la curiosité. Et les enfants sont très curieux ! Ils aiment rencontrer des réalisateurs mais aussi des monteurs et tous ces corps de métier qui leur sont inconnus. Cela leur permet de voir tout le travail derrière les images. Par exemple, pour Wallace et Gromit, la plupart des enfants pensent qu’ils sont à taille réelle, alors que non. C’est aussi très drôle d’écouter les conversations qu’ils ont avec les acteurs car pour eux, ils sont leur personnage. Ces ateliers sont importants pour montrer l’envers du décors. Quand ils s’aperçoivent que les images sont trompeuses, tout un monde s’ouvre à eux.


Ce monde dépasse le cinéma également non ?

Bien sûr. Ce n’est pas le but initial mais effectivement, nous sentons qu’il faut intégrer toutes sortes d’images auxquelles les enfants peuvent être confrontés dans notre discours. Il faut leur donner les outils et si on peut participer à cette prise de conscience, nous en sommes très contents.



Propos recueillis par Laura Enjolvy le 25 octobre 2023
Merci à Calypso Le Guen et Claire Vorger



Mon Premier Festival se tient à Paris du 25 au 31 octobre inclus, toutes les informations sur les projections et les activités à retrouver ici

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