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[CRITIQUE] : L'Exorciste - Dévotion


Réalisateur : David Gordon Green
Acteurs : Leslie Odom Jr., Ellen Burstyn, Ann Dowd, Jennifer Nettles, Lidya Jewett, Olivia O'Neill,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h51min.

Synopsis :
Depuis que sa femme, enceinte, a perdu la vie au cours d’un séisme en Haïti douze ans plus tôt, Victor Fielding élève, seul, leur fille Angela. Un jour, Angela et son amie Katherine disparaissent dans les bois avant de refaire surface 72 heures plus tard sans le moindre souvenir de ce qui leur est arrivé... Dès lors, d’étranges événements s’enchaînent et Victor doit affronter de redoutables forces maléfiques. Désespéré et terrorisé, il sollicite la seule personne encore en vie qui ait jamais été témoin de pareils phénomènes: Chris MacNeil.



Critique :


Il est assez fou, voire cocasse finalement, que de dresser, après vision, le cruel constat que David Gordon Green ne semble absolument pas avoir retenu les leçons de ses erreurs sur sa précédente trilogie requel du Halloween de John Carpenter (qui a adoubé, de plus où moins près, son entreprise), en s'attaquant au chef-d'œuvre L'Exorciste de William Friedkin, avec la même formule erronée, coincé le fessier entre les deux fauteuils de l'hommage/dévotion (le titre du film, tout un symbole) et de l'assimilation/régurgitation maladroite - pour être poli.

Qu'on se le dise, si le sous-genre du film de possession existait bien avoir que William Peter Blatty et William Friedkin n'apportent (comprendre : révolutionnent) leur pierre à l'édifice, la saga L'Exorciste, dans ses bons (rares) comme dans ses mauvais moments, a toujours su apporter plus thématiquement que le simple artifice d'une activité démoniaque à annihiler en 90 minutes, montre, bible et crucifix en mains : perte de foi, relation familiale complexe, opposition technologie contre surnaturel, relans du colonialisme,...

Copyright Universal Studios. All Rights Reserved.

Mais il aura fallu attendre 2023 et les gros sabots de Blumhouse, pour que cette popote certes pas toujours digeste (mais au moins intéressantes, surtout dans ses suites injustement conspuées), se voit jetée par la fenêtre au profit d'un virage aussi étrange qu'absurde et peu inspiré : ne s'en tenir qu'à la simple gimmick de la possession démoniaque, et ainsi ne plus se différencier du tout-venant du genre, déjà généreusement garni chaque année.
Pire, il ne concentre même pas son histoire autour du dit (et prévisible) exorcisme, se perdant dans une narration en trois chapitres à la densité relative, qui se paye le luxe contradictoire d'être à la fois particulièrement rushé (son premier tiers, le plus captivant) et effroyablement ennuyeux voire risible (le reste).

Ayant pour gimmick jamais vraiment poussé, l'idée d'avoir de jeunes filles possédées et non une - Katherine et Angela -, quand bien même nous suivons sensiblement plus la famille de l'une d'elle - Angela -, où plutôt son paternel, Victor, tant le fait que sa mère soit disparue au moment de lui donner la vie, devient l'objet même de ce qui amènera les deux gamines à s'aventurer dans les bois jusqu'à une maison abandonnée, et y effectuer une séance de spiritisme de fortune (pour tenter désespérément parler à la mère dans l'au-delà) qui, évidemment, va horriblement mal se dérouler...
Nous dit-on tout du moins, puisque cela n'est pas réellement montrer (les filles réapparaissent trois jours plus tard, couvertes de coupures et agissant étrangement, genre crier au milieu d'une église où jouer à jour/nuit comme Jacquouille dans Les Visiteurs), et qu'il faut vite que la possession fasse son office.

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C'est justement à ce moment-là que les deux jeunes filles ne sont plus réellement de vrais personnages (à la différence d'une Regan qui, alors qu'elle exécute des vulgarités de plus en plus dérangeantes pour choquer ou encore profaner Dieu et l'Église, restait l'attachante gamine dont on espérait qu'elle se sorte de cette terrible galère, même si l'espoir et la foi, se faisaient de plus en plus minces), et que David Gordon Green lâche littéralement la rampe pour se vautrer dans un proto-remake ennuyé et ennuyant, qui ne se concentre plus sur les victimes ou même le thème de la possession, mais les atermoiements d'un père perdu qui ne peine pourtant pas à croire, presque instinctivement, que tout est une question de démon et qu'il faut exorciser la chair de sa chair coûte que coûte, quitte à rameuter toute la ville.

C'est simple, le cinéaste ne cherche jamais à établir lentement et encore moins subtilement, une terreur pouvant envahir son auditoire au moindre regard perçant, au moindre bouleversement d'une - où plutôt des, ici - victime dont on ne sait pas totalement, au départ, si ses maux perturbants sont le fruit d'un mal surnaturel où médical (psychologique comme mental).
Là, pendant une bonne partie du long-métrage, leur changement ne se résume qu'à quelques répliques sentencieuses recyclées dans le pire catalogue des punchlines Miramax (pauvre Pinhead), quelques grognements et autres jurons - des possédées dociles et PG-13 en somme.
Mais surtout, il ne cherche jamais réellement à rendre palpable les liens familiaux, cruciaux pour l'émotion et l'empathie, qui unissent les jeunes filles à leurs parents.

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Green, définitivement pas manchot caméra au poing, à beau insérer quelques éclats tordues et horribles de-ci,de-là (pas aidé par un score qui se paye l'affront de remixé le titre phare de Mike Oldfield), laissant apercevoir ce qu'aurait pu être le film (des inserts presque en décalage même, avec tout le reste), rien ne va, rien ne prend, tout se dirigeant vers un final grotesque et accablant, un exorcisme qui, de fait incomplet (une des deux gamines meurt), se clôture sur un twist amenant l'inévitable second film (un retour surprise qui n'en est pas un).
Le fait même que ce grand final soit l'un des plus gros soucis du film, est symptomatique d'une saga qui n'a jamais réellement su s'inscrire dans l'ombre du chef-d'œuvre original, pensant l'inévitable scène comme un passage obligé se devant d'être plus innovant, plus puissant et marquant que leur illustre aîné.

Mais si certaines des suites avaient su rendre ces séquences au minimum divertissantes, quitte à se perdre dans le kitsch le plus complet, L'Exorciste - Dévotion ne la rend jamais stimulante et encore moins réfléchie (une séance de thérapie un peu mouvementée avec une galerie de prêtres figurants, rien de plus), comme si Green désirait éviter tous les tropes faciles du genre, tout en étant pleinement conscient qu'il n'aurait strictement rien à donner aux spectateurs en échange, en les laissant de côté.
Un paradoxe qui est, au fond, à l'image, d'un film peu terrifiant et générique à souhait, où même l'esprit possédant les gamines (non, ce n'est pas Pazuzu) ne cherche même pas à s'identifier, annihilant encore un peu plus un sentiment de danger aux abonnés absents (pas de personnalité effrayante : pas de danger : pas de terreur).

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Un comble, tant quelques pistes fascinantes (le fait, par exemple, que Victor, bien qu'il aime sa fille, aurait préféré que sa femme vive et non elle, au moment de l'accouchement) lui tendent les bras plusieurs fois, au détour d'une séquence ou même d'un dialogue, et ce n'est pas le retour d'Ellen Burnstyn/Chris MacNeil en mode Obi-Wan Kenobi du pauvre (la seule vraie assise religieuse du film, d'ailleurs), témoin du mal universel plusieurs décennies plus tôt, qui viendra donner du liant à ce qui ne peut définitivement plus en avoir.

A croire que David Gordon Green semble mal à l'aise avec l'idée même d'un film sur l'exorcisme (ou même d'un film avec une forte identité religieuse et catholique), avec l'idée de transgresser/profaner la religion et Dieu, alors qu'il tente vainement, tout du long, de s'inscrire dans les pas du bijou de Friedkin, qui n'avait pas peur d'arpenter le terrain sinueux de la croyance (pas uniquement religieuse) et du mal absolu.
Tout n'est qu'une question de croyance, et si lui-même n'en a pas en lui, difficile de nous demander d'en avoir devant notre écran...


Jonathan Chevrier