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[CRITIQUE] : Le Consentement


Réalisatrice : Vanessa Filho
Acteurs : Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, Élodie Bouchez,...
Distributeur : Pan Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h58min

Synopsis :
Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu'elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l'amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.



Critique :


Il y a une ambivalence assez fascinante dans le parcours professionnel que s'est dessiné lui-même Jean-Paul Rouve depuis son explosion au sein de la légendaire troupe des Robin des Bois, une école télévisée qui lui a permis autant d'aiguiser son penchant pour l'humour extrêmement potache, que sa facilité d'improvisation.

Capable de jouer dans les moins défendables des comédies populaires pour diverses cinéastes (Les Nouvelles Aventures d'Aladin ou à la franchise Les Tuches, pour ne citer que les plus récents exemples) et d'être un comédien exceptionnel quand il est bien dirigé, il s'avère également un brillant cinéaste dont les premiers essais, aussi touchants qu'enlevés, ont gentiment su s'installer comme quelques-unes des dramédies les plus réussis du cinéma hexagonal des années 2000 (surtout le sublime Les Souvenirs).

Copyright Julie Trannoy

Mais c'est son pendant acteur qui est mis à contribution cette fois, dans ce qui est sans l'ombre d'un doute, son rôle le plus exigeant à ce jour : celui de l'écrivain Gabriel Matzneff au cœur de l'adaptation du roman autobiographique Le Consentement de Vanessa Spingora, qui contait l'emprise qu'elle a subit, dans les années 80 et durant son adolescence, et qui l'a vu devenir l'amante de l'écrivain, de 35 ans son aîné et défendant les rapports sexuels entre adultes et personnes mineures.

Un récit difficile et poignant sur une relation traumatisante que son versant cinéma retranscrit avec brutalité, quand bien même l'expérience perd de la viscéralité que pouvait avoir la découverte littéraire de cette relation abusive, d'autant que la réalisatrice, Vanessa Filho, s'autorise quelques digressions plus où moins salutaires (comme la voix de Matzneff qui se substitue à celle de la narratrice, Vanessa), pour mieux renforcer l'emprise morbide et crue d'un quinquagénaire prédateur qui assume et revendique même, sa perversion (au point même d'être au centre de ses écrits), use de son talent d'orateur pour séduire/détruire ses proies, persuadé qu'il est d'être intouchable.

Mais, quand bien même cette retranscription cinématographique réserve plus d'une séquence brutale et douloureuse (des liens dysfonctionnels qui unissent Vanessa à sa mère, aux passages à l'acte du prédateur dans l'acte sexuel), tout en jouant dans le même temps, sur le fil ténu de la retenue, difficile de ne pas admettre que l'importance du message qu'il veut transmettre, surplombe un peu trop souvent la manière dont il le véhicule.

Copyright Julie Trannoy

Sans doute la faute à un vrai souci de cohérence narrative, formelle et tonale, qui ne retrouve jamais totalement la puissance du texte de Vanessa Springora, de son choix à donner beaucoup d'importance à son bourreau et sa mécanique cauchemardesque, quitte à être presque distant de son sujet - Vanessa elle-même, mais aussi la notion trouble du consentement.

Mais qu'importe, porté par une distribution au diapason (de l'impressionnante Kim Higelin au terrifiant Jean-Paul Rouve, en passant par une Laetitia Casta qui en impose malgré un rôle ingrat), Le Consentement importe pour le puissant et nécessaire message qu'il incarne, pour sa manière de brocarder frontalement les prédateurs sexuels d'une élite qui, dans la société d'hier comme d'aujourd'hui - équitablement aveugle et complaisante -, sont savamment aussi protégés; pour sa manière de remettre au centre des débats, la question du consentement à une heure où les (maigres) avancées du mouvement #MeToo semblent être, déjà, de l'histoire ancienne.
Imparfait donc mais (très) important.


Jonathan Chevrier