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[CRITIQUE] : Killers of the Flower Moon


Réalisateur : Martin Scorsese
Avec : Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone, Jesse Plemons,…
Distributeur : Paramount Pictures France
Budget : -
Genre : Thriller, Drame, Historique.
Nationalité : Américain.
Durée : 3h27min.

Synopsis :
Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre…


Critique :



C’est presque un événement en soi : Martin Scorsese sort un nouveau film sur grand écran. Alors que The Irishman, faute d’un distributeur prêt à le sortir en salle, est arrivé directement sur Netflix, Killers of the Flower Moon, lui, nous fera asseoir pendant plus de trois heures dans une salle obscure (sans punaises de lit, on vous le souhaite !)

Il semblerait qu’adapter un livre de David Grann soit gage de faire un bon film. Journaliste pour le New Yorker, Grann publie des livres qui, avec une grande rigueur, retracent des histoires oubliées. The Lost City of Z, adapté par James Gray en 2017, s'intéressait à l’explorateur Percy Fawcett et à son expédition en Amazonie. Killers of the Flower Moon, best-seller publié en 2017, dévoile un massacre silencieux dans les années 20 sur les terres du peuple Osage, au cœur de l’Oklahoma.

Copyright Apple TV+

La grandeur et la décadence des États-Unis, c’est un peu le dada de Scorsese. Le rise & fall de personnage ambitieux, prêt à tout pour réussir. Le réalisateur nous propose ici une fresque historique, précise et enlevée. Les trois heures vingt du métrage ne sont pas là pour faire joli, ou pour rajouter du grain à moudre sur l’éternelle question de la longueur parfaite d’un film. Killers of the Flower Moon est comme un long poison que l’on boit sans s'en rendre compte. Il s’installe sous l’épiderme et y dévoile, à mesure que s'égrènent les minutes, la chair pourrie du capitalisme et du racisme. C’est une véritable tragédie humaine que nous montre Scorsese et il le fait avec minutie. Comme pour rendre hommage à ceux et celles qui ont péri dans un lourd silence, victimes balayées par l’Histoire.

C’est l’histoire d’une reconquête d’espace, le territoire étant une question politique majeure dans ce grand pays qu’est les États-Unis. Au début du film, le peuple Osage – que l’on a obligé à se déplacer du Missouri jusqu’en Oklahoma – trouve un gisement de pétrole. L’image, au ralentie, capte la danse de joie de ces corps noircis par cet or noir jaillissant de la terre qui leur faisait défaut jusqu’alors. Sans que le gouvernement et/ou les blancs trouvent à y redire, les Osages deviennent maîtres de ce territoire et surtout très riches. On y croirait presque à cette utopie, d’un peuple issu de minorités obtenant tout le pouvoir et l’argent, sans que les blancs s’en mêlent. Pendant un temps, Scorsese nous la montre, cette belle entente, cette cordialité, cette chimère. Mais une voix-off, que l’on devine être Molly (Lily Gladstone) révèle la part d’ombre de ce monde parfait : les morts, surtout les mortes, que l’on enterrent vite et bien, comme des secrets. Molly, un des personnages centraux du film, est la seule à voir l’invisible (avant l’arrivée du FBI dans la troisième heure du film), la seule à sentir le piège qui se referme. Pas assez cependant pour se préoccuper de sa propre sécurité. Comme souvent, le danger vient de ce qui nous est le plus proche et Molly le découvrira d’une cruelle façon. Le personnage s’efface donc, à mesure que prend la toile qui se referme sur elle, et se concentre sur les machinations de son mari, Ernest Burkhart, venu en Oklahoma chercher fortune et de son oncle.

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Tel un pion, Ernest (Leonardo DiCaprio) élimine un à un les autres pions sur l'échiquier qu’a construit son oncle, William Hale (Robert De Niro), génie du mal à la patience d’ange. Beau sourire par devant, coup de poignard dans le dos, Hale est l’implacable maître des lieux. À son image, la violence du film est sourde, anti-spectaculaire. C’est quand celui-ci commencera à s’impatienter que la violence deviendra plus grandiose, le souffle d’une explosion comme un secret qu’on évente. Le cynisme du film atteint son paroxysme à la toute fin, quand l’histoire elle-même devient une mise en scène divertissante pour un public avide de faits divers, la fascination du true crime ne datant pas de l’arrivée de Netflix. Une façon pour Scorsese d’enfoncer le clou de la gravité du récit que l’on vient de vivre pendant trois heures. Killers of the Flower Moon n’est alors pas juste un film, mais un morceau d’histoire restitué par le truchement de la fiction. L’aspect crépusculaire du film, sa photographie sombre, teintée de marron et de noir, ne sert qu’à souligner son aura mortifère.


Laura Enjolvy


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