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[ENTRETIEN] : Entretien avec Michel Gondry (Le Livre des Solutions)

Copyright CHLOE SHARROCK / MYOP POUR « LE MONDE » // Copyright The Jokers Films

Michel Gondry fait partie de ces metteurs en scène dont la touche si singulière ne peut qu’émerveiller et émouvoir. Adepte d’une créativité débordante (Soyez sympa, rembobinez en constitue un exemple flagrant), il revient avec un titre particulièrement touchant en la forme du Livre des solutions. C’est donc lors d’une table ronde que nous avons pu lui poser quelques questions.


La vraie nécessité de faire un film est de faire un film. Un réalisateur doit faire un film. Évidemment, il a des trucs à dire mais la première nécessité est d’avoir une occasion de le dire. Cette occasion, c’est de faire un film. - Michel Gondry


Est-ce que vous aviez des craintes concernant le fait que vous racontiez une histoire assez personnelle dans votre film ?

Michel Gondry : La vraie nécessité de faire un film est de faire un film. Un réalisateur doit faire un film. Évidemment, il a des trucs à dire mais la première nécessité est d’avoir une occasion de le dire. Cette occasion, c’est de faire un film. Cela parait toujours être du luxe de dire qu’on va faire un film pour telle raison, pour défendre telle idée, pour guérir. La vérité, en tout cas pour moi mais je ne pense pas être le seul, est qu’on espère pouvoir faire le film. Après, on se rend compte qu’on raconte des choses et que cela peut avoir une incidence, des répercussions, qu’on peut avoir un message, mais au départ, c’est un peu mentir de dire que l’on a fait un film pour ce message. C’est un plus si vous voulez ce message. Mais il peut être fort, juste, on a envie de le défendre. Mais c’est important pour moi de rappeler que je n’ai pas fait un film pour dire ça ou faire ça. Je voulais faire un film comme je veux toujours faire un film.

Le livre des solutions montre votre besoin de matérialiser vos idées de façon physique ou mécanique. De quelle façon cela était important pour vous ?

C’est-à-dire que j’ai des idées, on a plein d’idées, et c’est bien beau d’en avoir mais la vraie magie, c’est quand on arrive à les matérialiser dans le monde physique. Il y a des étapes car, lorsqu’on parle d’une idée, elle passe par une étape de papier et de mots. Quand, par exemple, au premier moment où les gens qui vont m’aider à faire le film prononcent le nom des personnages ou des scènes, je n’arrive pas à croire qu’ils parlent du film comme s’il existait. Le fait qu’ils s’approprient les choses que j’ai créées à partir de rien me donne un immense honneur et une gêne. Après, l’étape suivante, c’est que ça va se réaliser dans le monde physique et là, c’est vraiment un moment incroyable. À partir du vent, de l’air, on arrive à matérialiser des choses qui étaient plus des idées qui m’ont traversé la tête. Donc c’est vraiment immense comme transformation, comme chose pour moi. C’est pour ça que dans le film, chaque idée qu’il a, il a envie de la voir se réaliser. Et, comme il se retrouve un peu tout seul, il les réalise un peu n’importe comment parce que, peu importe la façon dont on les fait réaliser, il faut les faire exister dans le monde réel sinon on n’est pas un homme. C’est comme quand il dit « On n’est pas un homme tant qu’on n’a pas fabriqué une chaise ». C’est ce que je pensais en tout cas dans ma tête.


Copyright The Jokers Films

Le long-métrage semble également être un hommage à vos collaborateurs par la façon dont vous les représentez.

Autant je suis quand même assez dur avec moi-même, en revanche, je trouve qu’il y a des gens qui utilisent les films pour régler leurs comptes avec les autres. Je n’aime pas du tout ce principe parce que c’est profiter d’une arme que les autres n’ont pas. On n’a pas le point de vue de l’autre. Donc, de toute manière pour moi, il était hors de question de balancer les personnes qui étaient autour de moi. Il y a des moments où on sent qu’elles en ont marre de lui et c’est logique mais je leur rends quand même hommage. J’ai demandé à mon casting d’être bienveillant sinon on n’aurait pas aimé le rôle de Pierre. Je leur ai demandé de faire une prise où elles étaient plus sympas qu’elles ne l’auraient voulu, même si cela leur paraissait absurde, car c’était la seule manière que j’avais pour que le spectateur aime quand même Marc. Cela dit, elles ont toutes été sympas, mais il y avait des petits moments où sa tante dit du mal de Max et il dit qu’il n’aime pas ça. C’est vrai que ma tante avait critiqué une fois mon producteur et je n’avais pas aimé car, par contradiction, cela me donnait envie de le défendre.

Quelle solution du Livre a été la plus importante à vos yeux durant votre carrière ?

Je pense que les quatre symboles que j’ai écrits marchent complètement. Je sais que j’ai pété un câble -on peut appeler ça bipolaire ou maniaco-dépressif-, j’étais dans un état de crise mais je voulais voir les choses qui quand même étaient valables. Les gens ont tendance à tout balancer en disant « C’est n’importe quoi ». Mon compositeur m’a beaucoup énervé car il avait dit que la séance au studio avec l’orchestre avait été ratée à l’origine alors que pas du tout. Comme les gens avaient tendance à dire « Tu étais taré, tu as fait n’importe quoi », c’était important pour moi de savoir et de dire que je n’ai pas fait que n’importe quoi, que cette année de ma vie n’était pas qu’un trou noir. Donc, les quatre symboles, je vais les dire de mémoire car je les trouve vraiment importants. Le premier, c’est « Démarre ton projet », ça veut dire de ne pas écouter les autres, partir même si on ne sait pas où on va. Le deuxième, c’est « Apprends en faisant ». Il y a une petite boucle qui montre que, tout en avançant sur la flèche, on apprend. On ne peut pas faire tout ce qu’on veut car on apprend en faisant, donc il n’y a aucune raison de ne pas le terminer. Ensuite, le troisième est une flèche qui part en intérieur et pousse une bosse. « Ne pas écouter les autres » car tout le monde va te dire qu’on ne peut pas faire ça. « Tu n’as jamais fait donc tu ne sais pas le faire, ce n’est pas comme ça qu’on le fait ». Et le dernier, « Écoutez les autres ». Quand on a échafaudé son projet jusqu’à presque l’accomplissement final, là, on peut écouter les autres qui peuvent apporter des conseils sans empêcher la terminaison du projet. Quand le projet est presque terminé, on peut commencer à écouter les autres pour enrichir son projet.


Entretien réalisé par Liam Debruel

Merci à Helena de September film pour cet entretien.

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