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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Le Dieu noir et le Diable blond


Réalisateur : Glauber Rocha
Avec : Geraldo Del Rey, Yoná Magalhães, Othon Bastos,...
Distributeur : Capricci Films
Budget : -
Genre : Drame, Aventure, Western, Policier.
Nationalité : Brésilien.
Durée : 2h03min

Date de sortie : 1964
Date de ressortie : 30 août 2023


Synopsis :
Dans les plaines arides du Sertão, un couple de paysans brésiliens, touché par la misère, commet un meurtre pour s’en sortir avant de s’enfuir. Ils s’en remettent à deux personnages violents et mystiques, symbolisant la révolte : Sebastião, l’incarnation de Dieu, et Corisco, celle du diable.



Critique :


Un an après sa présentation en version restaurée du côté de la Croisette cuvée 2022 (dans la section Cannes Classics), Le Dieu noir et le Diable blond débarque dans des salles définitivement pas assez obscures, diamant noir de la filmographie de l'extraordinaire et (très) engagé cinéaste brésilien Glauber Rocha, mais également une œuvre fondamentale (la plus importante, avec Sécheresse de Nelson Pereira Dos Santos) du bref mais fascinant Cinema Novo - cousin sud-américain de la Nouvelle Vague -, embaumée dans un noir et blanc sublime et apocalyptique de Waldemar Lima.

Bonne nouvelle, cinquante-neuf ans après et porté par sa nouvelle peau, le film n'a absolument rien perdu de sa force et de sa pertinence, pur objet cinématographique explosif et intense à l'humanité aussi sèche qu'un coup de trique, l'expression personnelle, culturelle, politique et religieuse (gentiment derrière l'ombre de Buñuel, voire même aussi, celle de Pasolini) d'une nation ou l'homme fuit tout, et encore plus lui-même et sa condition.

Copyright Capricci Films

Dès les premières secondes, avec son cadre - les plaines arides du Sertão - frappé par la misère, aussi inhospitalier et brutal que les êtres humains qui l'animent,  le film se fait une cruelle et sanglante expérience de la vie, à la fois férocement réaliste et hallucinatoire, jonglant constamment entre la représentation culturelle et historique (la réalité), et le trip folklorique et baroque (le mythe), unis dans un tout étrange et indivisible, à travers l'odyssée d'un couple tour à tour confronté au diable et à Dieu.

En résulte une expérience à la fois fébrile (sa narration, seule talon d'Achille du film) et dévastatrice, chaotique et grandiose, un pèlerinage cinématographique passionnant et révolutionnaire au lyrisme frénétique qui cherche continuellement une confrontation directe son auditoire, pure et ravageuse, pour mieux lui asséner les vérités d'une violence qui n'est pas tant un acte de subversion ou de rébellion, mais inévitable, seule arme possible pour survivre dans une nation post-coloniale au bord de l'implosion, las des fausses promesses, où la croyance religieuse est corrompue et lentement asséchée, où les classes sociales inférieures sont bouffées par les injustices, marginalisées, asphyxiées, assujetties.
Une claque, rien de moins.


Jonathan Chevrier