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[CRITIQUE] : Les Fantômes d'Istanbul


Réalisatrice : Azra Deniz Okyay
Avec : Dilayda GüneşBeril KayarNalan Kuruçim,...
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Turque, Qatari, Français.
Durée : 1h30min

Synopsis :
Istanbul, dans un futur proche. Alors que la ville est en proie à des troubles politiques et sous la menace d’un black-out, Didem, une jeune danseuse activiste, croise le destin d’une mère dont le fils est en prison, d’une artiste féministe et d’un trafiquant rusé au cœur d’un réseau d’arnaques immobilières. Leurs histoires s’entremêlent, offrant un portrait saisissant de la Turquie contemporaine.



Critique :


Une panne globale d'électricité met la Turquie, déjà au bord de l'implosion, à genoux, tandis qu'une poignée de femmes aux générations opposées (aux personnalités toutes finement approfondies), voient leurs destinées se lier dans une course effrénée pour (sur)vivre, dans le cadre chaotique d'une Istanbul en pleine mutation/modernisation, gangrenée par un gouvernement répressif, un système patriarcal et rétrograde indéboulonnable, une corruption institutionnalisée et une précarité de plus en plus marquée.

C'est cette réalité socio-politique sous tension, à peine dystopique, dans laquelle il n'est pas difficile d'y voir une métaphore aussi facile que percutante, sur l'obscurantisme écrasant d'une nation turque à deux visages (voire même d'une représentation tourmentée du tumulte intérieur qui habite chacune de ses héroïnes, symboles d'un élan féministe nouveau, en quête de liberté, de parole, d'égalité et de justice), qui est le cœur vibrant du premier effort de la wannabe cinéaste Azra Denis Okyay, Les Fantômes d'Istanbul, drame choral et urbain au montage destructuré, gentiment logé dans l'ombre du cinéma d'Iñárritu (Les Amours Chiennes, évidemment).

Copyright antiheld Filmverleih

On pourrait même intimement le rapprocher du magnifique - et lui aussi premier long-métrage - Gagarine du tandem Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (avec qui il figurait d'ailleurs, dans la sélection du SEFF cuvée 2020), avec lequel il partage les mêmes thèmes de la gentrification des quartiers (l'effacement du patrimoine d'une ville, d'un pays, au profit de la modernité), et de l'isolement/marginalisation de ses habitants, à ceci près que celui-ci défiait fougueusement aussi bien les tropes du drame social et engagé, que celui de la SF contemporaine, pour tracer sa propre voie.

Si c'est visuellement qu'Azra Denis Okyay bouscule à son tour les codes, de ses insertions dans le dernier acte (où l'expression de la liberté des femmes réside dans la force de la danse, pratiquée comme un puissant acte de rébellion) à la duplicité nerveuse de ses formats, captant à la lisière du documentaire, l'immédiateté brute de l'insurrection énergique d'une jeunesse en quête d'émancipation (la seule à pleinement s'opposer à cet obscurantisme masculin), elle s'avère en revanche nettement moins plus habile dans son désir de casser sa structure traditionnelle par la force d'une narration éclatée et d'un montage qui l'est tout autant, maladroitement engoncé dans jeu de funambule multipliant les temporalités.

Copyright antiheld Filmverleih

Pas toujours adroit donc, mais quel audace magnifique que de vouloir concentrer plusieurs maux qui gangrènent la société turque moderne, au détour d'un premier long-métrage percutant, dense et complexe, ne dépassant même pas les 90 minutes de bobine.
On appelle ça une (très) belle surprise.


Jonathan Chevrier


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