[CRITIQUE] : Oppenheimer
Réalisateur : Christopher Nolan
Acteurs : Cillian Murphy, Emily Blunt, Robert Downey Jr., Matt Damon, Florence Pugh, Benny Safdie, Jason Clarke, Rami Malek, Casey Affleck, Josh Harnett, Dane DeHaan, Jack Quaid, Kenneth Branagh, Alden Ehrenreich, David Krumholtz, David Dastmalchian, Josh Peck, Matthias Schweighöfer, Devon Bostik, Gustaf Skarsgård, Nat Wolff, Tony Goldwyn, Gary Oldman, Olivia Thirlby,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Biopic, Historique, Thriller.
Nationalité : Américain, Britannique.
Durée : 3h01min
Synopsis :
En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le "Projet Manhattan" destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique". C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…
Critique :
Le cinéma de Christopher Nolan a toujours affiché un aspect rude, une rigueur de façade qui a toujours voulu mettre en son sein une émotion pourtant palpable. On pense au personnage d’Anne Hathaway dans Interstellar qui, face à la destruction inéluctable de notre existence, croyait en cette vertu souvent jugée naïvement mais si importante qu’est l’amour. Tenet se concluait de son côté sur la fin et le début d’une amitié à long terme, la révélation permettant d’apporter une touche de sentiment avec surprise. Il faut donc toujours creuser derrière sa froideur de concept pour mieux trouver chez Nolan ce cœur fort, et c’est ce qui risque de diviser dans son Oppenheimer tant le long-métrage émeut de manière difficile mais néanmoins existante.
Ainsi, il faut admettre que la densité d’apparence amènera à une scission qui peut être à double tranchant dans la réception du film. La narration part dans deux sens temporels différents, la division entre couleurs et noir et blanc renvoyant à Memento et à sa double subjectivité. C’est un procès qui ne s’assume jamais vraiment qui va mettre à mal l’image d’Oppenheimer et le confronter justement à ses doutes par rapport à son rôle dans le développement de la bombe atomique. Il faut donc s’accrocher un peu et admettre ce format narratif qui reste pertinent au vu des remords sur les conséquences de pareille création.
L’aspect formel va alors renforcer ce regard de portraits gravitant autour d’une même figure, la construction visuelle s’enrichissant dans ce sens par le format Imax. Certaines personnes ont pu y lire une forme d’ampleur dans l’intimité et c’est précisément ce qui raccroche le film dans sa mise en scène : sa construction multiple se liant à un protagoniste qui semble chercher, dans ses évocations, une manière de désamorcer ce qui a été construit. Cilian Murphy se révèle vite impérial de justesse et l’ensemble du casting va dans cette même quête d’humanité, malgré quelques protagonistes qui n’ont que peu à faire.
Oppenheimer s’avère donc une proposition de cinéma assez ample, déconcertante par ses orientations narratives mais pertinente dans ses prises de décisions émotionnelles. Ne rendant jamais sa bombe vulgairement spectaculaire, c’est un film qui transpire la peur et l’inquiétude envers l’avenir. Quand on sait que Christopher Nolan a toujours appréhendé le temps dans ses films comme un besoin de contrôle, cette absence de prise face aux ramification sociopolitiques du « gadget » (tel que décrit par certains personnages, comme une volonté d’amenuiser son importance) hante un long-métrage terrifié. La conclusion en fait ainsi un anti film d’été, le résultat global est un gros morceau de cinéma que l’on se plaira à analyser et réanalyser dans les années à venir, selon le temps qu'il nous reste avant une potentielle autodestruction...
Liam Debruel
Qu'on se le dise, au-delà d'un partenariat désormais éteint avec la Warner, Tenet à marqué un véritable virage au coeur de la filmographie de Christopher Nolan, un onzième long-métrage à la réception clivante pour lequel il avait totalement assimilé l'idée que c'est bien plus par la politique de l'image et non de l'esprit, qu'il imprimerait durablement la psyché du spectateur lambda d'aujourd'hui dans les salles obscures, via un blockbuster follement immersif et spectaculaire.
Quitte à, pour la première fois, laisser de côté un auditoire plus exigeant- pas uniquement cinéphile -, démêlant sans trop d'effort la fausse complexité de sa narration (l'océan d'informations assené dans son montage foutraque et effréné, était impossible à être assimilé sur une seule séance, et n'était pourtant pas totalement nécessaire non plus pour sa compréhension globale, aussi contradictoire que cela puisse paraître), autant que son incapacité redondante à ne pas savoir croquer convenablement ses personnages féminins.
À la fois une apogée (il n'avait jamais été aussi inspiré dans l'action) et, dans le même temps, plus encore que par le passé (The Dark Knight Rises diront certains), une expression criante des limites de la " méthode Nolan ", de plus en plus perceptibles et qu'une mise en scène même enlevée, ne pouvait plus masquer.
Oppenheimer, son douzième effort et premier biopic, allait donc soit affirmer cette nouvelle direction où soit incarner un rétropédalage mignon, une transition fragile qui se ressentait au coeur même d'une campagne promotionnelle où le cinéaste s'est montré plus impliqué que jamais, trop même pour ne pas poncer jusqu'à l'usure l'attente autour d'une œuvre qui, plus encore qu'un Avatar : La Voie de l'eau, revendique le statut de séance ultime : aussi bien en tant que film hypothétiquement somme de son auteur, et en tant qu'expérience cinématographique (IMAX, aucun CGI, 70mm,...), lui qui véhicule l'idée d'un cinéma à l'ancienne - mais avec des moyens évidemment modernes.
Sur le premier point, l'idée fait vite son chemin, tant le cinéaste condense plusieurs références à son propre édifice tout en s'aventurant dans l'inconnu (la physique des particules, jamais vulgariser quitte à paraître excessivement volubile), et qu'il est bien difficile de ne pas voir dans sa plongée au plus près de l'esprit fragile de J. Robert Oppenheimer, une fusion de celles tout aussi fracassées de Leonard Shelby et Dom Cobb, eux aussi architectes involontaires de leur propre malheur, bouffés par la culpabilité et leurs erreurs passées.
Le rapport à Memento va même au-delà de sa figure tragique (qu'il croque en s'appuyant sur la biographie American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer écrite par Kai Bird et Martin J. Sherwin) tant tout le château de cartes du film est lui aussi bâtit sur l'équilibre précaire d'un montage destructuré, où l'usage du noir et blanc se fait, il est vrai, infiniment moins subtil que voulu, tout autant que quelques enlacements temporels maladroits (la séquencede l'adultère en tête).
Un manque de subtilité (l'absence de son frère Jonathan au scénario depuis Interstellar, commence de plus en plus à se faire ressentir), voire peut-être même d'assurance (mais le carcan même du biopic ciblé, rend de facto limité tout développement dramaturgique), qui se ressent d'autant plus dans une écriture scindée en trois périodes bien distinctes comme autant de subjectivité (des différentes étapes de la vie du scientifique - ses études - à celles du Projet Manhattan, en passant par l'utilisation de la bombe H puis le statut de désavoué du bonhomme, au cœur de la chasse aux sorcières - communistes - de l'ère Truman) et de genre (le biopic historique, le thriller haletant, le film de procès), dressant le portrait retors et intimiste d'une figure hautement complexe que Nolan veut pénétrer de l'intérieur - tout est raconté sur son point de vue -, en décortiquant sa psychologie profonde (parfois jusqu'à l'absurde), ses remords comme sa volonté de déconstruire une tragédie qui a brisé l'humanité - tout autant que lui.
Une figure fantomatique, telle la mort, et pourtant diablement humaine et angoissée, que Cillian Murphy incarne avec une justesse folle, alors que chacun des personnages, dont on ne retiendra qu'un formidable Robert Downey Jr., ne s'avère guère plus que des cercles concentriques voguant autour du cœur atomique qu'est Oppenheimer.
Une sorte d'artisan du chaos pourtant empathique dans son enthousiasme scientifique (l'idée que son génie puisse enfin prendre vie et être matérialisé), mais qui n'aura in fine jamais cessé d'être un pantin manipulé.
La science n'est rien face au politique, le génie n'est qu'un outil pour ceux, plus terrifiants que toute bombe, qui ont le pouvoir.
Une réhabilitation par le septième art qui sonne cela dit tiède et pourra en rebuter plus d'un, tant Nolan n'a que fit des vraies victimes de son génie et de la folie de ceux - sa nation - qu'il a armé (ce qui est, paradoxalement, une bonne chose d'un autre côté, puisque le cinéaste a le bon goût de ne pas reproduire les attaques d'Hiroshima et de Nagasaki).
Mais comme pour Tenet (et Dunkerque aussi, surtout même), c'est par le son et l'image (la photographie démente de Hoyt Van Hoytema, la symphonie majestueuse qu'incarne le score de Ludwig Göransson), dont il bouscule parfois les notions propres, que la vision de Nolan se fait la plus prégnante (et le format IMAX prend tout son sens ici), vrai film-cerveau mais surtout incroyable film-monstre, une déflagration sensorielle qui émerveille et exténue, écrase et éblouit.
Ce sont elles qui déstabilisent le spectateur, le repousse dans ses retranchements, le pousse à la réflexion même si elles sont elles aussi, parfois, symboliquement appuyées.
C'est par elle qu'Oppenheimer incarne une véritable contre-proposition estivale experimentale (oui), glaciale et radicale, stimulante à défaut d'être totale et obsédante, cocktail ambitieux entre le portrait intimiste et la fresque historico-consciente, mais sans l'ampleur narrative qu'elle mérite.
En montrant comment le monde a brûlé, Christopher Nolan suscitera t-il suffisamment de terreur en nous pour l'empêcher de s'embraser et/où d'imposer demain, à l'orée d'une ère encore plus terrifiante ?
On sait très bien que l'humanité ne retient jamais de ses erreurs,...
Jonathan Chevrier
Acteurs : Cillian Murphy, Emily Blunt, Robert Downey Jr., Matt Damon, Florence Pugh, Benny Safdie, Jason Clarke, Rami Malek, Casey Affleck, Josh Harnett, Dane DeHaan, Jack Quaid, Kenneth Branagh, Alden Ehrenreich, David Krumholtz, David Dastmalchian, Josh Peck, Matthias Schweighöfer, Devon Bostik, Gustaf Skarsgård, Nat Wolff, Tony Goldwyn, Gary Oldman, Olivia Thirlby,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Biopic, Historique, Thriller.
Nationalité : Américain, Britannique.
Durée : 3h01min
Synopsis :
En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le "Projet Manhattan" destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique". C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…
Critique :
Bien qu'il pêche un brin par sa narration et un montage destructuré pas toujours adroit, #Oppenheimer incarne une contre-proposition estivale glaciale et radicale, stimulante à défaut d'être totale, cocktail ambitieux entre le portrait intimiste et la fresque historico-retorse. pic.twitter.com/c7APXlBG4J
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 19, 2023
Le cinéma de Christopher Nolan a toujours affiché un aspect rude, une rigueur de façade qui a toujours voulu mettre en son sein une émotion pourtant palpable. On pense au personnage d’Anne Hathaway dans Interstellar qui, face à la destruction inéluctable de notre existence, croyait en cette vertu souvent jugée naïvement mais si importante qu’est l’amour. Tenet se concluait de son côté sur la fin et le début d’une amitié à long terme, la révélation permettant d’apporter une touche de sentiment avec surprise. Il faut donc toujours creuser derrière sa froideur de concept pour mieux trouver chez Nolan ce cœur fort, et c’est ce qui risque de diviser dans son Oppenheimer tant le long-métrage émeut de manière difficile mais néanmoins existante.
Copyright Universal Studios. All Rights Reserved. |
Ainsi, il faut admettre que la densité d’apparence amènera à une scission qui peut être à double tranchant dans la réception du film. La narration part dans deux sens temporels différents, la division entre couleurs et noir et blanc renvoyant à Memento et à sa double subjectivité. C’est un procès qui ne s’assume jamais vraiment qui va mettre à mal l’image d’Oppenheimer et le confronter justement à ses doutes par rapport à son rôle dans le développement de la bombe atomique. Il faut donc s’accrocher un peu et admettre ce format narratif qui reste pertinent au vu des remords sur les conséquences de pareille création.
L’aspect formel va alors renforcer ce regard de portraits gravitant autour d’une même figure, la construction visuelle s’enrichissant dans ce sens par le format Imax. Certaines personnes ont pu y lire une forme d’ampleur dans l’intimité et c’est précisément ce qui raccroche le film dans sa mise en scène : sa construction multiple se liant à un protagoniste qui semble chercher, dans ses évocations, une manière de désamorcer ce qui a été construit. Cilian Murphy se révèle vite impérial de justesse et l’ensemble du casting va dans cette même quête d’humanité, malgré quelques protagonistes qui n’ont que peu à faire.
Copyright Universal Studios. All Rights Reserved. |
Oppenheimer s’avère donc une proposition de cinéma assez ample, déconcertante par ses orientations narratives mais pertinente dans ses prises de décisions émotionnelles. Ne rendant jamais sa bombe vulgairement spectaculaire, c’est un film qui transpire la peur et l’inquiétude envers l’avenir. Quand on sait que Christopher Nolan a toujours appréhendé le temps dans ses films comme un besoin de contrôle, cette absence de prise face aux ramification sociopolitiques du « gadget » (tel que décrit par certains personnages, comme une volonté d’amenuiser son importance) hante un long-métrage terrifié. La conclusion en fait ainsi un anti film d’été, le résultat global est un gros morceau de cinéma que l’on se plaira à analyser et réanalyser dans les années à venir, selon le temps qu'il nous reste avant une potentielle autodestruction...
Liam Debruel
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Qu'on se le dise, au-delà d'un partenariat désormais éteint avec la Warner, Tenet à marqué un véritable virage au coeur de la filmographie de Christopher Nolan, un onzième long-métrage à la réception clivante pour lequel il avait totalement assimilé l'idée que c'est bien plus par la politique de l'image et non de l'esprit, qu'il imprimerait durablement la psyché du spectateur lambda d'aujourd'hui dans les salles obscures, via un blockbuster follement immersif et spectaculaire.
Quitte à, pour la première fois, laisser de côté un auditoire plus exigeant- pas uniquement cinéphile -, démêlant sans trop d'effort la fausse complexité de sa narration (l'océan d'informations assené dans son montage foutraque et effréné, était impossible à être assimilé sur une seule séance, et n'était pourtant pas totalement nécessaire non plus pour sa compréhension globale, aussi contradictoire que cela puisse paraître), autant que son incapacité redondante à ne pas savoir croquer convenablement ses personnages féminins.
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À la fois une apogée (il n'avait jamais été aussi inspiré dans l'action) et, dans le même temps, plus encore que par le passé (The Dark Knight Rises diront certains), une expression criante des limites de la " méthode Nolan ", de plus en plus perceptibles et qu'une mise en scène même enlevée, ne pouvait plus masquer.
Oppenheimer, son douzième effort et premier biopic, allait donc soit affirmer cette nouvelle direction où soit incarner un rétropédalage mignon, une transition fragile qui se ressentait au coeur même d'une campagne promotionnelle où le cinéaste s'est montré plus impliqué que jamais, trop même pour ne pas poncer jusqu'à l'usure l'attente autour d'une œuvre qui, plus encore qu'un Avatar : La Voie de l'eau, revendique le statut de séance ultime : aussi bien en tant que film hypothétiquement somme de son auteur, et en tant qu'expérience cinématographique (IMAX, aucun CGI, 70mm,...), lui qui véhicule l'idée d'un cinéma à l'ancienne - mais avec des moyens évidemment modernes.
Sur le premier point, l'idée fait vite son chemin, tant le cinéaste condense plusieurs références à son propre édifice tout en s'aventurant dans l'inconnu (la physique des particules, jamais vulgariser quitte à paraître excessivement volubile), et qu'il est bien difficile de ne pas voir dans sa plongée au plus près de l'esprit fragile de J. Robert Oppenheimer, une fusion de celles tout aussi fracassées de Leonard Shelby et Dom Cobb, eux aussi architectes involontaires de leur propre malheur, bouffés par la culpabilité et leurs erreurs passées.
Le rapport à Memento va même au-delà de sa figure tragique (qu'il croque en s'appuyant sur la biographie American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer écrite par Kai Bird et Martin J. Sherwin) tant tout le château de cartes du film est lui aussi bâtit sur l'équilibre précaire d'un montage destructuré, où l'usage du noir et blanc se fait, il est vrai, infiniment moins subtil que voulu, tout autant que quelques enlacements temporels maladroits (la séquencede l'adultère en tête).
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Un manque de subtilité (l'absence de son frère Jonathan au scénario depuis Interstellar, commence de plus en plus à se faire ressentir), voire peut-être même d'assurance (mais le carcan même du biopic ciblé, rend de facto limité tout développement dramaturgique), qui se ressent d'autant plus dans une écriture scindée en trois périodes bien distinctes comme autant de subjectivité (des différentes étapes de la vie du scientifique - ses études - à celles du Projet Manhattan, en passant par l'utilisation de la bombe H puis le statut de désavoué du bonhomme, au cœur de la chasse aux sorcières - communistes - de l'ère Truman) et de genre (le biopic historique, le thriller haletant, le film de procès), dressant le portrait retors et intimiste d'une figure hautement complexe que Nolan veut pénétrer de l'intérieur - tout est raconté sur son point de vue -, en décortiquant sa psychologie profonde (parfois jusqu'à l'absurde), ses remords comme sa volonté de déconstruire une tragédie qui a brisé l'humanité - tout autant que lui.
Une figure fantomatique, telle la mort, et pourtant diablement humaine et angoissée, que Cillian Murphy incarne avec une justesse folle, alors que chacun des personnages, dont on ne retiendra qu'un formidable Robert Downey Jr., ne s'avère guère plus que des cercles concentriques voguant autour du cœur atomique qu'est Oppenheimer.
Une sorte d'artisan du chaos pourtant empathique dans son enthousiasme scientifique (l'idée que son génie puisse enfin prendre vie et être matérialisé), mais qui n'aura in fine jamais cessé d'être un pantin manipulé.
La science n'est rien face au politique, le génie n'est qu'un outil pour ceux, plus terrifiants que toute bombe, qui ont le pouvoir.
Une réhabilitation par le septième art qui sonne cela dit tiède et pourra en rebuter plus d'un, tant Nolan n'a que fit des vraies victimes de son génie et de la folie de ceux - sa nation - qu'il a armé (ce qui est, paradoxalement, une bonne chose d'un autre côté, puisque le cinéaste a le bon goût de ne pas reproduire les attaques d'Hiroshima et de Nagasaki).
Copyright Universal Studios. All Rights Reserved. |
Mais comme pour Tenet (et Dunkerque aussi, surtout même), c'est par le son et l'image (la photographie démente de Hoyt Van Hoytema, la symphonie majestueuse qu'incarne le score de Ludwig Göransson), dont il bouscule parfois les notions propres, que la vision de Nolan se fait la plus prégnante (et le format IMAX prend tout son sens ici), vrai film-cerveau mais surtout incroyable film-monstre, une déflagration sensorielle qui émerveille et exténue, écrase et éblouit.
Ce sont elles qui déstabilisent le spectateur, le repousse dans ses retranchements, le pousse à la réflexion même si elles sont elles aussi, parfois, symboliquement appuyées.
C'est par elle qu'Oppenheimer incarne une véritable contre-proposition estivale experimentale (oui), glaciale et radicale, stimulante à défaut d'être totale et obsédante, cocktail ambitieux entre le portrait intimiste et la fresque historico-consciente, mais sans l'ampleur narrative qu'elle mérite.
En montrant comment le monde a brûlé, Christopher Nolan suscitera t-il suffisamment de terreur en nous pour l'empêcher de s'embraser et/où d'imposer demain, à l'orée d'une ère encore plus terrifiante ?
On sait très bien que l'humanité ne retient jamais de ses erreurs,...
Jonathan Chevrier