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[CRITIQUE] : Barbie


Réalisatrice : Greta Gerwig
Acteurs : Margot Robbie, Ryan Gosling, Kate McKinnon, America Ferrara, Ariana Greenblatt, Alexandra Shipp, Emma Mackey, Will Ferrell, Simu Liu, Michael Cera, Issa Rae, Emerald Fennell, Ncuti Gatwa, Kingsley Ben-Adir, Dua Lipa, John Cena,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Aventure, Comédie, Famille.
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 1h55min

Synopsis :
A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.



Critique :


Depuis son annonce, le film Barbie instaure une certaine impatience au vu de la nature du projet. Si l’on pouvait être rassuré, même intrigué, par la présence de Greta Gerwig derrière la caméra ainsi qu’au scénario en compagnie de Noah Baumbach, il faut admettre que la poupée génère une certaine imagerie entre volonté d’émancipation féminine et stéréotypes qui ont pu se retourner contre elle. Tout cela se retrouve bien évidemment au cœur du long-métrage et on en sort absolument conquis, notamment par la pertinence qui s’en dégage avec une émotion assez surprenante.

Copyright 2023 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Sans trop dévoiler le récit, on est rapidement installé dans une narration assez classique de prime abord, évoquant le besoin de se confronter à une crise existentielle assez inattendue. Après une première partie assez drôle permettant de mieux situer un univers fait de plastique, de rose mais surtout d’une célébration large de la féminité, la confrontation à la réalité se fait avec autant d’humour qu’un besoin d’affirmation identitaire. L’imagerie à paillettes se referme sur un univers prompt à la comédie mais avec un aspect plus critique, notamment sur la place du patriarcat dans notre société. Une réplique constatera le côté plus sournois de cette construction, trouvant dans le ton un côté grinçant qui sait frapper juste.

Mais, au-delà de ses contours hilarants, Barbie se distingue par son rapport existentiel, notamment à une certaine vulnérabilité émotionnelle. Allant au-delà du genre sur la question, le long-métrage expose un besoin d’exister et de trouver sa place qui résonne de façon surprenante. Margot Robbie et Ryan Gosling sont alors parfaits dans leurs prestations, la comédie qui se rattache à eux permettant de mieux développer leur quête intime, leur volonté de sortir d’un renfermement quotidien mais surtout de s’affirmer en tant qu’individu. Tout cela pourrait paraître bien évidemment convenu aux yeux de certains mais, par une écriture absolument fine, il s’en distingue un cœur qui bat fortement.

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La nature de produit commercial de ce Barbie suit alors la même trajectoire que La grande aventure Lego, autre adaptation de jouet qui, par son humour ravageur, savait aussi narrer une trajectoire intime et touchante. Greta Gerwig fait alors de ce projet casse-gueule un très bon film estival d’apparence qui dissimule au mieux un questionnement identitaire réussi. Aussi drôle que touchant, marqué par le rose dans sa forme et diverses peurs comme celle de la fin dans son fond, Barbie s’avère être à la hauteur des espérances et même plus encore.


Liam Debruel


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Même s'il était presque écrit que l'implication et le contrôle de Mattel, doublé à une nécessité de ne pas sacrifier son aura de divertissement populaire pour toute - vraiment toute - la famille, viendraient édulcorer un brin le cocktail satirique promis à la fois par la plume du duo Gerwig/Baumbach, mais aussi les précédentes montures d'un projet dans les cartons depuis dix ans maintenant (dont celle, savoureusement piquante, d'une Amy Schumer qui l'a longtemps porté); impossible pourtant de ne pas imaginer que Barbie ne trouverait pas sa propre manière de déballer et décortiquer les normes de la société contemporaine, et encore plus celles modernes de féminité et de pensée féministe, le tout dans un enrobage humoristico-rose bonbon (parce que Barbie).

Après tout, il était acquis (sans trop de spoilers, tout était déjà dans la première bande annonce), que le film loucherait gentiment du côté de La Grande Aventure Lego (jusque dans la présence du trop rare Will Ferrell), avec un soupçon conscient et critique de The Truman Show, restait plus qu'à savoir si cette réappropriation plus ou moins prononcée, serait opérée de manière basique où intelligente.

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Si c'est finalement moins vers le premier, mais bien vers le second, que le film balance, en revanche, il est plus surprenant de réaliser après vision, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme, que l'on a bien plus été face à un film sur Ken que sur Barbie, dit film que Ryan Gosling s'approprie avec un aplomb absolument génial, qu'un véritable film sur la plus célèbre des poupées.
Quand bien même le personnage de Margot Robbie n'est absolument pas en reste au coeur de la narration, mais force est d'avouer que sa crise existentielle/identitaire résonne beaucoup moins juste, et surtout s'avère infiniment moins drôle.
Sans doute parce que le timing comique de Ryan Gosling est absolument parfait (ce que l'on savait déjà depuis Crazy, Stupid, Love puis The Nice Guys), sans doute aussi parce que le duo Gerwig/Baumbach est plus inspiré à son sujet, car il est un bien meilleur véhicule que sa légendaire star, pour porter ses thèmes clés.

Dans le bonheur factice et satisfait de Barbieland (esthétiquement dément dans son souci du détail et son fonctionnement intelligent), Barbie a tout pour plaire et être heureuse, une vie simple à laquelle Ken ne peut goûter : si Barbie est heureuse par défaut dans son monde fait de plastique et de paillettes, dans ce monde totalement au féminin, Ken ne l'est que lorsque Barbie pose son regard sur lui.
Au-delà d'être frustré de devoir rivaliser avec tous les autres Ken - surtout celui génial de Simu Liu -, il n'a aucun but à Barbieland, aucun rêve à poursuivre (là où ceux de toutes les Barbies sont accomplis, elles qui ont toutes une vie, un métier, une place à part entière) autre que la satisfaction d'être avec Barbie.
Mais malheureusement, Ken est la plupart du temps sans elle, à peine plus important que l'une des tenues de leur immense garde-robe commune.
Il est ravagé par le chagrin, et il suscite instinctivement la sympathie voire même, plus encore, l'empathie.

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Que l'accent soit sensiblement renforcé sur Ken (et c'est là où la vraie vérité de son affiche et de sa tagline, prend tout son sens), que ce soit entre les murs de Barbieland comme ceux plus " ouverts " de la réalité, permet justement au film d'asséner (avec une finesse relative, il est vrai) sa plus belle carte : tôt ou tard, les petites filles réaliseront par elles-mêmes, que les Kens on résolument plus de pouvoir que les Barbies dans le monde réel.
Même Ken lui-même s'en rend vite compte, une fois que les frontières de Barbieland sont franchis, devenant par la comédie, un antagoniste fascinant et pop, renforçant le commentaire incisif, par l'humour et la musique, de Gerwig et Baumbach sur la masculinité toxique (qui infecte littéralement Ken), tout en essayant de répondre, avec moins d'adresse, à la question cruciale de la représentation de Barbie dans la société actuelle.

Moins d'adresse car, tout comme Barbieland est bardé de stéréotypes, la réalité dépeinte dans Barbie est une réalité volontairement caricaturale pour appuyer - grossièrement - sa critique du patriarcat, ce qui fonctionne pour le parcours de Ken (la caricature à peine extrême, de la masculinité toxique), mais met sensiblement du plomb dans l'aile à la pertinence et à la puissance de celui de Barbie - sa recherche des notions de féminité et de féminisme dans l'Amérique d'aujourd'hui.
Pire, le récit simplifie toutes les questions sociales, raciales et de genre qu'il soulève, au travers non seulement du personnage d'America Ferrara (incarnant tous les doubles standards - femme et mère - auxquels les femmes américaines modernes sont confrontées, et les pressions sociales qui vont avec), mais aussi de ses Barbies (comme la Barbie de Hari Nef, qui n'a jamais à s'inquiéter que quelqu'un remette en question son genre, dans un monde, Barbieland, véritable fantasme d'inclusion parfaite, où la sexualité n'a aucune importance, là où la réalité est tout autre).

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Mais tous ses reproches, au demeurant légitimes (comme celles que l'on pourrait faire à une mise en scène parfois balbutiante), sont à tempérer tant si Barbie est un film de Greta Gerwig (d'où les attentes, démesurées, quant à une écriture que l'on espérait aussi forte et moderne que pour Les Filles du Docteur March), il est aussi et surtout un film de grosse major (coûteux et contrôlé, par la Warner comme Mattel) déjà gentiment plus dense, rythmé et soutenu que la majorité des blockbusters contemporains, pas même investis par l'idée de retranscrire un minimum, les angoisses existentielles actuelles.

Avant toute chose, il faut saluer l'audace de Greta Gerwig d'avoir voulu concocter un divertissement populaire à la fois moderne, amusant et politiquement incisif, sans pour autant dénaturer l'image même de l'icône Mattel.
Imparfait donc, mais vraiment plein de jolies choses.


Jonathan Chevrier


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