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[CRITIQUE] : Jeunesse (Le Printemps)


Réalisateur : Wang Bing
Acteurs : -
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Chinois.
Durée : 3h32min

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.

Zhili, à 150 km de Shanghai. Dans cette cité dédiée à la confection textile, les jeunes affluent de toutes les régions rurales traversées par le fleuve Yangtze. Ils ont 20 ans, partagent les dortoirs, mangent dans les coursives. Ils travaillent sans relâche pour pouvoir un jour élever un enfant, s’acheter une maison ou monter leur propre atelier. Entre eux, les amitiés et les liaisons amoureuses se nouent et se dénouent au gré des saisons, des faillites et des pressions familiales.



Critique :


Une fois de plus fidèle à sa conception fleuve - mais infiniment captivante - du documentaire, bien qu'il y introduit cette fois, presque imperceptiblement, quelques saillies fictionnelles, Wang Bing établit avec Jeunesse (Le Printemps) un lien vibrant avec son premier effort, À l'ouest des rails, où il scrutait la lente décomposition du communisme à travers l'extinction de la plus grande zone industrielle de l'époque de Mao, des entreprises sidérurgiques qui constituaient les poumons de la Chine.

Trois fois moins long, bien qu'il compte tout de même plus de trois heures et demie de bobines, mais toujours marqué par son approche quasi observationnelle de la vie professionnelle et du quotidien de la jeunesse chinoise contemporaine, il s'attache cette fois à pointer du bout de sa caméra complice comment plus de 300 000 ouvriers gagnent leur vie dans quelques-uns des 18 000 ateliers textiles de la région de Zhili, confectionnant des vêtements destinés à la fois au marché intérieur et à l'exportation.

Copyright 2023 House on Fire, Gladys Glover et CS Production

Des heures de travail sans repos aux conditions d'hygiène terribles - voire  inexistantes - des ateliers, où les ordures s'entassent partout, en passant par la précarité, les salaires dérisoires qu'il faut sans cesse renégocier, la pénibilité face à la répétitivité de gestes que l'on répète jusqu'à l'usure; Wang Bing a posé ses caméras pendant cinq ans (2 600 heures de séquences filmées entre 2014 et 2019) pour dresser la première monture de ce qui est annoncé comme une trilogie sur la classe ouvrière chinoise.
Et la vérité qu'il en dégage, dépourvu de tout commentaire en voix-off (les images parlent d'elles-mêmes) est déjà implacable, tant il montre les ravages vertigineux et prédateur du capitalisme, les échos du communisme ont été éclipsés par une industrie continuellement en expansion où l'homme est une machine parmi tant d'autres - interchangeable.

Une vraie radiographie objective qui rend compte d'un quotidien redondant et étouffant, cloîtré entre les murs étroits et ébréchés des usines où les jeunes travaillent au coup par coup, sans plus de soulagement que les quelques respirations de leur âge (des bribes de conversations, un doigt chamailleries et d'illusions perdues, un chouia de petites tentatives de séductions et de passions naissantes,...).
Et pourtant, dans ses couloirs et locaux sombres et exigus où le gris est roi, Wang Bing laisse entrer le soleil par la douceur et la drôlerie de cette jeunesse qui, malgré tout aime, rit, vit.

Copyright 2023 House on Fire, Gladys Glover et CS Production

En somme, Jeunesse (Le Printemps) se fait l'histoire immersive d'une multitude de petites histoires enfermées dans un monde où la conscience de classe est obscurcie, où chacun essaie de sauver son propre bout de steak face au nouveau capital chinois.
Un portrait saisissant et oppressant de la misère morale de notre société contemporaine.
Comme d'habitude, vivement la suite.


Jonathan Chevrier

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