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[CRITIQUE] : Strange way of life


Réalisateur : Pedro Almodóvar
Avec : Pedro Pascal, Ethan Hawke, Manu Ríos,...
Distributeur : Pathé Films
Budget : -
Genre : Western, Drame.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 0h30min

Synopsis :
Ce film est présenté Hors Compétition au Festival de Cannes 2023

Silva traverse le désert à cheval pour retrouver Jake qu’il a connu vingt-cinq ans plus tôt lorsqu’ils étaient tous deux tueurs à gages. Silva souhaite renouer avec son ami d’enfance désormais shérif mais ces retrouvailles ne sont pas sa seule motivation…



Critique :


Et si, alors qu'il prépare actuellement son premier long-métrage en langue anglaise (qu'il devrait tourner tout prochainement à New Yor, Strange Way of Life n'était pas tant une manière pour le maestro Pedro Almodóvar d'exprimer une sorte de réponse - courte - au Secret de Brokeback Mountain d'Ang Lee, que de s'acclimater encore un petit peu plus après l'excellent La Voix Humaine, à travailler dans la langue de Shakespeare avant ce qui peut être considéré comme son " grand saut " ?

La question a le mérite d'être posé, d'autant que quitte à sortir pleinement de sa zone de confort, le bonhomme se fait violence en abordant un genre nouveau pour lui : le western, pour lequel il peut laisser s'exprimer son admiration pour les classiques Johnny Guitar de Nicholas Ray et Duel in the Sun de King Vidor, dont l'influence esthétique et narrative transpire de tous les pores de la pellicule.

Copyright El Deseo D.A. S.L.U. photo Iglesias Mas

Noué autour d'un désir interdit tout droit sorti du cinéma de Douglas Kirk (cette fois à la sauce queer), alors que son titre fait directement référence à la chanson éponyme de la reine du fado Amalia Rodrigues, le court-métrage suit la romance contrariée entre deux hommes qui ont eu un fugace passé amoureux ensemble, qu'ils gardent caché de l'hostilité d'un monde inhospitalier et viril.

Soit l'affable Silva (Pedro Pascal) qui, 25 ans après, retrouve son ancien ami Jake (Ethan Hawke), devenu depuis le shérif d'une petite ville.
Les deux, qui se sont forgés des existences et des familles l'un sans l'autre, ne sont qu'à un verre de whisky et un ragoût de viande (où pas loin) de raviver leur ancienne flamme dans une étreinte sincère et passionnée.
Mais Silva n'est pas uniquement là pour laisser son cœur, mais bien pour une sombre histoire qui implique son fils bien-aimé Joe et le meurtre récent de la belle-sœur de Jake, qui était l'amante de Joe et Jake...

Copyright El Deseo D.A. S.L.U. photo Iglesias Mas

Qu'on se le dise, avec cet effort dramatico-westernien, Almodóvar s'invite dans une contrée qui lui est étranger et dans laquelle il ne s'est pas tout à fait (re)trouvé, tant si derrière la vitrine pimpante qu'incarne la première production de Saint Laurent Productions (pas besoin de préciser le soin et la mise en valeur toute particulière faites aux costumes), on retrouve quelques bribes de la patte transgressive de son auteur (notamment un final formidablement lyrique), difficile de ressentir pleinement le feu de la passion ni la tendresse qui émane de ses amants maudits, alors que l'urgence même de la durée de temps du projet (une demie heure), aurait pu servir cette union, tant ils n'ont littéralement pas le temps de se retrouver.

Ce qui intéresse le cinéaste ici au fond, c'est la beauté des corps (même s'il reste plutôt timide dans ses effusions torrides) et du cadre (sans doute le premier western à la fois magnifiquement coloré et portant une importance aussi marquée à l'art), quitte à n'en avoir que faire de l'authenticité de son approche, même s'il a le bon ton de ne pas chercher à réécrire les codes du genre, mais bien de les épouser avec rigueur - quitte à ressembler à un western prude des 50s.

Copyright El Deseo D.A. S.L.U. photo Iglesias Mas

Si La Voix Humaine était un régal sur la même unité de temps, Strange Way of Life subit mal la comparaison et apparaît sensiblement plus superficiel, lui qui manque cruellement de substance et aurait mérité, à la différence de nombreux longs-métrages qui ne sont que des courts étirés, un bon coup de rab pour donner plus de corps et de temps à ses deux cow-boys fragiles et bidimensionnels.
Une vraie occasion manquée...


Jonathan Chevrier