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[CRITIQUE] : Sept hivers à Téhéran


Réalisatrice : Steffi Niederzoll
Avec : Zar Amir Ebrahimi, Reyhaneh Jabbari, Shole Pakravan,...
Budget : -
Distributeur : Nour Films
Genre : Documentaire.
Nationalité : Allemand, Français.
Durée : 1h37min.

Synopsis :
En 2007 à Téhéran, Reyhaneh Jabbari, 19 ans, poignarde l’homme sur le point de la violer. Elle est accusée de meurtre et condamnée à mort. A partir d’images filmées clandestinement, Sept hivers à Téhéran montre le combat de la famille pour tenter de sauver Reyhaneh, devenue symbole de la lutte pour les droits des femmes en Iran.



Critique :


Il n'y a pas uniquement via le carcan de la fiction, aussi réaliste soit-elle, que le cinéma iranien profite du contexte social et politique difficile de sa nation, pour régler ses comptes et dégainer des vérités de plus en plus implacables, aussi bien que de signer des oeuvres d'une radicalité rare sur les injustices sociales qui gangrènent son cadre; le documentaire a lui aussi, les faveurs de cinéastes engagés, qu'ils soient iraniens où non.
C'est par ce biais, à l'instar des puissants efforts de Mehrdad Oskouei, que la réalisatrice allemande Steffi Niederzoll avec Sept Hivers à Téhéran (son premier effort), met en images et examine le cas de la jeune Reyhaneh Jabbari, symbole accablant de la politique et de la hiérarchie de genre dans une société iranienne furieusement patriarcale.

À 19 ans, elle a été condamnée à mort pour avoir tué un homme qui a tenté de la violer et, bien qu'il a été acquis qu'elle a agi en état de légitime défense (elle a été attirée sous de faux prétextes par un homme marié, dans un appartement dans ce qu'elle pensait être un entretien pour une opportunité d'emploi), le système pénale iranien défectueux - pour être poli - et corrompu a refusé de la traiter équitablement, et Reyhaneh Jabbari a fini in fine par perdre son combat pour sa liberté le 25 octobre 2014.

Ne se perdant jamais dans un misérabilisme ou une surenchère émotionnelle putassière et forcée, le documentaire s'attache au sort de la famille Jabbari à travers des vidéos et des lettres obtenues en secret que Reyhaneh a écrit en prison, la réalisatrice entrecoupant ces séquences par des témoignages déchirants de ses amis et proches qui ont luttés pour sa liberation - mais aussi par une reconstitution en miniature du procès et de sa vie carcérale -, pour mieux brosser le portrait autant d'une injustice folle (des aveux extorqués sous la menace, plusieurs preuves ont été volontairement détruites, l'arrivée d'un nouveau juge érudit islamique,...) que celui d'une femme sacrifiée et inspirante - avec la voix puissante de Zar Amir-Ebrahimi à la narration.

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À la fois sombre et difficile et pourtant continuellement embrasé par un vibrant sentiment d'espoir, le documentaire met en lumière l'activisme à la fois de la stoïque Reyhaneh, qui a aidé d'autres femmes de la prison à trouver le courage de dénoncer leur incarcération, mais également de sa mère Shole, qui a aidé de nombreuses autres à combattre leur condamnation à mort tout en ayant de l'empathie pour la famille du bourreau de sa fille (notamment pour son fils, lui aussi broyé par la mécanique judiciaire et la face sombre et abject de l'homme).

En interrogeant une loi iranienne qui détruit tout, indépendamment de l'innocence ou de la culpabilité, tout en célébrant la résilience extraordinaire de Reyhaneh Jabbari (au lieu de mentir et de retirer son accusation d'agression contre son agresseur, elle a préférer mourir en honnête femme), Sept Hivers à Téhéran donne une tribune aux victimes qui n'ont pas pu s'exprimer sur les injustices qui leur sont infligées, ses femmes qui se retrouvent emprisonnées, battues et extorquées en pénitence pour des crimes qu'elles n'ont majoritairement pas commis.

Une claque nécessaire et enragée, un rappel essentiel et déchirant des nombreuses souffrances - toujours - endurées par les femmes iraniennes.


Jonathan Chevrier