[CRITIQUE] : A E I O U - L'alphabet rapide de l'amour
Réalisatrice : Nicolette Krebitz
Avec : Sophie Rois, Milan Herms, Udo Kier,...
Distributeur : Shellac
Genre : Comédie, Romance.
Nationalité : Allemand, Français.
Durée : 1h44min
Synopsis :
Anna est une comédienne taciturne de soixante ans, confrontée à son obsolescence et condamnée à des rôles ingrats. Adrian est un adolescent solitaire, kleptomane et en échec scolaire. Chargée de lui donner des cours d’éloquence, en vue d’une performance théâtrale, Anna prend Adrian au sérieux, à la grande surprise de celui-ci. Les leçons deviennent des dîners et Anna passe de mentor à maîtresse.
Critique :
#AEIOU - L'alphabet rapide de l'amour malgré ses évidentes qualités, donne constamment la désagréable impression de ne jamais savoir sur quel pied danser entre la fable Lubitschienne, la comédie de moeurs et la romance, malgré la partition délicate et empathique de Sophie Rois. pic.twitter.com/xGmRlwfUUm
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 24, 2022
A E I O U - L'alphabet rapide de l'amour de Nicolette Krebitz donne la désagréable impression d'être deux films superficiels en un, mais surtout deux films qui ne rattrape jamais vraiment la maladresse de l'autre; sa première partie prenant la forme d'une fable sociale - avec la présence complice mais plombante de la voix-off - avant de gentiment virer vers la comédie de moeurs Lubitschienne mâtinée de romance, aussi volubile que furieusement convenue.
On y suit une actrice à la sensorialité exacerbée, Anna (magnifique Sophie Rois), qui a connu des jours meilleurs remplis de gloire et de glamour mais qui vit désormais recluse.
Vivant de petits rôles et de petits boulots qui l'aide à rattraper son retard sur son loyer, elle garde dans un placard les quelques objets personnels que son mari a laissés après sa mort et son seul lien avec le monde est son voisin du dessous.
Mais au coeur de ce quotidien sordide, un événement imprévu se produit : un soir, un inconnu lui arrache son sac et s'enfuit.
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Un bref moment de friction qui forme une connexion et cet inconnu qui réapparaîtra dans sa vie sous le nom d'Adrian, qui a besoin d'aide pour améliorer sa diction et sa prise de parole en public, et a qui elle donnera des cours chez elle.
Dans cet espace réduit, le lien entre les deux gagne peu à peu en intensité et chacun apprend à faire connaissance avec l'autre, créant une dynamique apparemment anodine (professeur-élève) qui va pourtant les mener vers une relation sentimentale fragile et difficile à étiqueter; deux âmes unies par le rejet de la communauté, qui trouvent la paix et le bonheur l'un dans l'autre...
S'il distille une réflexion intéressante et juste sur la manière dont les mécanismes sociaux transforment une femme d'âge mur en un quasi-objet auquel on refuse le droit au monde sensoriel et au plaisir (à la différence de l'homme, dont l'âge et la maturité sont vus comme des qualités attractives), le film se perd pourtant tout du long dans une narration amorphe, comme si chaque événement était assemblés de force tout comme la romance en son coeur, en laquelle la réalisatrice ne semble pas forcément croire, tout comme les personnages eux-mêmes ne semblent pas croire qu'ils méritent de goûter au bonheur.
Une inadéquation de ton noué dans une écriture maladroite articulant une intrigue un brin invraisemblable même si touchante, comme si le film cherchait à s'auto-saboter lui-même alors qu'il avait toutes les clés en main pour incarner une belle et douce invasion.
Jonathan Chevrier