[CRITIQUE] : Les Harkis

Réalisateur : Philippe Faucon
Acteurs : Théo Cholbi, Mohamed El Amine Mouffok, Pierre Lottin,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Historique, Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h22min.

Synopsis :
Fin des années 50, début des années 60, la guerre d’Algérie se prolonge. Salah, Kaddour et d’autres jeunes Algériens sans ressources rejoignent l’armée française, en tant que harkis. Á leur tête, le lieutenant Pascal. L'issue du conflit laisse prévoir l'indépendance prochaine de l'Algérie. Le sort des harkis paraît très incertain. Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité.

Critique :

Pédagogique et rigoureux dans sa manière de replacer la France face à ses responsabilités sans pour autant être manichéen dans son regard politique, #LesHarkis se fait une impressionnante et subtile fresque historique dont la sobriété n'a d'égale que son lyrisme et sa puissance. pic.twitter.com/NYa53We9P5
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 12, 2022

Soixante ans après la déclaration officielle d'indépendance de l'Algérie, le statut des harkis (le surnom donné aux algériens qui se sont engagés à combattre au nom de la France et contre le FLN pendant la guerre d'Algérie) est toujours un sujet houleux sur lequel il est difficile de se pencher, encore plus pour une société française qui n'assume pas forcément (et ne se donne même pas l'effort de penser à une quelconque réparation) son passé colonialiste.
Loin de jouer la carte du révisionnisme historique - comme pour La Trahison en 2006 -, Philippe Faucon, gentiment dans l'ombre du cinéma de Rachid Bouchareb, privilégie une mise en perspective sincère qui fait vivre autant la fiction (au réalisme proche du documentaire) que son contexte avec Les Harkis, drame complexe et fouillé à la froideur clinique, qui n'a jamais peur d'affronter la désagréable vérité et la violence sourde et frontale qui l'accompagne - des deux côtés.

Joliment pédagogique dans sa manière de reconstituer les faits et de se rattacher méthodiquement a leur chronologie tout en suivant une poignée de personnages dont l'engagement dans les forces françaises découlent de plusieurs raisons bien distinctes (un espoir de survie face au manque de travail, une foi sincère dans la cause française, une aversion pour le FNL,...), Faucon scrute tous les tenants et aboutissants d'une véritable tragédie humaine, celles d'âmes bernées et sacrifiées par le colonialisme (qui ne s'est pas arrêté au moment de la déclaration d'indépendance du pays, même sur nos propres terres), rejetées par une France qui s'est servie d'eux avant d'être abandonnés dans une société qui les considérait, eux et leurs familles, comme des traîtres meurtriers.
Rigoureux dans sa façon de replacer le gouvernement (politique comme armée) français face à ses responsabilités sans pour autant être manichéen dans son regard politique, Les Harkis, faussement minimaliste et épuré - à peine 82 minutes au compteur - se fait une impressionnante et subtile fresque historique dont la sobriété n'a d'égale que son lyrisme et sa puissance.
Une vraie belle claque.

Jonathan Chevrier