[CRITIQUE] : Juste sous vos yeux
Avec : Lee Hye-young, Yuhee Cho, Kwon Hae-hyo, Shin Seokho,…
Distributeur : Capricci Films
Budget :
Genre : Drame
Nationalité : Sud-coréen
Durée : 1h25min
Synopsis :
Une femme qui garde en elle un grave secret rencontre un jeune réalisateur qui lui demande de rejoindre son projet...
Critique :
Moins une invitation à la nostalgie qu’à vivre l’instant présent, #JusteSousVosYeux dénote des autres films de Hong Sang-soo tant son héroïne ne se perd pas dans l’illusion de ses questionnements. Au contraire, elle paraît détachée du matériel, de la vie réelle. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/eQjhFuH72K
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 11, 2022
Hong Sang-soo semble prendre à cœur son titre de réalisateur prolifique. Alors que Introduction est sorti en salle en février dernier, le réalisateur nous en propose un deuxième, prévu pour le 21 septembre. Hasard de calendrier ou non, ses films sortent à point nommé. Introduction était indissociable de l’hiver et de ses longues nuits introspectives. Juste sous vos yeux, lui, invite à profiter de la fin de l’été, juste avant que tout ne change, que tout disparaisse complètement.
Copyright Jeonwonsa Film Co. Production |
Le cinéaste délaisse son précieux noir et blanc et choisit un étalonnage où la couleur explose dans le cadre. Alors que les deux sœurs du film profitent d’un petit déjeuner en terrasse, le cadre (toujours si large chez Hong Sang-soo), filme en second plan un coin de verdure. La couleur est si attrayante que notre regard ne cesse de se perdre dans ce vert éclatant, dans ce coin calme, alors que la conversation défile. Il est question de retrouvaille, de rendez-vous. De débrouillardise, d’économie fondue. Deux sœurs que le temps a séparé, et qu’il sépare toujours, d’un paysage verdoyant.
Juste sous vos yeux est structuré par des conversations, par des rencontres impromptues ou non, par des questionnements intérieurs si profonds qu’ils finissent par prendre de l’espace dans le cadre. Des choses que l’on a déjà vu (et revu) chez le réalisateur, ses détracteurs s’en donnent à cœur joie pour dire qu’il fait toujours le même film. Il y a du vrai, mais ce serait fermer les yeux sur les infimes variations de ses récits, celles qui rendent son cinéma si fascinant. Ici, le cinéaste joue justement du regard du public sur ses personnages, nous donnant dès le début toutes les clés pour comprendre ce qui les tourmente. Quand la phrase libératrice, le secret gardé au fond des entrailles, jaillit de la bouche de l’héroïne, chaque mot prononcé et chaque geste prennent un nouveau sens ; les mains qui enserrent la taille ou le ventre, la nostalgie ressentie devant une ancienne maison devenue un magasin de vente. La limite entre le rêve et le songe se floute, à la lisière de l’inconscient. Tout est sous nos yeux justement, le visible comme l’invisible. Le film est moins une invitation à la nostalgie qu’une ébauche de joie, vivre l’instant et se foutre du reste. Mais on dirait qu’il faut être dans un état particulier pour sentir le poids des responsabilités nous quitter, pour écouter ses impulsions et ne plus penser au lendemain.
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Juste sous vos yeux se détache des autres films de son réalisateur parce que son héroïne principale ne se perd pas dans l’illusion de ses questionnements. Au contraire, elle semble être détachée du matériel, de la vie réelle. Elle a peut-être atteint le stade du poème, là où le temps s’échappe plus vite mais où la beauté prend le pas sur tout. Le gouffre qui la sépare des autres personnages est béant et se dessine par le choix du vide : un parc vide, un fast-food vide, un bar vide. Ce qui se passe dans le cadre semble alors essentiel. Il cristallise les rencontres et les conversations qui surgissent trop tôt ou trop tard, symbolisant la vie et ses regrets.
Laura Enjolvy