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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Ce plaisir qu'on dit charnel


Réalisateur : Mike Nichols
Acteurs : Jack Nicholson, Candice Bergen, Art Garfunkel,...
Distributeur : Lost Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h38min.

Date de sortie : 28 février 1972
Date de ressortie : 20 juillet 2022

Synopsis :
Amis depuis l'université dans les années 50, Jonathan et Sandy partagent pendant plus de vingt ans, leur quête amoureuse, leurs confessions sexuelles et leur vision des femmes.



Critique :


La filmographie de Mike Nichols n'a peut-être jamais été aussi fascinante que lorsque le cinéaste s'est échiné à combiner la mise en scène théâtrale - fruit d'un début de carrière en tant qu'humoriste - à celle cinématographique, que ce soit dans ses deux plus populaires efforts - Qui a peur de Virginia Woolf ? et Le Lauréat - où ses plus modestes comme Catch-22 et Ce plaisir qu'on dit charnel, analyse totalement décomplexée et honnête de la sexualité à l'approche profondément rhétorique et idéologique plus qu'inhabituelle au sein d'une industrie Hollywoodienne du début des 70s encore furieusement conservateur, ne voulant pas déplaire à un spectateur moyen prude et pusillanime.
Scindé en trois parties bien distinctes et vissé sur l'amitié et les escapades sexuelles de deux amis d'université, de leur arrivée dans le grand bain de la vie d'adulte à leur maturité douloureuse, une mise en images d'une rivalité masculine à peine maquillée façon kaléidoscope contrasté entre les deux âmes incapable de connaître le bonheur, l'un échouant à cause de son apathie, l'autre à cause de son ego démesuré.

Copyright Lost Films

Au-delà d'offrir une vraie masterclass de mise en scène (longs travellings élégants, plans fixes qui décontextualisent l'action, jeux ultérieurs avec le hors champ,...), Nichols noue sa réflexion autour de l'angoisse et de la différence de perspectives sexuelles qu'ont les hommes et les femmes dans chaque union sentimentale, entre attentes irréalisables et caprices pathologiques, tous piégés par leur propre décision et leur automatismes sociaux.
Ne s'excusant jamais d'arborer un point de vue entièrement masculin (de l'éveil sexuel jusqu'à la vie d'homme marié, entre désir, faiblesses, renoncements, manipulations et trahisons), au point qu'il parodie même parfois les effets de cette décision narrative/idéologique (ce sont finalement les femmes qui sont maîtresses de l'histoire et surtout, des histoires), la péloche dégaine son récit sans complaisance et avec une crudité rare, célébrant l'amitié masculine autant qu'il pointe les bassesses de ses penchants primaires, jusque dans son souci de compétitivité extrême.
Théorisant tout le spectre des relations sentimentales avec lucidité et amertume, pour mieux dresser un portrait affûté et sans illusion de l'humanité, Ce plaisir qu'on dit charnel est une oeuvre aussi fascinante que furieusement ancrée dans son époque, bardée de dialogues incisifs et de performances incroyables - Jack Nicholson et Ann-Margret en tête.


Jonathan Chevrier