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[FUCKING SERIES] : Stranger Things saison 4, volume 2 : Hawkins : Infinity War


(Critique - avec spoilers - de la seconde partie de la saison 4)


De manière un brin improbable même si c'est l'apanage de tout show qui se sait dans son dernier virage, la quatrième saison de Stranger Things, où tout dû moins sa première partie, était peut-être ce que les frangins Duffer avait produit de meilleur même si, paradoxalement, les limites de leurs efforts ne se montraient que plus lisibles.
En effet, aussi grisant que soit leur cocktail, pour un spectacle qui fétichise autant le/notre passé, il n'y avait finalement rien d'étonnant à ce que ses plus flagrants soucis résident justement dans ce mojo initial - notre attachement nostalgique -, une nouvelle fois représenté par la propension du show à ne pas pouvoir laisser derrière lui ce qui ne lui est plus vraiment - ou ne semble plus vraiment - utile, où sa volonté de faire perdurer la présence de personnages de plus en plus tangents à l'intrigue, isolés dans des sous-intrigues qui peinent à rallier la principale.

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Un refus de lâcher prise qui pouvait se voir comme une épée de Damoclès qui pouvait jouer des tours à terme à la suite de cette nouvelle saison et à la suivante, combiné au besoin insatiable du tandem de jouer la carte du bigger and longer dans l'expansion de son monde et de sa mythologie, doublant voire triplant la durée de ses épisodes au risque d'essorer un enthousiasme renouvelé par ce virage mature et horrifique (le dernier épisode est à ce titre, le moins bien rythmé de tous).
Malheureusement, et peut importe les commentaires de comédiens auxquels ils ne faut pas vraiment se fier (c'est purement et simplement de la promo), cette seconde moitié suit cette même ligne directrice avec une prise de risques minimale et un final qui traîne parfois un brin en longueur, même si le plaisir reste globalement intact à sa vision.
Un véritable jeu d'équilibriste, entre un virage mature et horrifique qui ouvre potentiellement les portes à un final absolument grandiose, et une volonté de ne pas trop brusquer son auditoire en sacrifiant des personnages doudous, exceptés ceux dont le destin est scellé depuis longtemps (Eddie, le nouveau personnage le plus chouette de la saison, appelé à ne pas durer comme beaucoup, le Dr. Brenner dont le retour était déjà suspect, Jason dont on a strictement rien à branler).
Le seul vrai point de rupture est finalement à trouver au travers du personnage de Max, le coeur vibrant de cette saison dont la gestion du deuil et la solitude insondable couplés à son affrontement frontal avec Vecna (elle en ressortira gravement blessé et dans le coma), en font une véritable final girl définitivement plus empathique qu'une Eleven dont le jeu redondant de Millie Bobby Brown, commence à se faire ressentir.

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Mais si le traitement de Max est la grande réussite de cette quatrième salve d'épisodes, c'est aussi et surtout parce que les Duffer ont injecté une maturité salutaire dans leur gestion du surnaturel, qui prennait cette fois ses racines dans une menace à la fois plus physique (avec une violence gore décomplexée) et psychologique : Vecna (un nom une nouvelle fois tiré de Donjons et Dragons), sorte de fusion entre les White Walkers de Game of Thrones et Freddy Krueger, qui hante les rêves de ses victimes désespérées et fragiles, les isole du monde avant de réclamer leurs âmes.
Un vilain charismatique et badass, qui tranchait clairement avec son prédécesseur - Mind Flayer -, puisque la narration lui donnait autant un background fascinant (intimement lié à Eleven) qu'un dialogue qui donnait du corps à ses motivations - sans oublier un design léché qui le rendait authentiquement effrayant.
Pour ce final, sa présence est évidemment moindre (pour vulgariser par rapport à la pop culture récente : penser Thanos dans Avengers : Endgame) mais la menace qu'il incarne est prégnante et semble pouvoir surgir à chaque instant, mais ce qu'il y a de grisant réside dans le fait que peut importe s'il meurt où non (spoilers : il meurt), il ne sert finalement que de passerelle à une menace définitivement plus importante qui ne concernera plus uniquement les ados de Hawkins - et les gouvernements américains et soviétiques -, mais bel et bien tout le monde, dans une sorte de guerre des mondes où l'Upside Down s'immisce avec force dans le notre.
Car le mojo charnière de cette saison de transition avant le grand final, c'est avant tout et surtout l'expansion.

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Ce qui se retrouve - il est vrai maladroitement - au sein même des veines de l'ecriture de ses neuf épisodes : quatre scénarios (quatre est le vrai chiffre de la saison, comme autant de victimes/portails dont Vecna à besoin) bien distincts interagissant les uns avec les autres (et traitant plus où moins directement des retombées du big bang de Starcourt Mall), développés de manière plus où moins précipités (celle des frangins Byers et Mike en tête, à la limite de l'inutile, mais dont la pertinence cette fois est sauvée, les Duffee parvenant même à justifier l'implication d'Argyle au-delà du simple relief comique jamais vraiment drôle), pour mieux se réunir in fine à Hawkins, où tout est en passe de littéralement changer dans la saison 5.
Partir pour mieux revenir donc (et on entend déjà les " à quoi bon ? " surtout en ce qui concerne l'arc Hopper/Murray/Joyce en Russie), mais avec un bagage émotionnel résolument plus imposant qu'au départ, que ce soit au travers d'une Max - comme dit plus haut - plus empathique que jamais, un Will plus vulnérable et même un Dustin qui porte ce qui est, clairement, la scène la plus déchirante du show jusqu'à maintenant.
Une initiation à la dure et par le deuil, de l'âge adulte, dont la fausse légèreté (une bonne grose dose de romantisme) ne vient jamais entamer une gravité palpable et séduisante, justifiant totalement des élans de tendresse bien mieux amenés qu'à l'accoutumée.
En ce sens, et même si sa durée peut faire tiquer (quatre heures sur deux épisodes), ce second volume prend le temps de respirer, de laisser ses personnages s'exprimer à l'écran - avec plus ou moins de consistance -, d'emboiter ses pièces sans que les éléments ne se compromettent les uns aux autres, même si le pendant russe de l'histoire vient souvent déjouer la tension grisante de l'intrigue mère à Hawkins.

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À juger dans son ensemble, avec ses contours de blockbuster SF saupoudré d'action, cette quatrième saison fait joliment son office, plus que la précédente, donnant suffisamment de pistes/réponses supplémentaires sur la mythologie pensée par les Duffer, pour titiller autant l'excitation que l'intérêt face à une cinquième saison annoncée comme la dernière.
Et il est même assez amusant, voire même furieusement étrange, de commencer à ressentir une nostalgie profonde pour un show qui a justement intégralement bâti sa structure sur une capitalisation féroce de notre nostalgie des 80s.
L'analogie faîte plus haut avec le diptyque final d'Avengers est loin d'être anodin, tant la saison 4 a tout d'un Infinity War plaçant ses pions avant l'apothéose Endgame.
Le seul souci est, et nous en sommes tous témoins, que le premier film est bien meilleur que sa suite, espérons donc que les frangins Duffer ne poussent pas la comparaison trop loin avec Marvel...


Jonathan Chevrier