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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Accattone


Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
Acteurs : Franco Citti, Silvana Corsini, Franca Pasut,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Italien.
Durée : 1h55min.

Date de sortie : 28 mars 1962
Date de ressortie : 6 juillet 2022

Synopsis :
Privé de Maddalena, en prison par sa faute, Accattone, petit proxénète lâche et sans scrupule, doit trouver un moyen de gagner sa vie. Il tente de retourner chez la mère de son fils, mais celle-ci le met dehors. Puis il rencontre Stella, une jeune fille pure et naïve, dont il tombe amoureux...



Critique :


Les vers de La Divine Comédie cités en ouverture ont pleinement des allures de profession de foi opérée par Pier Paolo Pasolini pour annoncer la couleur de son premier - et surprenant - effort (mais il avait déjà flirté avec le septième art en signant des scénarios pour Federico Fellini et Mauro Bolognini), Accatone, lui qui focalisait déjà son attention sur les faubourgs des grandes villes - ici Rome - et sa classe populaire marginale et opprimée (comme Vittorio De Sica, qui lui aussi s'attachait au versant " incivilisé " du capitalisme), dont il dépeint le quotidien avec crudité et sans compromis, sans jamais pour autant établir un quelconque jugement moral sur leurs actes.
À tel point qu'il leur laisse toujours ou presque, une possibilité de salut au-delà des misères de la vie terrestre.
Même à Accattone (feu Franco Citti, incroyable), un proxénète qui survit aux dépens de Maddalena, une prostituée qu'il traite sans le moindre scrupule après avoir réussi à mettre derrière les barreaux son précédent proxénète, Ciccio.
Un être égoïste, escroc et qui n'hésitera pas à dénoncer Maddalena pour sauver sa peau face aux truands à la solde de Ciccio, ou voler une chaîne à son propre fils afin d'obtenir l'argent dont il a besoin pour divertir la jeune Stella...

Copyright Carlotta Films

En reprenant l'héritage d'un regard néoréaliste, tissée filmiquement sous une forme abstraite qui fuit toute intention énonciative, suggérant l'idée d'un déterminisme conditionnant l'attitude, Pasolini croque Accatone comme un personnage condamné dès les premiers instants, un être dont le malaise réside même dans son propre nom (tout le monde l'appelle différemment), frappé d'une sorte d'inconscience morale qui le place en dehors de tout dilemme entre le bien et le mal, entre ce qui est juste et ce qui est condamnable.
Jusqu'à ce que ses sentiments pour Stella pointe le bout de leur nez, lui qui se sent alors désolé de l'avoir forcé à se prostituer et qui tente in fine de se racheter en trouvant un travail pour qu'elle n'est plus à faire le trottoir.
Mais la pègre est un univers impitoyable qui conditionne et détermine son existence, un monde dont on ne peut de dépêtrer et sa tentative sera alors veine, lui qui connaîtra une fin aussi tragique (mais finalement libératrice) que pouvait son existence...
Mise en images poétique et crue du parcours intérieur de son personnage tragiquement tronqué (qui peut se voir comme le parcours rédempteur du criminel Accattone à l'homme un poil plus respectacle Vittorio), porté par de merveilleux plans-séquences de personnages en marche, Pasolini, qui reprend ici l'iconographie et les codes du western, peint un formidable et empathique drame sur la morale de l'amour comme force au salut, sur le refus du conformisme comme un signe d'exclusion autant qu'un signe d'affirmation de soi, de fierté du prolétariat.

Copyright Carlotta Films

Un portrait cru et imbibé par la liturgie chrétienne (duquel ressort une superbe métaphore pleine de vérité sur la spirale récurrente du parasitisme capitaliste), de l'Italie d'après-guerre que le cinéaste croque à la manière d'une tragédie grecque, vissée sur une âme contradictoire guidée par la vie vers la douleur et de l'autodestruction, un pur produit de son environnement et simultanément une pièce de plus dans sa reproduction à travers le temps et les époques.


Jonathan Chevrier


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