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[CRITIQUE] : Miss Marx


Réalisatrice : Susanna Nicchiarelli
Avec : Romola Garai, Patrick Kennedy, John Gordon Sinclair, Felicity Montagu, …
Distributeur : Les Valseurs
Budget : -
Genre : Drame, Biopic
Nationalité : Belge, Italien
Durée : 1h47min

Synopsis :
Brillante, altruiste, passionnée et libre, Eleanor est la fille cadette de Karl Marx. Pionnière du féminisme socialiste, elle participe aux combats ouvriers et se bat pour les droits des femmes et l’abolition du travail des enfants. En 1883, elle rencontre Edward Aveling. Sa vie est alors bouleversée par leur histoire d’amour tragique...



Critique :

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Il était une fois une « fille de » … Eleanor Marx, petite dernière du célèbre philosophe et théoricien socialiste Karl Marx, a subi, comme de nombreuses femmes, les affres du temps. Fervente militante pour le droit des femmes et des enfants, théoricienne politique brillante, traductrice, écrivaine, Eleanor Marx a brillé de mille feux, reconnue de ses pairs. Mais sa mort, au lieu de l'élever au rang de modèle comme son père, l’a enterré une deuxième fois. De nos jours, qui connaît ses travaux, ses combats, sa vie ?

Copyright Vivo Film Tarantula

Pour la réalisatrice de son biopic, Susanna Nicchiarelli, Eleanor «Tussy» Marx est la figure idéale pour aborder des sujets contemporains. Si plus d’un siècle nous sépare d’elle, cette Miss Marx (le titre du film) est marquée par des enjeux toujours d’actualité, à savoir conjuguer ses idéaux à sa vie personnelle. Militante, Eleanor Marx était aussi une femme amoureuse qui s’est alimentée de contradictions pour pouvoir être sur tous les fronts : une féministe convaincue mais aussi une femme emprisonnée dans une relation unilatérale avec un homme qui a dilapidé son argent et son respect. Le but de la réalisatrice est de capturer l’essence de cette femme dynamique, dont le feu intérieur brûle d’idées, de combats sociaux et de génie. Pour cela, elle accompagne son récit d’une musique anachronique, punk et rock, pour mieux signifier la fougue du personnage et son souhait de sortir des normes sociales.

Miss Marx débute par un décès, celui de Marx père, mort en 1883, ce qui marque le début d’une certaine indépendance pour Eleanor. Face caméra, d’une voix chevrotante, elle raconte sa vie en quelques phrases. Mais ce n’est pas tellement ses travaux qui l’intéresse à ce moment précis mais la relation qu’il a eu avec sa mère, Jenny von Westphalen, devenue le summum du romantisme selon les dires de leur fille. Un couple que tout séparait mais qui a su rester soudé jusqu’au bout. Malgré ses prises de position sur le mariage et le couple hétérosexuel — elle écrit avec son compagnon, le Dr Aveling, un essai féministe où elle analyse le couple comme un objet de domination des femmes — il s’avère que le personnage possède néanmoins un idéal amoureux fort. Prenant l’exemple de ses parents, elle voit Edward Aveling comme son double, un pilier dans son combat et dans sa vie. Mais comme le démontre la cinéaste tout le long du film, Eleanor Marx s’est laissée aveugler par son amour. Et au lieu de la soutenir, ce compagnon sera l’objet de sa chute et de sa mort (elle se serait suicidée après l’annonce de son mariage avec une actrice plus jeune qu’elle).

Copyright Vivo Film Tarantula

Malgré un accent punk lors de quelques séquences marquantes, comme une danse endiablée par exemple, Miss Marx se révèle bien sage et prend les contours d’un biopic des plus classiques, quand bien même Susanna Nicchiarelli dévoile dans le dossier de presse du film sa volonté de se détourner des clichés du genre. Le découpage du film s’éparpille mais ne parvient pas à souligner le sel de ses motivations intérieurs. La réalisatrice a établi, inconsciemment peut-être, une barrière entre le public et sa protagoniste, trop occupée à l'ériger sur un piédestal. Mais si on ne comprend pas pourquoi Eleanor Marx doit être mise sur un piédestal, à quoi sert le film finalement ? Nous pouvons en apprendre bien plus sur sa page Wikipédia et être époustouflé⋅es par tout ce qu’elle a entrepris. Le film s’échine à la placer dans des réunions socialistes, où elle déclame des discours, mais la montre rarement au sein même des combats et des manifestations. C’est tout à l’honneur de la réalisatrice d’avoir voulu glisser des images d’archives de véritables manifestations de l’époque, pour rendre crédible les dires de son personnage. Mais le résultat est bien différent du propos voulu. Il extériorise Eleanor Marx de son histoire et de l’époque et rend son impact sur le combat social et féministe beaucoup moins important de ce qu’il était en réalité. Alors que le biopic veut lui rendre hommage, il fait tout l’inverse.

De Miss Marx on retiendra les frasques amoureuses du personnage, son aveuglement et son besoin de cacher ses cheveux blancs grâce à une teinture, gardant quelques minutes à peine pour souligner ses vues politiques modernes. Nous sommes bien loin de la figure révolutionnaire promise dans la bande-annonce.


Laura Enjolvy


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