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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Ring


Réalisateur : Hideo Nakata
Avec : Nanako Matsushima, Miki Nakatani, Hiroyuki Sanada,…
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Fantastique, Épouvante-horreur.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h36min.

Date de sortie : 19 mars 2001
Date de ressortie : 13 avril 2022

Synopsis :
Tokyo, fin des années 2000, une ru­meur se répand parmi les adoles­cents : visionner une mystérieuse cassette vidéo provoquerait une mort cer­taine au bout d’une semaine. Après le dé­cès inexplicable de sa nièce, la journaliste Reiko Asakawa décide de mener l’enquête mais se retrouve elle-même sous le coup de la malédiction. Pendant les sept jours qui lui restent à vivre, elle devra remonter à l’origine de la vidéo fatale et affronter le spectre qui hante les télévisions : Sadako.



Critique :


Ce qu'il y a de particulièrement génial, mais c'est également ce qui en fait la plus grosse faiblesse d'un concept férocement ancré dans son époque, c'est que la gimmick centrale du cauchemar qu'incarne Ring d'Hideo Nakata, s'inscrit dans le contexte d'un marché vidéoludique très actif où il est totalement crédible qu'une VHS virale vienne à être partagé par le plus grand monde, maudite où non.
À la fin des années 90 - voire même avant -, il n'y avait rien d'alarmant à voir des VHS glauques squatter le marché noir et circuler en toute impunité à travers les magnétoscopes du monde entier, d'autant que beaucoup se les arracheraient au moindre fait divers creapy à leur sujet.
C'était une époque révolue où la subversion ne se trouvait pas à porter de clique, où la moindre surprise n'était pas polluée par le moindre tweet opportun, pas même par des bruits de couloirs peu discrets, voire un employé de vidéoclub un peu trop passionné (chose que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître... true and sad story)

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

À l'instar d'un Projet Blair Witch qui avait fait fureur dans les bacs, Ring et son irrésistible légende urbaine prenait donc racine dans les esprits du spectateur avant même que leur VHS n'atteignent nos écrans de télévision, un processus de travail sur l'imaginaire fascinant voire même assez ironique au final dans sa manière cyclique de totalement se répondre : le spectateur regardant une VHS sur un film ou des spectateurs regardent eux-mêmes une VHS maudite, qui les amènera à mourir sept jours plus tard (tout est dans le titre).
Ironie qui se retrouve dès l'introduction magistrale du film (aussi tétanisante que celle de Don't Look Now, que Nakata citera plus frontalement dans Dark Water), qui nous amène lentement mais sûrement dans le royaume du Yūrei Eiga (deux jeunes femmes essaient de se faire peur avec des mythes urbains), avant de faire grimper d'un cran la tension (la malédiction des sept jours appelé à emporter l'une d'elle) jusqu'à ce que l'horreur froide et sourde ne frappe (l'une d'elle est soudainement tuée, son cœur ayant cessé de battre alors que son visage est déformé par la peur).
D'une simplicité qui n'a d'égale que son efficacité redoutable, cette ouverture laisse prendre racine à une horreur qui ne naît pas tant dans le choc intime qu'elle provoque, mais bien dans la viscéralité du pacte qu'elle convoque chez son auditoire : et si regarder Ring après tout, c'était aussi défier la mort ?
En usant des lignes du roman de Kōji Suzuki, Nakata détourne volontairement ici l'essence même du film de fantôme - le parasitage du présent par un passé traumatique -, pour mieux distiller une ineluctabilité - la mort - dont on ne sait rien, si ce n'est qu'elle est terrifiante et inexorable, et qu'elle peut nous faire tout perdre quant on se targue de vouloir la regarder droit dans les yeux.

Copyright The Jokers / Les Bookmakers

Plongée anxiogène dans un cauchemar fiévreux et austère, presque irréaliste (alors que le film maudit est lui une oeuvre volontairement surréaliste et énervée), un monde de l'inconnu où tout semble constamment nous échapper (ce qui ne fait qu'accentuer le vertige de sa vision) mais qui ménage subtilement ses effets (les apparitions crescendo de Sadako pour qui l'empathie est réelle, son investigation propice à une tension de chaque instant), Ring, bien aidé par la mise en scène maîtrisée de son cinéaste (cette gestion magistrale du hors-champ couplée à un sound design proprement hypnotique, qui accompagne avec puissance toutes les séquences tendues) convoque la nécessité de son spectateur à questionner ce qu'il voit, lui-même maudit par une violence omniprésente et totalement banalisée au quotidien.
Une humanité condamnée à voir son âme se faner par ses obsessions et/ou sa curiosité morbide, par sa volonté souvent inconsciente de continuellement perpétuer le mal, même en ne faisant que simplement partager... une vidéo.
Le danger n'est alors plus un surnaturel qui s'immisce dans la réalité, mais bien le fatalisme et la passivité qui la gangrène de l'intérieur...


Jonathan Chevrier