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[CRITIQUE] : Le secret de la cité perdue

Réalisateurs : Aaron et Adam Nee
Avec : Sandra Bullock, Channing Tatum, Daniel Radcliffe, Da’vine Joy Randolph, …
Distributeur : Paramount Pictures France
Budget : -
Genre : Comédie, Romance, Action
Nationalité : Américain
Durée : 1h52min.

Synopsis :
Loretta Sage, romancière brillante mais solitaire, est connue pour ses livres mêlant romance et aventures dans des décors exotiques. Alan, mannequin, a pour sa part passé la plus grande partie de sa carrière à incarner Dash, le héros à la plastique avantageuse figurant sur les couvertures des livres de Loretta. Alors qu’elle est en pleine promotion de son nouveau roman en compagnie d’Alan, Loretta se retrouve kidnappée par un milliardaire excentrique qui est persuadé qu’elle pourra l’aider à retrouver le trésor d’une cité perdue évoquée dans son dernier ouvrage. Déterminé à prouver qu’il peut être dans la vraie vie à la hauteur du héros qu’il incarne dans les livres, Alan se lance à la rescousse de la romancière. Propulsés dans une grande aventure au cœur d’une jungle hostile, ce duo improbable va devoir faire équipe pour survivre et tenter de mettre la main sur l’ancien trésor avant qu’il ne disparaisse à jamais.



Critique :

Film d’aventure ou comédie romantique ? Le nouveau film des frères Nee a l’air d’embrasser les deux genres, pour plus d’action, de fun et d’amour. Le secret de la cité perdue voit les choses en grand et s’autorise toutes les blagues possibles, tous les gestes les plus romantiques et cinématographiques afin que le public ne boude pas son plaisir. À tel point que nous sommes en droit de se demander si le film a été produit dans ce sens ? Un pop-corn movie qui n’aurait pas d’autres buts que de faire venir désespérément des spectateurs tout public encore trop rares en salle.

Sandra Bullock enfile le costume trop serré et pailletté de Loretta Sage, une autrice de livres à l’eau de rose, intelligente et cultivée, qui ancre ses histoires torrides au sein d’un mythe ou d’une culture ancienne de manière à pimenter les aventures de son protagoniste Dash, héros beau, musclé, puissant. Elle vit un deuil difficile, celui de son mari, survenu juste avant d’entamer l’écriture des dernières aventures de Dash. Elle associe alors ce livre à son amour perdu et a bien du mal à mettre un point final à son manuscrit. Mais ses fans attendent et son éditrice également, qui mise tout sur une énorme tournée de dédicaces à travers le pays. Une tournée digne d’une star, où elle doit s'affubler d’une combinaison rose et flashy, qu’elle portera pendant la moitié du film.

© Paramount Pictures

Quelques péripéties plus tard, Loretta se retrouve dans la jungle, cette même jungle qu’elle imaginait et décrivait dans son livre, avec Alan (Channing Tatum), l’acteur qui incarne Dash dans les couvertures de ses livres. Bien loin d’être des aventuriers, tous deux sont embrigader dans une histoire qui les dépassent : ils ne sont pas habillés pour survivre dans cet environnement, ils ne connaissent rien à la faune ou le flore du pays et surtout, Loretta ne peut supporter Alan, qu’elle prend pour un acteur de pacotille, plastique de rêve mais avec un cerveau atrophié. Le secret de la cité perdue n’hésite pas à utiliser tous les tropes des rom-com pour les rapprocher. Loretta est distante parce qu’elle ne s’est pas encore remise de la mort de son mari, qui était un archéologue de renom. Alan, lui, souffre de n’être considéré uniquement comme un bel homme sans profondeur et admire l’intelligence de Loretta. Seuls, perdus sur une île sauvage, les deux protagonistes vont bien évidemment apprendre à se connaître et à s’apprécier.

Le film de Aaron et Adam Nee a tout pour fonctionner, sur le papier. Et pour être honnête, il fonctionne si on ne cherche qu’un divertissement facile et agréable. Le secret de la cité perdue est codifié pour plaire à un public large : il y a du sang mais pas trop, des allusions sexuelles mais pas trop, des blagues métas mais pas trop, de l’action et du romantisme et Brad Pitt, un atout charme non négligeable. On pourrait vouloir chercher dans le récit un questionnement sur la création littéraire, une analyse du mythe de Pygmalion et Galatée dans la façon dont Loretta vit une aventure avec son propre personnage de roman ou une reconstruction après un deuil. Mais il n’y a rien de tout cela, juste un film d’aventure bien rôdé, répondant à un humour actuel. 

© Paramount Pictures

On peut au moins se réjouir de voir un couple à l’écran qui s’éloigne un peu des normes des comédies romantiques habituelles. Ici, c’est la femme la plus âgée (57 ans), sans que son âge fasse partie du récit, et c’est à l’homme à qui l’on donne le rôle de la beauté plastique (affublé d’une ridicule perruque blonde au début du film). La subversion est bien maigre et s’explique peut-être par le pouvoir que Sandra Bullock a possédé sur le tournage, financé en partie par sa société de production Fortis Films.

Le secret de la cité perdue semble avoir compris comment fonctionne la machine à fantasme d’Hollywood : un récit rocambolesque, des gens beaux, de l’aventure et Brad Pitt.


Laura Enjolvy


© Paramount Pictures

Et si les films d'aventure romantico-exotiques à l'ancienne, redevenait l'une des nouvelles tendances au coeur d'une industrie Hollywoodienne aussi déconcertante qu'irritante dans sa manière de recycler ad vitam aeternam tout concept un tant soit peu fédérateur.
La question a le mérite d'être posée autant qu'elle implique, pour une fois, une petite vague de nostalgie vraiment pas désagréable pour tous les spectateurs biberonnés au cinéma des 80s, entre la trilogie originale Indiana Jones, le diptyque Romancing The Stone où encore les pâles - mais jouissives - copies made in Cannon (Allan Quatermain, Le Temple d'Or,...).

© Paramount Pictures

A ceci près que ce - potentiel une fois encore - nouveau cycle entamé par Le Secret de la Cité Perdue d'Adam et Aaron Nee, ne sait pas totalement vers quel cible tendre, ce qui lui fait maladroitement jouer les équilibristes dans un humour il est vrai efficace, mais parfois franchement déroutant.
Tout est aussi doux que gentiment caricatural à sa vision (malgré une inversion salutaire dans la dynamique entre ses protagonistes titres), son tandem de cinéastes sous influence étant sans doute totalement conscient qu'ils n'avaient pas fondamentalement les moyens de boxer plus loin qu'une évasion printanière modeste et efficace pour divertir un spectateur pas forcément exigeant, entre deux aventures super-héroïque; Le Secret de la Cité Perdue réussit néanmoins là où le récent Uncharted, plombé par son monstrueux cahier des charges, restait sur le tarmac : surpasser les fragilités évidentes de son scénario prétexte, pour incarner une expérience joyeuse qui met constamment en valeur ses comédiens et leur super alchimie.
Ne sortant jamais totalement de sa zone de confort (à la différence d'une Da'Vine Joy Randolph on fire), Sandra Bullock, rompue à l'exercice et au jeu romantique, trouve un équilibre assez juste entre séduction, saillies savoureuses et mélancolie, mettant joliment en lumière le jeu " bimbo-esque " d'un Channing Tatum toujours aussi à l'aise avec l'auto-dérision, ici en wannabe action-man à l'innocuité désopilante (surtout en comparaison avec le caméo délirant de Pitt, en aventurier extrême).

© Paramount Pictures

Dommage dès lors que son humour ne sache pas tellement sur quel pied danser, entre des bouffonneries un brin potache et quelques virages plus travaillés/mature, d'autant que l'autre sel de ce type d'efforts - la romance - est distillée avec plus de justesse, renforcée par la bonhomie de ses interprètes.
Un sentiment mitigé qui va de pair avec ses scènes d'action (très familières) voire même sa photographie (plate signée Jonathan " John Wick " Sela, qui n'a visiblement pas été autorisé à apporter grand-chose d'autre à la fête, que le strict minimum), et qui font que Le Secret de la Cité Perdue incarne finalement tout ce que son affiche promet : un pop-corn movie stéréotypé mais réellement fun, un divertissement modeste et sans prétention, pas dénué de quelques longueurs mais qui est exactement ce à quoi beaucoup d'entre nous aspirent en ces temps plutôt morose...


Jonathan Chevrier