Breaking News

[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #162. River's Edge

Copyright MGM Home Entertainment/Hemdale Film Corporation/Island Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !



#162. Le Fleuve de la Mort de Tim Hunter (1986)

Quoique peut en dire la fausse impression générale que nous avons tous plus ou moins du genre, force est d'admettre que le giron du teen movie US au coeur des 80s ne se résumait pas uniquement aux péloches bénies de John Hughes, aux productions - sensiblement - policées du Brat Pack (qui n'ont pas toujours eu le roi Coppola pour les diriger) où aux potacheries régressives à la qualité variable - mais souvent fun, soyons un minimum honnêtes.
Certains cinéastes, plutôt audacieux compte tenu des attentes du public, choisissaient d'arpenter un terrain plus sinueux et de coller un brin plus à la réalité en pointant du bout de leur caméra, leur inquiétude face à une jeunesse en déliquescence et de plus en plus inquiétante.
Clairement de cette pellicule-là, River's Edge de Tim Hunter se fait l'autopsie adolescente de l'Amérique white trash de David Lynch (avec la présence d'un Dennis Hopper on fire en trafiquant de drogue/tueur qui aime un peu trop sa poupée gonflable), aussi pessimiste qu'elle est déprimante et dangereuse.
Un portrait sombre et cynique d'âmes pas encore adultes mais déjà désensibilisés par une société littéralement à la dérive, où la violence est partout.

Copyright MGM Home Entertainment/Hemdale Film Corporation/Island Pictures

Vaguement inspiré d'un fait divers sordide (l'histoire vraie d'Anthony Jacques Broussard, un lycéen de Milpitas en Californie, qui a assassiné sa petite amie Marcy Conrad et s'en est vanté auprès de ses amis, qui l'ont tous couvert), qui ne fait que donner du crédit à sa mise en images de l'aliénation et de l'effondrement de la moralité au coeur de l'Amérique contemporaine (le film ne fait que prédire, à sa manière, les nombreuses tragédies scolaires qui adviendront quelques années plus tard), la narration dépeint ces adolescents de la classe moyenne comme des morts-vivants dont la conscience ne pourrait pas même être réveillée par les efforts disciplinaires de leurs parents ou les exhortations de leurs professeurs et des forces de l'ordre. ne peuvent réveiller leur conscience.
Même pas assez vieux pour acheter légalement une bière, ils sont déjà anéantis par l'alcool et la drogue, abandonnés par des adultes qui ont eux aussi perdu tout espoir. 
Effrayant parce qu'il est d'une crudité rare dans sa manière de retranscrire une déshumanisation bien réelle, née dans la paranoïa et l'ignorance totale de l'autre (ils désacralisent avec indifférence le caractère sacré de la vie et sont incapables de montrer de la compassion ou de la sympathie, même face à la mort, qu'ils la donnent ou en soient témoins); River's Edge et son solide casting de jeunes loups (Crispin Glover et Keanu Reeves sont impressionnants), fusion entre les mômes de Sa Majesté les mouches et le Damien de The Omen, ne cherche jamais à donner de réponse à l'horreur qu'il dépeint, il ne fait juste que froidement dévoiler l'insensibilité et l'apathie rebelle d'une génération perdue dans une Amérique encore plus désespérée qu'elle.


Jonathan Chevrier