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[CRITIQUE] : Cycle Kinuyo Tanaka


Visage de tout un pan du cinéma japonais, Kinuyo Tanaka possède une carrière d'actrice impressionnante. Elle a tourné avec les plus grands, Ozu, Mizoguchi, Naruse ; a su se maintenir pendant la transition au cinéma parlant et est devenue une star mondialement connue du grand écran. Mais dans les années 50, un métier lui fait de l’œil : celui de cinéaste. « Maintenant qu’il y a également des femmes élues au parlement japonais, j’ai pensé que ce serait une bonne chose qu’il y ait aussi au moins une femme réalisatrice » peut-on lire dans le dossier de presse de Carlotta Films, à qui l'on doit le privilège de découvrir son oeuvre sur grand écran. Devenant la deuxième réalisatrice japonaise et la seule à prendre part à l'âge d'or du cinéma japonais, Kinuyo Tanaka a réalisé six films entre 1953 et 1962 en parallèle de sa carrière d'actrice. C'est l'occasion de découvrir une cinéaste qui a consacré toute son oeuvre à peindre des portraits de femmes et à les entourer d'un regard doux et bienveillant dans le Japon d'après-guerre.



Lettre d’amour (1953)

Dans le monde du cinéma japonais des années 50, les femmes n’avaient pas leur place derrière la caméra. Immense star, Kinuyo Tanaka doit se battre pour réaliser son souhait de devenir cinéaste. Lettre d’amour, son tout premier film, ne se fait pas sans heurts. Il y a déjà son réalisateur fétiche, avec qui elle a signé ses plus gros succès, Kenji Mizoguchi, qui ne voit pas d’un bon œil sa décision. L’ami se transforme vite en ennemi juré, qui fera des pieds et des mains pour entacher sa réputation. Rien n’y fait pourtant. Ce que l’actrice a décidé, l’actrice entreprend. Elle compte bien évidemment quelques alliés au sein de cette industrie impitoyable, grâce à qui en 1953, elle se place derrière la caméra pour délivrer l’adaptation du roman éponyme de Fumio Kuga.

Lettre d’amour nous emmène à Tokyo, cinq ans après la fin de la guerre. Le pays tout entier se reconstruit et tente d’avancer malgré ses cicatrices. Mais rien ne peut être comme avant. C’est ce que découvrira Reikichi, le personnage principal, alors qu’il attend de revoir un jour son amour d’enfance.

Des six films que la réalisatrice tourne, celui-ci est le seul à posséder un homme en personnage principal. Un homme perclus d’une moralité stricte qu’il veut à tout prix poser sur les femmes qu’il rencontre. Acceptant le boulot que lui propose un ami, celui d’écrire des lettres d’amour en anglais à l’intention de soldats américains de la part de jeunes femmes japonaises, il découvre l’envers du décor. Pendant qu’il était au front, la vie a continué et avec elle, tous les tourments que la guerre peut apporter. Les femmes qu’il voit passer à son bureau lui dictent des lettres larmoyantes avec le dessein de se faire envoyer un peu d’argent. Elles ont dû survivre avec les moyens du bord. Mais Reikichi ne les comprend pas et se permet de les juger, confortablement installé dans le regard qu’il a des femmes. Celui-ci est d’autant plus horrifié quand il découvre que Michiko, son amour de toujours, doit elle-aussi s’adresser à un ancien amant américain pour recevoir de l’argent. Pour lui, elle s’est corrompue, salie à jamais.

Copyright 1953 KOKUSAI HOEI.

Pour un premier film, la cinéaste démontre un certain talent pour installer une atmosphère tragique dans sa mise en scène. Elle utilise brillamment le décor pour que son image en dise autant que les dialogues. La scène de retrouvaille entre Reikichi et Michiko prend place sur un quai de gare. Un flash-back de leur relation est enclenché directement dans le plan, où le couple se retrouve seul sur le quai, tandis que le train part, avec la caméra (et nous) à l’intérieur. Une terrible séquence s’ensuit, un dialogue déchirant où Reikichi crache tout le dégoût que lui inspire les choix de Michiko. Se baladant dans un parc de Tokyo, le couple est entouré par la poussière du sol qui attrape les quelques rayons du soleil. Ce brouillard les sépare, comme s’il devenait la métaphore des fantômes de leur passé respectif, rendant ainsi leur fusion impossible.

Kinuyo Tanaka fait un terrible portrait derrière l’histoire d’amour, celui d’un pays pansant ses plaies et devant faire la paix avec ses erreurs et ses mœurs. Le Japon aura toujours une place de choix dans ses films, plaçant la cinéaste comme une artiste essentielle du cinéma japonais.
 

La lune s’est levée (1955)

Deux ans après son premier long métrage, Kinuyo Tanaka sort La lune s’est levée, écrit par son ami et mentor Yasujiro Ozu (en collaboration avec Ryosuke Saito). Elle nous emmène dans un récit aux allures de vaudeville amoureux dans un Japon en pleine mutation, grâce aux ondes électriques.

Mr. Asai a trois filles. Deux en âge de se marier et l'aînée, Chizuru, déjà veuve malgré son jeune âge. À la lecture du synopsis, on ne peut s’empêcher de penser à Jane Austen et à son œuvre où les questions maritales étaient un prétexte pour passer à la loupe toute une époque et une classe sociale. Kinuyo Tanaka fait de même ici. Les élans du cœur se forment dans une époque d’après-guerre, où la modernité remplace doucement les traditions japonaises ancestrales et où l’attrait des villes, pour leur dynamisme et leurs emplois, prennent le pas sur une campagne monotone, au taux de chômage exponentiel. L'œil de la cinéaste est vivace, jouant sur cette dichotomie directement dans son cadre.

Copyright 1955 NIKKATSU

S’ouvrant sur une prière, La lune s’est levée voit ses héroïnes changer d’habit, du kimono traditionnel, aux vêtements occidentaux de l’époque, jupe évasée et petite chemisette. Kinuyo Tanaka va même jusqu’à nous montrer une des sœurs, Ayako, transvaser de vêtements tout en discutant de son attirance ou non pour le beau Amemiya, en visite dans le village. Le ton du film se veut léger et devient drôle grâce à la merveilleuse Mie Kitahara, qui interprète la plus jeune et la plus tempétueuse des sœurs, Setsuko. Avec sa moue boudeuse, son allure dynamique et sa façon d’enchaîner les répliques avec une facilité confondante, l’actrice devient le cœur du film, le noyau savoureux d’où provient l’atmosphère de comédie. La cinéaste fait même preuve d’auto-dérision en jouant le rôle de Yoneya, la domestique de la famille, à qui Setsuko apprend à mentir et à jouer le rôle de sa sœur au téléphone.

La lune s’est levée est sûrement son film le plus léger, où la cinéaste affûte son regard sur les femmes dans une atmosphère de flirt, d’amour et de poésie, déclamée par télégramme.



Maternité éternelle (1955)


Quelque mois après 
La lune s’est levée, la réalisatrice dévoile un autre film, considéré comme son oeuvre la plus personnelle. Pour la première fois de sa carrière de réalisatrice, elle est l'instigatrice du projet. « Je veux décrire une femme du point de vue d’une femme » dit-elle à Sumie Tanaka, scénariste japonaise, célèbre pour ses personnages de femmes. Elle signe le script de Maternité éternelle, inspiré de la vie de la poétesse Fumiko Nakajō, morte à trente et un ans d’un cancer du sein.

La volonté, presque viscérale, d’être au plus proche du personnage se ressent au travers du regard que Kinuyo Tanaka pose sur elle. L’histoire de la poétesse, morte quelque mois seulement avant le tournage du film, prend des accents tragiques. C’est une tragédie exclusivement féminine que nous conte la cinéaste, avec un personnage dont le destin est parsemé de souffrance, mais qui ne se départit jamais de sa fierté, ni de son désir de s’affranchir des carcans moralisateurs.

Yumeji Tsukioka donne ses traits à Fumiko Shimojo et s’investit pleinement dans le rôle, tant et si bien qu’il l’aidera à devenir une figure phare du cinéma japonais d’après-guerre. Son interprétation accompagne avec émotion la fresque que construit la réalisatrice. Fumiko écrit des tanka — de courts poèmes japonais sans rimes — désespérés, comme des appels à l’aide. Mariée à un homme qui se drogue et qui la trompe, elle décide de divorcer pour se construire une vie meilleure et ainsi écrire des poèmes plus gais. Mais sa décision possède un lourd prix à payer : celui de voir un de ses enfants partir vivre chez son père comme il est décidé dans l’acte de divorce. Ce départ lui déchire le cœur. Elle se tient souvent la poitrine comme si cela empêchait son cœur de se briser. Un mal commence à la ronger, cependant, sans qu’elle le sache. Le cancer se répand dans ses deux seins, qu’il faudra enlever pour la guérir. Mais trop tard, la maladie se propage dans ses poumons et elle passe les derniers mois de sa vie à l’hôpital.

Copyright 1955 NIKKATSU

Fumiko vit la perte de ses deux seins comme la fin de sa féminité. Kinuyo Tanaka filme l’intervention chirurgicale avec beaucoup de réalisme, rendant ainsi palpable la violence de cette perte. Mais l’héroïne ne perd pas pour autant sa pulsion de vie, qui va de pair avec sa pulsion de désir. À l’instar de Janet Frame, l’autrice néo-zélandaise, mise en image par Jane Campion dans Un ange à ma table (1990), Fumiko devient célèbre sans pouvoir jouir pleinement de la sortie de son recueil de poésie, intitulé ironiquement “Perte des deux seins”. Mais cette célébrité met sur son chemin un journaliste, Otsuki, avec qui elle retrouvera un désir ardant. 

Leur brève liaison est filmée avec beaucoup de douceur et de sensualité, démontrant une certaine audace face à l’époque où le film est réalisé. Fumiko se glisse dans le lit de fortune du journaliste, venu lui tenir compagnie dans sa chambre d’hôpital. Sa main glisse lentement sur le bras de son amant et le fait tourner vers elle. La réalisatrice filme un champ/contre-champ étonnant, plaçant la caméra au-dessus du lit et en-dessous, pour avoir à la fois le visage de Otsuki et celui de Fumiko, tandis qu’elle se livre entièrement à lui.

Tout au long de Maternité éternelle, Kinuyo Tanaka met en place le symbole du cercle dans sa mise en scène, rappelant la perte de sa poitrine. La forme vue dans la baignoire dans laquelle elle se baigne chez son amie Kinuko Hori ou dans le miroir qu’elle utilise pour se recoiffer après sa nuit d’amour délivre le message que, malgré tout, Fumiko n’a pas renoncé à sa féminité et à son corps. Elle se réapproprie ce corps malade mais vivant avec des artifices (de faux seins qu'elle glisse sous son kimono) ou par de longues balades qu'elle effectue sans l'accord des médecins. La vison que donne la réalisatrice sur le cancer est novatrice et démontre toute la complexité avec laquelle Kinuyo Tanaka a voulu filmer son héroïne. 

La réalisatrice signe une fresque d’une beauté formelle et émotionnelle. Le film s’inscrit brillamment dans sa carrière de réalisatrice, qui donne une importance capitale aux destins de femmes de toutes sortes.


La Princesse Errante (1960)

Les mémoires de la noble japonaise Hiro Saga (fille du marquis Saga et parente éloignée de l'empereur du Japon Hirohito, instant Wikipedia), devenues un best-seller quasiment immédiatement après sa publication en 1959, n'ont pas traînées pour connaître une adaptation sur grand écran puisque Tanaka n'a mis que quelques mois après sa publication pour la mettre en boîte, et par la même occasion quitter le noir et blanc cher à son cinéma, pour le Cinemascope et la couleur.
Questionnant une nouvelle fois la condition féminine au cœur d'une société nippone pré et post-Seconde guerre mondiale, la cinéaste la catapulte cette fois non pas uniquement face à la violence sourde du gouvernement, mais aussi et surtout face la force brutale du militarisme, qui est un obstacle insurmontable à toute harmonie intime, familiale et même interculturelle.

Copyright 1960 KADOKAWA CORPORATION

Jamais maîtresse de son destin, que ce soit sentimentalement (elle est catapulté dans un mariage arrangé mais étrangement heureux, avec le frère cadet de l'ancien empereur Qing) ou même socialement (elle n'existe que par son mariage et le rôle que la famille impériale lui donne), Ryuko est censé être le pont entre les cultures nippones et chinoises dans la chimérique Mandchourie (une ambassadrice, le visage " présentable " - comprendre pion - de l'ambition impériale), symbole d'une énergie féminine qui tente d'établir une connexion par la compassion et la compréhension face à une puissance masculine écrasante, qui ne valorise que la destruction et la domination de l'autre. 
Remplie de la naïveté de l'idéalisme, elle croit sincèrement en la bonté du projet mandchou, totalement aveugle aux actions moins altruistes de ses compatriotes engagés dans la même entreprise vouée à l'échec, écrasé sous le joug du militarisme (ce n'était qu'une dictature militaire encore plus prononcée que le Japon lui-même).
Cet échec sera aussi le sien, et elle le payera le prix fort.

Et Tanaka ne laisse aucun doute sur la puissance de la tragédie qu'elle met en scène, puisqu'elle ouvre et clôt son oeuvre sur le suicide de la fille de Ryuko, un geste retranscrit de manière assez maladroite cela dit tant il est lié à la mort du rêve mandchou et autant qu'à la perte de l'idéalisme de la mère ; même si la cinéaste termine sa narration sur une note plus proche de compassion que de la colère et de l'austérité (Ryuko admire les fleurs qu'elle a finalement plantées, comme le symbole de toute une nation qui s'attend à ce que des jours meilleurs arrivent).
Rien ne résistait à l'austérité rigide et à l'oppression implacable de l'armée, pas même la plus idéaliste des âmes.


La nuit des Femmes (1961)

Pour son cinquième long-métrage en tant que réalisatrice, Tanaka s'appuie sur le roman de Masako Yana pour mieux s'attacher au sort aussi cruel et contradictoire que férocement hypocrite réservé aux femmes qui s'étaient livrées au travail du sexe, dans le Japon du milieu des années 50, à travers le destin tragique de la douce Kuniko.
S'ouvrant sur une voix-off qui contextualise complètement l'époque, le film montre un Japon qui affirme s'être expurgé de la prostitution grâce à l'application de lois drastiques (immondes ?), cataloguant les travailleuses du sexe en deux camps bien distincts : celles jugées irrécupérables et qui sont directement envoyées en prison, et les autres, catapultées dans des maisons de " réhabilitations " en vue de leur trouver un travail et de les réinsérer au sein de la société.
En théorie tout du moins car aussi progressiste que s'affirme le gouvernement, la condescendance et les préjugés eux restent férocement enracinés au cœur de la société.

Et la pauvre Kuniko va l'apprendre à ses dépends, elle dont le quotidien n'est habité que par le mépris et la violence distillés par un gouvernement ambivalent, qui considère soudainement que ce qui était bon hier, est désormais mauvais aujourd'hui.
Jamais il n'est question de savoir ni de comprendre ce qui a amené ses femmes à devoir faire commerce de leur corps (que l'on juge au mieux dégradant, au pire totalement honteux), tout n'est que jugement et maltraitance - physique comme morale -, alors même que le seul problème ne réside uniquement que dans le fait que cette pratique est désormais illégale.
Frappée par la honte et la stigmatisation sociale, Kuniko n'aura jamais vraiment la chance de quitter la marge et de se réinsérer (elle n'est pourtant jamais dans l'illégalité ni condamnée par la justice, excepté celle sociale) tant son passé lui reviendra en plein visage tel un boomerang, au moindre métier qu'elle entreprendra avec la meilleure des volontés.
Elle ne peut s'appuyer sur personne, hommes (qui supposent que son ancienne vie de travailleuse du sexe signifie qu'ils ont un droit sur sa sexualité, avec ou sans son consentement) comme femmes (l'esprit de sororité et de solidarité féminine n'existe que dans les communautés en marge), pas même sur l'amour qui lui est interdit : sa romance avortée avec le jardinier Hayakawa, fracassée par les conventions et les moeurs puisque le jeune homme est de sang noble et qu'il serait déshonorant pour lui et - surtout - sa famille, de s'unir avec une ancienne prostituée.

Copyright 1961 TOHO CO., LTD

Le seul salut qui lui sera donné sera au coeur d'une communauté de femmes solidaires, les ama (des pêcheuses de perles), dans ce qui a tout d'un acte de purification spirituelle.
Puissante dans sa manière de sonder une société pas si lointaine, qui préfère blâmer la femme et la forcer à se haïr elle-même pour ses actes, plutôt que de s'attaquer aux diverses forces oppressives qui tentent de microgérer sa sexualité ; Tanaka, dont la mise en scène franche et frontale rappelle celle de Mikio Naruse (sa scénariste sur ce film, Sumie Tanaka - aucun lien de parenté - étant justement la scénariste préférée de Naruse), signe ici une tragédie aussi délicate et complexe qu'étonnante dans la manière dont elle s'extirpe subtilement de tous les tics mélodramatiques, pour mieux frapper son auditoire par sa vérité cinglante et déchirante.
Une claque, rien de moins.


Mademoiselle Ogin (1962)

De son premier à son sixième effort en tant que cinéaste, Kinuyo Tanaka s'est autant échinée à pointer du bout de la caméra la non-évolution de la condition féminine au travers de l'histoire - passée comme présente - du Japon, qu'à user des codes du mélodrame pour mieux les subvertir à sa guise, au gré d'histoires tragiques aux vérités crues et radicales.
Avec son sixième et dernier long-métrage, 
Mademoiselle Ogin, qui lui offre l'opportunité d'aborder le genre (très) exigeant du jidai-geki au travers du destin tragique d'Ogin, une femme qui au cœur du Japon de la fin du XVIème siècle (un Japon à la politique turbulente et en état de guerre constant, alors que le commerce extérieur et les influences, y compris le christianisme, inondent la nation), défie tout par amour, pas tant pour son droit à le vivre comme elle le sent que pour la légitimation de ses sentiments de femme.

Copyright 1962 / 2021 SHOCHIKU CO., LTD.

Toute cette passion, désespérée puisque vouée à ne pas être totale, est un symbole de retenue émotionnelle, d'autant plus qu'Ogin tient fermement à sa pureté et a refusé toutes les supplications d'un hypothétique mariage, même de ceux qu'on ne peut refuser.
Mais Ogin est, en un sens, déjà condamnée par son destin, emprisonnée au cœur d'une oppression religieuse (et l'austérité qu'elle provoque, entre cruauté et égoïsme) et sociale.
Confrontée à l'obligation d'abandonner son corps à un homme qu'elle n'aime pas, d'être le pion sans vie d'un jeu cruel initié par des hommes pour leur seul et unique, celle-ci préfèrera se donner la mort, trouvant en celle-ci l'expression ultime de sa liberté personnelle, de sa dignité et de sa pureté émotionnelle ; le seul chemin la menant vers l'autonomisation personnelle et ce, même s'il se trouve dans la négation la plus ultime qui soit.

Le film presque testamentaire d'une cinéaste réfléchie et sensible, capable d'adapter son approche à l'histoire et toujours profondément concernée par ses personnages, Mademoiselle Ogin semble même sa seule oeuvre où elle fusionne tout ce qu'elle a appris en tant qu'actrice, auprès des maîtres Ozu (sa retenue émotionnelle taiseuse mais bouillante, son montage épuré allant strictement à l'essentiel), Mizoguchi (sa mise en scène fluide et constamment en mouvement) et Naruse (la croyance en ces personnages et en leur faculté de porter l'histoire et ses émotions, sans même une ligne de dialogue).

Cette sortie groupée de ses six réalisations inédites par chez nous, est la preuve puissante que son cinéma ne doit plus sombrer dans l'oubli.



Cet article a été écrit à quatre mains, par Jonathan Chevrier et Laura Enjolvy