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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #135. Conspiracy Theory

Copyright Warner Bros.

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#135. Complots de Richard Donner (1997)

La mémoire cinéphile collective a bien trop vite l'habitude de résumer la collaboration ainsi que l'amitié entre feu Richard Donner et Mad Mel Gibson, à la vénérée quadrilogie Lethal Weapon, oubliant un peu trop les excellents Maverick et Complots.
Surtout le second finalement, qui a permis au comédien de gentiment varier sa galerie de personnages et de déjouer son statut d'anti-héros purement américain, sans fondamentalement troubler la formule " Martin Riggs " qui a fait son succès à Hollywood (personnage borderline, un brin parano et suffisamment excentrique pour être en marge de la société), et qu'il déconstruira à peine deux ans plus tard, toujours avec l'aide Brian Helgeland - ici scénariste -, dans l'excellent et nihiliste Payback.

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À une heure ou le complotisme n'a jamais été aussi en verve tout autour du globe, Conspiracy Theory en V.O se fait donc étonnamment actuel dans son propos, résolument moins simpliste qu'il n'en a l'air (notamment dans son contexte d'une Amérique suspicieuse post-Guerre du Golfe et surtout à l'aube du 21ème siècle, qui allait être bousculé de la plus tragique manière qui soit), là où sa forme tout comme son style protéiforme, convoque bien plus le passé qu'autre chose.
Entre le thriller politico-conspirationniste so 70s (qui n'est pas sans rappeler l'autre gros monument US des 90s, Le Fugitif d'Andrew Davis), et la comédie romantico-burlesque des 50s/60s savamment saupoudré d'humour noir, le film et sa narration aux rebondissements passablement abstraits - au moins autant que son propos -, avaient tout de l'OFNI qui décontenance à une heure ou le spectateur pensait (comprendre : voulait) la réunion entre Donner et Gibson, comme un actionner pur et dur, à l'humour un poil plus familier (même si Maverick avait déjà servi de sonnette d'alarme), ce qui ne l'a pas empêché de faire son petit boucan en salles, et justifierait presque sa réhabilitation - mesurée évidemment - aujourd'hui.
L'histoire suit celle de Jerry Fletcher, un chauffeur de taxi new-yorkais gentiment irrationnel - pour être poli -, dont les discussions sont nourris autant par ses opinions farfelues sur les complots gouvernementaux, que par ses soupçons paranoïaques à l'égard du monde entier.
Un maître des anecdotes sans valeurs pour le commun des mortels, qui vit dans un appartement chétif qu'il cloisonne comme une tour d'ivoire à coups de cadenas (même son frigo et ses plats à l'intérieur, y passent !), et de pièges complexes.
Son passe-temps principal consiste autant à rédiger et imprimer un bulletin d'information sur la théorie du complot, qu'il distribue par la poste - à un total de cinq abonnés -, qu'à entretenir une étrange obsession pour l'achat d'exemplaires du livre « L'attrape-coeur » de J.D. Sallinger, comme s'il était programmé pour le faire périodiquement.

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Il est également en proie à de mauvais flashbacks aléatoires, qui sont momentanément atténués lorsqu'il espionne l'avocate du ministère de la Justice Alice Sutton, pour laquelle il est éperdument amoureux et qui va lui être d'une aide précieuse alors qu'il est la cible du terrifiant " médecin " Jonas, un psychiatre tordu affilié à une agence gouvernementale inconnue et secrète, qui a un rapport intime avec son passé...
Pas pingre que ce soit en terme de suspens (plutôt bien amené que ce soit par la mise en scène solide de Donner, et le score à la fois ludique et inquiétant, de Carter Burwell), de rebondissements corsés (jusque dans un happy ending férocement tiré par les cheveux) et même de séquences angoissantes (notamment un interrogatoire entre Marathon Man et Orange Mécanique), Complots se fait une évasion plaisante à défaut d'être totalement complète cela dit, la faute à une écriture un brin déséquilibrée de son couple central (là où Patrick Stewart lui, est un vilain merveilleusement détestable même avec un temps de présence moins important), tant la romance entre Jerry et Alice ne tient jamais vraiment la route (même si l'alchimie entre Roberts et Gibson est bien réelle), et que leur développement est lui aussi bancal.
Si Helgeland fait de Jerry un personnage fascinant, qui oscille sauvagement entre la peur et l'amour, laissant les pleins pouvoirs à un Gibson qui vole le show (divagations absurdes, expressions loufoques, décisions aussi spontanées quelles sont destructrices, blagues ringardes : il est juste on fire); en revanche, il donne peu de grains à moudre à Julia Roberts tant son Alice, avant le dernier tiers, n'est qu'une avocate certes pugnace mais avant tout spectatrice d'une accumulation de situations où elle n'a pas ou peu de contrôle (d'autant qu'elle a du mal à trouver à qui faire confiance dans un monde où chacun semble jouer plusieurs rôles, même Jerry).

Copyright Warner Bros.

Un chouïa bancal donc, le long-métrage n'en capte pas moins une angoisse réelle dans la folie de la vie urbaine, ce sentiment du " on ne nous dit pas tout " face à une politique contemporaine (et la France n'y fait pas exception) qui attise cet esprit de manipulation de masse, par des annonces évasives - quand elles ne sont pas absurdes et contradictoires -, et ses mesures restrictives.
Il n'y a pas de fumer sans feu et dans une culture de la désinformation ou les vérités ne semblent jamais entières, le film de Richard Donner trouve sans forcer sa pertinence et même un certain charme imprévisible.


Jonathan Chevrier


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