[CRITIQUE] : Introduction
Avec : Shin Seokho, Park Miso, Kim Youngho, Ki Joobong, …
Budget : -
Distributeur : Capricci Films
Genre : Drame
Nationalité : Sud-coréen
Durée : 1h06min
Synopsis :
Youngho cherche à se frayer un chemin entre son rêve de devenir acteur et les attentes de ses parents. Alors que sa petite amie part étudier à Berlin, le jeune homme y voit l’occasion d’un nouveau départ.
Critique :
Duel de générations ou errance dans un monde chaotique, faussement simple et simplement réalisé, #Introduction, scindé en 3 parties distinctes et paré d’un mysticisme propre aux songes, se fraye un joli chemin à travers l’immense filmographie de son réalisateur. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/q2RIR1LXyS
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 23, 2022
Au détour des séquences de dialogue se place un moment onirique chez tous les films de Hong Sang-soo, un moment de rêve dont on ne sait qu’il est un rêve qu’une fois terminé. Pendant ce bref instant, la réalité et l’irréel ne font plus qu’un et ne se distinguent pas l’un de l’autre. Il existe cette séquence dans le nouveau film du réalisateur coréen, Introduction. Pourtant, l’entièreté du film se pare d’un mysticisme propre aux songes. Et si ce petit film d'une heure et six minutes n'était en fait qu’un rêve ? Un point de départ d’une crise qui nous paraît sans fin depuis mars 2020. Tourné dans cet intervalle, entre la Corée du sud et l’Allemagne, le nouveau long métrage du cinéaste trace sa route dans les méandres d’une filmographie riche et pose plus de questions qu’il n’a de réponses.
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Comme tous films qui se respectent, Introduction n’existe que par la volonté de son réalisateur, si ténue soit-elle. L’envie de tourner avec deux de ses étudiants a été le point de départ de Hong Sangsoo, célèbre pour sa façon éparse de travailler. Ici, le film est découpé en trois parties distinctes, presque indépendantes l’une de l’autre. Sommes-nous devant trois courts métrages ? Trois situations différentes, trois villes différentes, trois décors différents. Mais un seul personnage se trouve dans ces séquences et tissent le lien indéfectible entre toutes. La surprise est la clef du récit, que ce soit l’arrivée de la neige, mouvement blanc au-dessus des personnages, l’arrivée d’un petit-ami malgré un déménagement de huit mille kilomètres de distance ou une baignade dans la mer froide, en plein hiver. Yeongho — taille gigantesque et visage de marbre — se balade entre les séquences sans qu’elles en soient bousculées. Il est ce qui ressemble le plus à un personnage principal mais semble avoir du mal à s'agripper au récit, comme si le scénario le lui interdisait avant qu’il ne prenne conscience de son sort. Il attend un père pour une rencontre qui ne se fera jamais (pas dans le champ en tout cas). Il va au devant de sa petite-amie, partie en Allemagne pour ses études et son arrivée soudaine la surprend plus que ça ne lui fait plaisir. Il se fait remonter les bretelles par un acteur quand il confie sa difficulté pour lui, acteur en devenir, de tourner des séquences d’amour alors qu’il est en couple.
S’il est un rêve, Introduction semble se refermer petit à petit sur lui-même. Contrairement aux autres films du réalisateur, celui-ci ne laisse pas de champ-libre et porte en lui un monde fermé, auquel il est difficile de s’extraire. Les rues sont vides, la plage immense mais le cadre semble petit et ne nous laisse pas voir cet extérieur autre que comme un décor derrière les personnages. Filmées au début du COVID, ces rues débarrassées de ses habitants prennent le pourtour d’un monde que l’on a bien connu, le temps des confinements. Un personnage exprime même cette peur de sortir alors qu’il accompagne Yeongho à la plage rencontrer la mère de ce dernier. Plus personne n’ose conquérir l’espace extérieur et l’univers dépeint, dépouillé parce que c’est le style du réalisateur, prend ici la forme d’un terrain familier et déprimant.
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Paradoxalement, dans ce songe cinématographique il n’y a pas de nuit. Tout se passe dans une lumière crue et dure, enveloppant les personnages de sa teinte froide, avec le choix d’un noir et blanc peu contrasté pour apprécier d’autant plus la blancheur du jour. Film diurne donc, et hivernal, comme s’il ne possédait pas de fin et se reconditionnait seul et sans repos. Le titre, Introduction, nous induit en erreur. Est-ce vraiment le début de quelque chose ou au contraire, sommes-nous les témoins d’une fin ? La fin d’une ère, la fin d’un rêve (devenir acteur pour Yeongho). Peut-être aussi le début d’une prise de conscience et d’un lâcher prise pour le personnage, qui faisait tout ce qui était bien, dans la norme. Attendre un père avec qui il avait des soucis relationnels pour recevoir de l’argent et poursuivre son rêve. Suivre sa petite-amie au bout du monde. Écouter les conseils d’un acteur chevronné. Mais celui-ci finit par abandonner la perfection et se lance entièrement dans l’eau froide. Pour jouir de son propre libre-arbitre ou pour mettre un point final à une existence dédiée à faire plaisir aux autres. Duel de générations ou errance dans un monde chaotique, Introduction semble se créer un chemin à travers l’immense filmographie de son réalisateur. Faussement simple et simplement réalisé, le long métrage finit comme il a commencé, sur une note d’inachevé ; car les personnages de Hong Sang-soo ne vivent pas seulement à l’intérieur du champ et continuent leur pérégrination bien après le générique.
Laura Enjolvy