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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #131. Blue Steel

Copyright Metro-Goldwyn-Mayer

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#131. Blue Steel de Kathryn Bigelow (1990)

Toujours en avance sur son temps, Queen Kathryn Bigelow avait réalisé vingt-huit ans avant même que le mouvement ne se lance, le film #MeToo quasi-ultime, un vrai symbole pour ce qui fut pendant longtemps (jusqu'à cette année et le sacré mérité de Chloé Zhao pour Nomadland), la première et unique réalisatrice à avoir remporter l'Oscar de la meilleure réalisation.
Arpentant le terrain sinueux du film d'action dit burné, avec pourtant plus de muscles et de virilité que bon nombres de cinéastes masculins de son époque, elle fait de Blue Steel un polar urbain fascinant et radical à la lisière du cauchemar vampirique (ou la violence empoisonne et pervertie les âmes), tournant autour de la détermination d'une femme à faire carrière dans un corps de métier savamment fétichisé pour faire des hommes des héros, tandis qu'elle est elle-même, l'objet des désirs d'un psychopathe qui l'a fétichise depuis qu'il l'a vu user de son arme, pour définitivement arrêter les méfaits d'un cambrioleur.

Copyright Metro-Goldwyn-Mayer

Un thriller cinglant aussi incroyablement moderne que profondement ancré dans son époque (quitte à en reproduire tous les tics et influences, le cinéma de Mann en tête), vissé sur un jeu du chat et de la souris pervers (rappelant fortement celle de Hitcher, qui avait déjà Eric Red au scénario), tronqué par la force implacable d'une institution régit par le pouvoir et l'argent, tolérant la masculinité toxique autant que l'injustice par peur de mauvaise presse (un système qui, au-delà de faire taire les femmes, fait en sorte que des choses encore plus terribles leur arrive); une institution qui, dès une ouverture puissante annonce la couleur : même victime, la femme est considéré comme une menace par l'homme.
Un ride urbain violent, oppressant et ambiguë, shooté comme un film d'exploitation excessif made in 70s (gros plans retirés, sexualité bouillonnante, fétichisme des armes - et métaphore phallique du revolver en prime -, explosions de sang décomplexées,...), avec ses qualités comme ses maladresses (un Ron Silver totalement à côté de la plaque en tête), dominé par une Jamie Lee Curtis à la prestation aussi imposante que psychologiquement complexe (Une femme émancipée dans un monde d'hommes, pétri de contradictions et tiraillée par une société qui en a tout autant).
Bigelow pardonne peu et frappe toujours là ou ça fait mal, et c'est tout ce qui fait la force de son cinéma.


Jonathan Chevrier