[CRITIQUE] : Memoria
Réalisateur : Apichatpong Weerasethakul
Acteurs : Tilda Swinton, Elkin Díaz, Jeanne Balibar, Juan Pablo Urrego,...
Distributeur : New Story
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Colombien, Thaïlandais, Britannique, Mexicain, Français, Allemand, Qatarien, Chinois, Suisse.
Durée : 2h16min
Synopsis :
Au lever du jour j'ai été surprise par un grand BANG et n'ai pas retrouvé le sommeil. A Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière. Un Bang.
Critique :
" In here, time stops ".
Une simple phrase prononcée par le personnage incarné par la merveilleuse Tilda Swinton - Jessica Holland -, alors qu'elle pointe du doigt des armoires réfrigérées conçues pour conserver les fleurs, caractérise avec puissance la prouesse réussie par Apichatpong Weerasethakul avec son nouveau chef-d'oeuvre, Memoria, tant le maître du cinéma contemplatif semble avoir une fois de plus, su transcender la quintessence de son cinéma.
Prenant une nouvelle fois son temps à chaque plan, quitte à parfois se priver de dialogue et de mouvement, le cinéaste inculque une véritable hypersensibilité à tous les pores de sa pellicule, poussant son auditoire (si tenté qu'il le veuille et qu'il accepte sa radicalité) à se laisser guider dans la pénombre, pour mieux goûter aussi bien à la sensibilité de ce qui vient occuper l'écran, qu'à sa propre posture et sa propre respiration intérieur.
Une prise de conscience physiologique mais surtout écologique, tant le film ne se fait pas temps une méditation sur la lenteur glaciale et immuable du temps, qu'un dur regard sur la portée de la vie humaine qui l'habite, captée au travers de la quête spirituelle d'une botaniste britannique tentant de reproduire un bruit qui l'obsède et dont elle semble être la seule à pouvoir l'entendre; un bruit qui n'est pas tant le symptôme d'un mal individuel que celui de notre environnement globale.
Merveilleuse expérience sensorielle qui pousse continuellement au vertige (jusque dans son réalisme parfois surnaturel/magique), prenant les contours d'un songe étrange et impénétrable devenant peu à peu infiniment émouvant; Memoria, qui n'aura aucun mal à larguer sur le bord de la route les spectateurs hermétiques à sa sensibilité - comme tout le cinéma de Weerasethakul -, offre une expérience organique, méditative et existentiellement transcendante, qui canalise son énergie débordante autant dans l'étendue large et luxuriante de son cadre colombien somptueux (avec quelques petites infidélités urbaines toutes aussi sublimes), que dans les méta-commentaires de sa narration plus volubile quelle n'en a l'air.
Autant le premier long-métrage hors de sa Thaïlande natale pour le cineaste, que son premier effort une star de cinéma de la stature de Swinton (totalement vouée à sa cause), le film use de l'importance de l'ouie (sens que l'on relègue au second plan au cinéma comme dans la vie, tant la vue lui impose - naturellement pour ceux qui en dispose - sa supériorité) pour mieux appréhender la nébulosité de notre monde, au travers de questionnements spirituels (le corps comme réceptacle de forces/esprits incorporels, chaque élément du monde vu comme un esprit vivant, même une brindille d'herbe virevoltant au gré du vent), sociologiques (la confrontation entre le progrès industriel et la préservation écologique, le désir - social et économique - de modernisme et un passé anthropologique tentant de nous alerter), et psychologiques (les maux souvent subtils causés par l'expatriation et l'éloignement).
Pas forcément éloigné de The Tree of Life - en résolument plus expérimental et thérapeutique -, Memoria est pure expérience extra-sensorielle et hyper-empathique radicale, une stupéfiante balade immersive dont on ressort scotché et éblouit.
Un chef-d'oeuvre, rien de moins.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Tilda Swinton, Elkin Díaz, Jeanne Balibar, Juan Pablo Urrego,...
Distributeur : New Story
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Colombien, Thaïlandais, Britannique, Mexicain, Français, Allemand, Qatarien, Chinois, Suisse.
Durée : 2h16min
Synopsis :
Au lever du jour j'ai été surprise par un grand BANG et n'ai pas retrouvé le sommeil. A Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière. Un Bang.
Critique :
En tentant d'appréhender la nébulosité de notre monde au travers de questionnements spirituels, sociologiques et psychologiques,#Memoria se fait une pure expérience extra-sensorielle et hyper-empathique radicale, une stupéfiante balade immersive dont on ressort totalement scotché pic.twitter.com/0tlM3FFgXU
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 17, 2021
" In here, time stops ".
Une simple phrase prononcée par le personnage incarné par la merveilleuse Tilda Swinton - Jessica Holland -, alors qu'elle pointe du doigt des armoires réfrigérées conçues pour conserver les fleurs, caractérise avec puissance la prouesse réussie par Apichatpong Weerasethakul avec son nouveau chef-d'oeuvre, Memoria, tant le maître du cinéma contemplatif semble avoir une fois de plus, su transcender la quintessence de son cinéma.
Prenant une nouvelle fois son temps à chaque plan, quitte à parfois se priver de dialogue et de mouvement, le cinéaste inculque une véritable hypersensibilité à tous les pores de sa pellicule, poussant son auditoire (si tenté qu'il le veuille et qu'il accepte sa radicalité) à se laisser guider dans la pénombre, pour mieux goûter aussi bien à la sensibilité de ce qui vient occuper l'écran, qu'à sa propre posture et sa propre respiration intérieur.
Copyright Kick the Machine Films/Burning/Anna Sanders Films/Match Factory Productions/ZDF/Arte/Piano 2021 |
Une prise de conscience physiologique mais surtout écologique, tant le film ne se fait pas temps une méditation sur la lenteur glaciale et immuable du temps, qu'un dur regard sur la portée de la vie humaine qui l'habite, captée au travers de la quête spirituelle d'une botaniste britannique tentant de reproduire un bruit qui l'obsède et dont elle semble être la seule à pouvoir l'entendre; un bruit qui n'est pas tant le symptôme d'un mal individuel que celui de notre environnement globale.
Merveilleuse expérience sensorielle qui pousse continuellement au vertige (jusque dans son réalisme parfois surnaturel/magique), prenant les contours d'un songe étrange et impénétrable devenant peu à peu infiniment émouvant; Memoria, qui n'aura aucun mal à larguer sur le bord de la route les spectateurs hermétiques à sa sensibilité - comme tout le cinéma de Weerasethakul -, offre une expérience organique, méditative et existentiellement transcendante, qui canalise son énergie débordante autant dans l'étendue large et luxuriante de son cadre colombien somptueux (avec quelques petites infidélités urbaines toutes aussi sublimes), que dans les méta-commentaires de sa narration plus volubile quelle n'en a l'air.
Copyright Kick the Machine Films/Burning/Anna Sanders Films/Match Factory Productions/ZDF/Arte/Piano 2021 |
Autant le premier long-métrage hors de sa Thaïlande natale pour le cineaste, que son premier effort une star de cinéma de la stature de Swinton (totalement vouée à sa cause), le film use de l'importance de l'ouie (sens que l'on relègue au second plan au cinéma comme dans la vie, tant la vue lui impose - naturellement pour ceux qui en dispose - sa supériorité) pour mieux appréhender la nébulosité de notre monde, au travers de questionnements spirituels (le corps comme réceptacle de forces/esprits incorporels, chaque élément du monde vu comme un esprit vivant, même une brindille d'herbe virevoltant au gré du vent), sociologiques (la confrontation entre le progrès industriel et la préservation écologique, le désir - social et économique - de modernisme et un passé anthropologique tentant de nous alerter), et psychologiques (les maux souvent subtils causés par l'expatriation et l'éloignement).
Pas forcément éloigné de The Tree of Life - en résolument plus expérimental et thérapeutique -, Memoria est pure expérience extra-sensorielle et hyper-empathique radicale, une stupéfiante balade immersive dont on ressort scotché et éblouit.
Un chef-d'oeuvre, rien de moins.
Jonathan Chevrier