[CRITIQUE] : Leur Algérie
Réalisatrice : Lina Soualem
Acteurs : -
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Algérien, Suisse, Qatarien.
Durée : 1h12min.
Synopsis :
Après 62 ans de mariage, les grands-parents de Lina, Aïcha et Mabrouk, ont décidé de se séparer. Ensemble ils étaient venus d’Algérie en Auvergne, à Thiers, il y a plus de 60 ans, et côte à côte ils avaient traversé cette vie chaotique d’immigré.e.s. Pour Lina, leur séparation est l’occasion de questionner leur long voyage d’exil et leur silence.
Critique :
Seulement aperçue dans une poignée de films au coeur de sa jeune carrière de comédienne (dont l'excellent Vous méritez un amour de Hafsia Herzi), Lina Soualem passe déjà - et avec brio - derrière la caméra via un joli premier documentaire, Leur Algérie, qui atteint les salles obscures au sein d'un mois d'octobre chargé, tiraillé entre les grosses cylindrées américaines et une distribution plus hétéroclite, enclenchant lentement mais sûrement le virage de la future course aux statuettes dorées.
Immigrée franco-algérienne de troisième génération (elle est la fille du fille du comédien Zinedine Soualem et de la comédienne Hiam Abbas), elle offre pour son premier effort un portrait intimiste de sa famille, avant tout vissé sur ses grands-parents paternels, venus d'Algérie en 1950.
Après 62 ans de mariage, la grand-mère, Aïcha, prend la décision de séparée de son mari, Mabrouk, un homme laconique qui parle très rarement de son passé; une séparation qui, plutôt relative sur de nombreux points, est un des nombreux mystères que Lina tente de percer, tant elle suppose une libération pour sa grand-mère, le besoin d'un espace d'indépendance qu'elle n'a jamais eu - Aïcha n'avait que 15 ans lorsqu'elle s'est mariée.
Une sorte de rébellion tardive mais nécessaire, la conscience d'un besoin de passer les dernières années de don existence à atteindre une indépendance que l'on a jamais vraiment eu.
Si la tentative d'extraire des souvenirs ou des émotions concrètes est difficile (même si elle profite évidemment de la proximité intergénérationnelle qui peut lier les grands-parents à leurs petits enfants), tant ni Aïcha ni Mabrouk ne sont habitués à exprimer leurs émotions (une pudeur des mots qui rend d'autant plus puissante la moindre prise de parole), cette quête de vérité d'un " monde révolu ", appuyée par un pont affectif incarné par le père de Lina (il est de la génération du milieu, de celle qui comprend l'émigration des ainés, qui se connecte aux racines algériennes tout en tentant de nourrir le besoin de compréhension des plus jeunes), se fait la mise en images tendre et vraie d'une génération sacrifiée, qui a émigrée en France pour mieux gagner sa vie mais qui ne s'est jamais vraiment senti intégré, alors qu'elle a vécu l'indépendance de l'Algérie de l'étranger.
Un témoignage émouvant et intime qui renvoie à la colonisation du point de vue d'ouvriers qui ne savaient rien - ni ne voulaient rien savoir - de la politique, espérant repartir un jour chez eux (ce qui n'adviendra, pour beaucoup, jamais).
Réflexion mélancolique sur la notion d'identités (de la dépossession de sa vie au désir vibrant - et légitime - d'émancipation) prenant les contours d'un formidable et doux (même si un brin teinté d'amertume) portrait de famille psychanalytique replacé au coeur de l'histoire, Leur Algérie touche par sa poésie mais surtout son immense humanité; un documentaire qui met des images avec chaleur sur les maux d'âmes ayant affronté le poids de l'exil, chacune à leur manière.
Jonathan Chevrier
Acteurs : -
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Algérien, Suisse, Qatarien.
Durée : 1h12min.
Synopsis :
Après 62 ans de mariage, les grands-parents de Lina, Aïcha et Mabrouk, ont décidé de se séparer. Ensemble ils étaient venus d’Algérie en Auvergne, à Thiers, il y a plus de 60 ans, et côte à côte ils avaient traversé cette vie chaotique d’immigré.e.s. Pour Lina, leur séparation est l’occasion de questionner leur long voyage d’exil et leur silence.
Critique :
Réflexion mélancolique sur la notion d'identité prenant les contours d'un formidable et doux (même si un brin teinté d'amertume) portrait de famille psychanalytique replacé au coeur de l'histoire, #LeurAlgérie est un beau doc qui touche par sa poésie et son immense humanité. pic.twitter.com/LDI9RoW9ZQ
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 13, 2021
Seulement aperçue dans une poignée de films au coeur de sa jeune carrière de comédienne (dont l'excellent Vous méritez un amour de Hafsia Herzi), Lina Soualem passe déjà - et avec brio - derrière la caméra via un joli premier documentaire, Leur Algérie, qui atteint les salles obscures au sein d'un mois d'octobre chargé, tiraillé entre les grosses cylindrées américaines et une distribution plus hétéroclite, enclenchant lentement mais sûrement le virage de la future course aux statuettes dorées.
Immigrée franco-algérienne de troisième génération (elle est la fille du fille du comédien Zinedine Soualem et de la comédienne Hiam Abbas), elle offre pour son premier effort un portrait intimiste de sa famille, avant tout vissé sur ses grands-parents paternels, venus d'Algérie en 1950.
Après 62 ans de mariage, la grand-mère, Aïcha, prend la décision de séparée de son mari, Mabrouk, un homme laconique qui parle très rarement de son passé; une séparation qui, plutôt relative sur de nombreux points, est un des nombreux mystères que Lina tente de percer, tant elle suppose une libération pour sa grand-mère, le besoin d'un espace d'indépendance qu'elle n'a jamais eu - Aïcha n'avait que 15 ans lorsqu'elle s'est mariée.
Une sorte de rébellion tardive mais nécessaire, la conscience d'un besoin de passer les dernières années de don existence à atteindre une indépendance que l'on a jamais vraiment eu.
Copyright JHR Films |
Si la tentative d'extraire des souvenirs ou des émotions concrètes est difficile (même si elle profite évidemment de la proximité intergénérationnelle qui peut lier les grands-parents à leurs petits enfants), tant ni Aïcha ni Mabrouk ne sont habitués à exprimer leurs émotions (une pudeur des mots qui rend d'autant plus puissante la moindre prise de parole), cette quête de vérité d'un " monde révolu ", appuyée par un pont affectif incarné par le père de Lina (il est de la génération du milieu, de celle qui comprend l'émigration des ainés, qui se connecte aux racines algériennes tout en tentant de nourrir le besoin de compréhension des plus jeunes), se fait la mise en images tendre et vraie d'une génération sacrifiée, qui a émigrée en France pour mieux gagner sa vie mais qui ne s'est jamais vraiment senti intégré, alors qu'elle a vécu l'indépendance de l'Algérie de l'étranger.
Un témoignage émouvant et intime qui renvoie à la colonisation du point de vue d'ouvriers qui ne savaient rien - ni ne voulaient rien savoir - de la politique, espérant repartir un jour chez eux (ce qui n'adviendra, pour beaucoup, jamais).
Réflexion mélancolique sur la notion d'identités (de la dépossession de sa vie au désir vibrant - et légitime - d'émancipation) prenant les contours d'un formidable et doux (même si un brin teinté d'amertume) portrait de famille psychanalytique replacé au coeur de l'histoire, Leur Algérie touche par sa poésie mais surtout son immense humanité; un documentaire qui met des images avec chaleur sur les maux d'âmes ayant affronté le poids de l'exil, chacune à leur manière.
Jonathan Chevrier