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[CRITIQUE] : Laila in Haïfa


Réalisateur : Amos Gitaï
Avec : Maria Zreik, Khawla Ibraheem, Tsahi Halevi, Bahira Ablassi, Naama Preis, Hanna Laszlo, ...
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Drame, Comédie
Nationalité : Israélien
Durée : 1h39min

Synopsis :
Une nuit, dans la zone portuaire qui longe la voie ferrée à Haïfa, une ville du nord d’Israël. C’est là, entre le Mont Carmel et la Méditerranée, qu’est installé le Club, un lieu qui attire chaque soir tout ce que Haïfa et sa région comptent de noctambules. Dans cette région contaminée par la haine et la violence, le club est un refuge pour tous ceux qui n’ont pas envie de se laisser enfermer dans des catégories toutes faites, qu’ils soient hommes ou femmes, homos ou hétéros, juifs ou arabes, palestiniens ou israéliens. À travers un moment de la vie de cinq femmes, c’est tout un microcosme humain qui se déploie, multicolore, intense et contrasté, entre rencontres et ruptures amoureuses, affirmations et hésitations, engagement et indifférence, vérités et mensonges.


Critique :


Présenté en compétition à la Mostra de Venise l’année dernière, Laila in Haïfa, le nouveau film du réalisateur Amos Gitaï, trouve son chemin dans les salles de cinéma. Ce long-métrage, sorte de huis-clos dans un club cosmopolite, a été tourné dans la ville natale du cinéaste, Haïfa. C’est grâce à une de ses actrices de son précédent film, Un tramway à Jérusalem, qu’il prend connaissance du club Fattoush, et devient le décor du film. Véritable lieu de résistance contre l’ancien ministre de la culture, le club Fattoush accueille israélien, palestinien, hétéros, gay, queer et se veut un endroit de partage, de culture, où on y parle anglais, arabe, hébreu. Avec un tel lieu, Amos Gitaï avait le parfait décor pour réaliser un film politique, lors d’une nuit chargée en événements. Par le biais de cinq femmes, palestiniennes et israéliennes, le réalisateur lance une série de conversations autour du conflit, de l’identité, du couple, avec comme seul enjeu de se départir des diktats.

Epicentre Films

Laila in Haïfa débute par un long plan-séquence, dans le parking du club, de nuit. Gil (Tshahi Halevi), un photographe israélien politiquement engagé, doit présenter sa nouvelle exposition, mais il se fait attaquer et voler sa voiture alors qu’il se garait. Laila (Maria Zreik), la directrice de la galerie, le trouve gisant à terre et l’entraîne, tant bien que mal à l’intérieur du club. La caméra suit leur ascension vers une salle à l’étage et ne s’intéresse pas au lieu en lui-même. Pas d'inquiétude cependant, le cadre scrutera la moindre parcelle du club pendant plus d’une heure trente, dans un enchaînement de saynètes autour et à l’intérieur du club Fattoush.

Le film présente une galerie de personnages, tou‧tes différent‧es, avec un seul point commun : l’envie de s’éloigner de leur case, assignée par leur genre, sexualité, nationalité et/ou religion. Laila, galeriste, est mariée avec un homme plus âgé, et n’en peut plus de se sentir enfermée (chacun de ses choix est remis en question par son mari). De même pour Khawla (Khawla Ibraheem), qui refuse la maternité parce qu’elle y voit un moyen pour son mari d’avoir le dessus sur elle. Naama (Naama Preis), de son côté, connaît la frustration de n’être qu’une mère pour son conjoint et s’abandonne dans les bras d’un inconnu au bar pour se reconnecter à ses désirs. Enfin, Bahira (Bahira Ablassi), erre dans le club et foudroie du regard quiconque viendrait lui parler, portant la colère du peuple palestinien à l’encontre des israéliens.

Epicentre Films


Hélas, malgré l’importance des questionnements soulevés par le cinéaste à travers ses personnages — façonnés à l’aide de ses acteur‧trices — Laila in Haïfa peine à trouver son rythme. Alors que le lieu est chargé d’histoire, qu’il est culturellement ancré dans la ville, la mise en scène se borne à suivre les méandres de personnages, pour la plupart bobos-bourgeois (allant de pair avec le lieu stylisé et les mouvement de caméra léchés) et ne fait jamais corps avec le propos du film. Le film veut trop en dire. En choisissant de représenter chaque minorité, le cinéaste finit par hiérarchiser les problèmes de société, les personnages n’ont pas le même temps d’écran, les saynètes s’enchaînent vite. Les dialogues sont parfois d’interminables logorrhées, il sera difficile pour les spectateur‧trices de comprendre les différents messages, ou même les enjeux des histoires.

Parce que la caméra ne veut jamais se poser, parce que le récit se fait plus obscur qu’il ne devrait, Laila in Haïfa finit par devenir laborieux à appréhender, malgré un propos d’actualité dans un lieu hautement symbolique.


Laura Enjolvy