[CRITIQUE] : Spirale : L’Héritage de Saw
Réalisateur : Darren Lynn Bousman
Acteurs : Chris Rock, Max Minghella, Marisol Nichols, Samuel L. Jackson,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Epouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h33min.
Synopsis :
Travaillant dans l'ombre de son père, une légende locale de la police, le lieutenant Ezekiel «Zeke» Banks et son nouveau partenaire enquêtent sur une série de meurtres macabres dont le mode opératoire rappelle étrangement celui d’un tueur en série qui sévissait jadis dans la ville. Pris au piège sans le savoir, Zeke se retrouve au centre d’un stratagème terrifiant dont le tueur tire les ficelles.
Critique :
Il y a dix-sept ans tout rond - ou presque -, deux jeunes australiens ambitieux et pétris de talent, James Wan et Leigh Whannell, frappaient furieusement à la grande porte d'Hollywood avec une péloche savamment burnée, qui allait autant révolutionner le cinéma de genre de l'époque (qui allait peu de temps après aligner en masse les tortures flicks à la qualité diverse) que faire de Lionsgate l'un des nouveaux nababs du business - statut amplifié par la suite avec la saga Hunger Games.
Véritable oeuvre phare des années 2000, Saw était surtout un choc tétanisant, une expérience unique basée sur un script étonnement simple (un psycho killer barré se la joue justicier/bourreau d'une poignée de pêcheurs) mais à l'exécution maline et jubilatoire (les nombreuses tortures infligées aux protagonistes), sublimé par un twist final franchement surprenant (ah Tobin Bell...), qui aura trituré plus d'un cerveau au moment de sa sortie.
Un brillant petit moment de terreur modeste, hommage sincère aux giallos chers au duo (ils n'auront de cesse de continuer leur révérence au genre au fil des péloches), aussi généreux et inventif qu'il est gore et sadique.
Un hit dans tous les sens du terme, qui allait très voir se franchiser (gangbangiser est un terme plus juste) à outrance par son studio qui en produira six suites dans la foulée, au rythme d'une péloche par an (pour les fêtes d'Halloween).
Six séquelles écrites avec les pieds, misant tout ou presque sur la surenchère de tripailles avec une pléthore de pièges improbables, des interprétations outrancières de comédiens en bout de course depuis plus de dix ans (Sean Patrick Flanery, Costas Mandylor,...) et des twists WTF comme ce n'est pas permis (Jigsaw allait bientôt avoir autant de disciples que de victimes...).
Stoppée au sommet de sa gloire en 2010 avec Saw 3D - Chapitre Final (mais pas si final donc), de loin le pire film de la saga, avant de renaître sept ans plus tard avec Jigsaw (pas le plus manchot des opus déclinés, mais pas le meilleur film des frangins Spierig non plus) et de (re)connaître une nouvelle vie sous l'impulsion combinée de Chris Rock et de Darren Lynn Bousman, papa des opus deux à quatre.
Voulu - au départ - comme une version sincèrement repensée de la saga (Rock avait lui-même pitché le bébé aux pontes de Lionsgate), avec son tueur en séries ne s'attaquant qu'aux flics corrompus, sorte de copycat qui à l'inverse d'un Jigsaw, ne se contenterait que des " brebis galeuses ", dont la traque serait emballé dans une sorte de thriller sombre et tortueux citant autant le film de Wan que le sacro saint Se7en de Fincher (que Saw premier du nom citait déjà pas mal); Spirale : L'héritage de Saw promettait donc de s'écarter gentiment de l'horreur bon marché de ses prédécesseurs pour lui préfèrer quelque chose de plus viscéral et actuel, en n'oubliant pas le contexte houleux d'une Amérique se devant de lever les yeux sur une brutalité policière de plus en plus dénoncée, mais trop peu condamnée.
Sauf que jamais ce neuvième - et premier spin-off - de la franchise Saw n'aborde son sujet avec une quelconque volonté de poids ni de justesse, se complaisant tout du long dans un recyclage en bon et dû forme de la même tambouille gore et molle du genou de toutes les inutiles suites, bardées d'idées démembrées portant faussement la peau de la justice sociale pour donner bonne conscience à ses contours de polar urbain faisandé.
Plutôt que d'utiliser le cinéma de genre pour éclairer des vérités inconfortables sur le maintien de l'ordre au coeur du pays de l'oncle Sam (ou de prendre de manière soit sérieuse, soit satirique, la question de la violence/corruption policière et d'une hypothétique réponse judiciaire forte); Spiral s'auto-saborde avec un sérieux abracadabrantesque là où toutes ses situations accumulent tellement les poncifs éculés, qu'on serait presque face à une parodie à la lisière du nanar, comme le récent Une Histoire de Détails de John Lee Hancock - pas une référence.
Cop show made in 90s à la ramasse dégainant sans enthousiasme un jeu de pistes sommaire et périmé jusqu'à la moelle (les personnages sont tous croqués en deux dimensions, et leurs disparitions ne suscitent ni tristesse ni pitié chez le spectateur), mis en boîte avec un académisme aussi confondant que sa photographie est ampoulée et horripilante (ce même gloubiboulga verdâtre et rougeâtre qui a fait " l'identité " visuel de la saga, ici encore plus irritant qu'à l'accoutumée), le film n'ose même pas tomber tête la première dans le fun pervers le plus primaire, avec ses envolées Jigsaw-esque dévitalisées et laborieuses, que ne viennent même pas booster le cabotinage extrême de Samuel L. Jackson (en mode " Des serpents dans l'avion ") et Chris Rock (en mode " too old and constipé for this shit ").
Sans la moindre punchline chère à Rock, dont les mots d'esprits et le regard critique ont fait son aura si singulière (il doit ici jongler entre le politiquement correct et un habillage pour l'hiver de Forrest Gump), ni même le moindre questionnement moral salutaire (le héros, qui croit en la réforme policière, ne pouvait-il pas, à un certain niveau, trouver que la violence de Spiral est justifiée ? A-t-il tort d'essayer de sauver les collègues criminels que Spiral cible ?), Spirale : L'héritage de Saw réussit l'écueil d'être trop sérieux dans ses intentions créatives pour être divertissant, mais surtout trop ridicule pour être vraiment pris au sérieux et ne pas être affreusement prévisible (et que dire de son raccourci facile, ou chaque victime directe ou indirecte de la violence policière ou du racisme systémique, pourrait in fine incarner un sociopathe implacable).
Et le comble, c'est que le spectateur lambda ne retiendra absolument pas ses tentatives d'incarner un polar mi-urbain, mi-hard boiled réflexif (enfin, au moins autant qu'un haussement d'épaules), mais bien ses deux, trois bouts d'horreur graphique et frontale si caractéristique de la saga... shame.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Chris Rock, Max Minghella, Marisol Nichols, Samuel L. Jackson,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Epouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h33min.
Synopsis :
Travaillant dans l'ombre de son père, une légende locale de la police, le lieutenant Ezekiel «Zeke» Banks et son nouveau partenaire enquêtent sur une série de meurtres macabres dont le mode opératoire rappelle étrangement celui d’un tueur en série qui sévissait jadis dans la ville. Pris au piège sans le savoir, Zeke se retrouve au centre d’un stratagème terrifiant dont le tueur tire les ficelles.
Critique :
Polar urbain so 90s à la ramasse dégainant sans enthousiasme un jeu de pistes sommaire et périmé, shooté avec un académisme confondant, #SpiraleLHeritageDeSaw n'ose même pas glisser vers le fun pervers le plus primaire, avec ses envolées Jigsaw-esque dévitalisées et laborieuses. pic.twitter.com/uF7ueEbReF
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 21, 2021
Il y a dix-sept ans tout rond - ou presque -, deux jeunes australiens ambitieux et pétris de talent, James Wan et Leigh Whannell, frappaient furieusement à la grande porte d'Hollywood avec une péloche savamment burnée, qui allait autant révolutionner le cinéma de genre de l'époque (qui allait peu de temps après aligner en masse les tortures flicks à la qualité diverse) que faire de Lionsgate l'un des nouveaux nababs du business - statut amplifié par la suite avec la saga Hunger Games.
Véritable oeuvre phare des années 2000, Saw était surtout un choc tétanisant, une expérience unique basée sur un script étonnement simple (un psycho killer barré se la joue justicier/bourreau d'une poignée de pêcheurs) mais à l'exécution maline et jubilatoire (les nombreuses tortures infligées aux protagonistes), sublimé par un twist final franchement surprenant (ah Tobin Bell...), qui aura trituré plus d'un cerveau au moment de sa sortie.
Un brillant petit moment de terreur modeste, hommage sincère aux giallos chers au duo (ils n'auront de cesse de continuer leur révérence au genre au fil des péloches), aussi généreux et inventif qu'il est gore et sadique.
Copyright Metropolitan FilmExport |
Un hit dans tous les sens du terme, qui allait très voir se franchiser (gangbangiser est un terme plus juste) à outrance par son studio qui en produira six suites dans la foulée, au rythme d'une péloche par an (pour les fêtes d'Halloween).
Six séquelles écrites avec les pieds, misant tout ou presque sur la surenchère de tripailles avec une pléthore de pièges improbables, des interprétations outrancières de comédiens en bout de course depuis plus de dix ans (Sean Patrick Flanery, Costas Mandylor,...) et des twists WTF comme ce n'est pas permis (Jigsaw allait bientôt avoir autant de disciples que de victimes...).
Stoppée au sommet de sa gloire en 2010 avec Saw 3D - Chapitre Final (mais pas si final donc), de loin le pire film de la saga, avant de renaître sept ans plus tard avec Jigsaw (pas le plus manchot des opus déclinés, mais pas le meilleur film des frangins Spierig non plus) et de (re)connaître une nouvelle vie sous l'impulsion combinée de Chris Rock et de Darren Lynn Bousman, papa des opus deux à quatre.
Voulu - au départ - comme une version sincèrement repensée de la saga (Rock avait lui-même pitché le bébé aux pontes de Lionsgate), avec son tueur en séries ne s'attaquant qu'aux flics corrompus, sorte de copycat qui à l'inverse d'un Jigsaw, ne se contenterait que des " brebis galeuses ", dont la traque serait emballé dans une sorte de thriller sombre et tortueux citant autant le film de Wan que le sacro saint Se7en de Fincher (que Saw premier du nom citait déjà pas mal); Spirale : L'héritage de Saw promettait donc de s'écarter gentiment de l'horreur bon marché de ses prédécesseurs pour lui préfèrer quelque chose de plus viscéral et actuel, en n'oubliant pas le contexte houleux d'une Amérique se devant de lever les yeux sur une brutalité policière de plus en plus dénoncée, mais trop peu condamnée.
Copyright Metropolitan FilmExport |
Sauf que jamais ce neuvième - et premier spin-off - de la franchise Saw n'aborde son sujet avec une quelconque volonté de poids ni de justesse, se complaisant tout du long dans un recyclage en bon et dû forme de la même tambouille gore et molle du genou de toutes les inutiles suites, bardées d'idées démembrées portant faussement la peau de la justice sociale pour donner bonne conscience à ses contours de polar urbain faisandé.
Plutôt que d'utiliser le cinéma de genre pour éclairer des vérités inconfortables sur le maintien de l'ordre au coeur du pays de l'oncle Sam (ou de prendre de manière soit sérieuse, soit satirique, la question de la violence/corruption policière et d'une hypothétique réponse judiciaire forte); Spiral s'auto-saborde avec un sérieux abracadabrantesque là où toutes ses situations accumulent tellement les poncifs éculés, qu'on serait presque face à une parodie à la lisière du nanar, comme le récent Une Histoire de Détails de John Lee Hancock - pas une référence.
Cop show made in 90s à la ramasse dégainant sans enthousiasme un jeu de pistes sommaire et périmé jusqu'à la moelle (les personnages sont tous croqués en deux dimensions, et leurs disparitions ne suscitent ni tristesse ni pitié chez le spectateur), mis en boîte avec un académisme aussi confondant que sa photographie est ampoulée et horripilante (ce même gloubiboulga verdâtre et rougeâtre qui a fait " l'identité " visuel de la saga, ici encore plus irritant qu'à l'accoutumée), le film n'ose même pas tomber tête la première dans le fun pervers le plus primaire, avec ses envolées Jigsaw-esque dévitalisées et laborieuses, que ne viennent même pas booster le cabotinage extrême de Samuel L. Jackson (en mode " Des serpents dans l'avion ") et Chris Rock (en mode " too old and constipé for this shit ").
Copyright Metropolitan FilmExport |
Sans la moindre punchline chère à Rock, dont les mots d'esprits et le regard critique ont fait son aura si singulière (il doit ici jongler entre le politiquement correct et un habillage pour l'hiver de Forrest Gump), ni même le moindre questionnement moral salutaire (le héros, qui croit en la réforme policière, ne pouvait-il pas, à un certain niveau, trouver que la violence de Spiral est justifiée ? A-t-il tort d'essayer de sauver les collègues criminels que Spiral cible ?), Spirale : L'héritage de Saw réussit l'écueil d'être trop sérieux dans ses intentions créatives pour être divertissant, mais surtout trop ridicule pour être vraiment pris au sérieux et ne pas être affreusement prévisible (et que dire de son raccourci facile, ou chaque victime directe ou indirecte de la violence policière ou du racisme systémique, pourrait in fine incarner un sociopathe implacable).
Et le comble, c'est que le spectateur lambda ne retiendra absolument pas ses tentatives d'incarner un polar mi-urbain, mi-hard boiled réflexif (enfin, au moins autant qu'un haussement d'épaules), mais bien ses deux, trois bouts d'horreur graphique et frontale si caractéristique de la saga... shame.
Jonathan Chevrier