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[CRITIQUE] : Nadia, Butterfly


Réalisateur : Pascal Plante
Acteurs : Pierre-Yves Cardinal, John Ralston, Andrew Simms,...
Distributeur : Les Alchimistes
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien
Durée : 1h47min

Synopsis :
Le film fait partie de la Sélection Officielle de Cannes 2020

À 23 ans, Nadia prend la décision controversée de se retirer de la natation professionnelle et de s’affranchir d’une vie de sacrifices. Après une dernière course, les excès cachés du Village olympique offriront à Nadia un premier souffle de liberté. Mais à mesure qu’elle plonge dans l’inconnu, les doutes surgissent : qui est-elle réellement ?



Critique :


Nadia est une nageuse professionnelle canadienne de 23 ans, qui participe aux Jeux Olympiques de Tokyo (ces jeux d'été de 2020 reportés d'un an à cause de la pandémie). Juste avant l'événement, elle a pris la décision d'arrêter sa carrière professionnelle juste après. En introduction, le film s'intéresse à sa dernière course professionnelle, dans un relais. Ensuite, Pascal Plante étudie ce qui vient après : cette nouvelle vie qui s'offre à Nadia. Celle où il n'y a plus de sacrifices pour être au meilleur niveau sportif, où il n'y a plus à se prendre la tête avec les performances. Après l'accomplissement, Nadia, Butterfly explore la renaissance. Nadia n'est plus seulement une sportive, elle devient une personne avec une vie à reconstruire de zéro. Après cette dernière course, le film se détache de la compétition pour s'incruster dans les coulisses. Au sein du Village Olympique, où logent les athlètes durant la compétition, la caméra de Pascal Plante scrute les déambulations et les excès des sportifs derrière l'image des performances. Que ce soit dans lors de soirées improvisées, dans des ballades en extérieur, dans les chambres, dans les coulisses des équipes, le long-métrage met en lumière tout ce que Nadia va abandonner, que ce soit le sportif ou l'extra-sportif.

Copyright Les Alchimistes

Katerine Savard, l'interprète de Nadia, fut nageuse professionnelle mais ayant pris sa retraite plus tard qu'à 23 ans. Le film est à la fois un témoignage sur le parcours de Katerine Savard et un regard sur l'apprentissage d'une nouvelle vie (celui d'une personne qui se voit libérée de toutes ses contraintes, relâchée dans le monde réel). Nadia est comme un papillon qui cherche à déployer ses ailes dans une nouvelle vie, comme si le papillon qu'elle est dans son univers sportif n'est une chrysalide dans le monde extérieur. Son univers autour de la natation représente un imaginaire pour ceux qui n'en font pas partie, mais c'est son monde réel. Ainsi, son imaginaire à elle n'est autre que le monde extérieur, qu'elle découvre petit à petit (grâce à la liberté que lui offre sa retraite). Dans cette altérité entre le réel présent et l'appréhension de l'avenir, mais aussi dans la jonction vraie histoire et fiction, Pascal Plante fait de son film un mélange de fiction et de documentaire.
La frontière est très mince ici, tant le cadre cherche à faire vivre en temps réel chaque moment que Nadia vit au sein de ces Jeux Olympiques. La caméra l'accompagne partout, s'approche d'elle constamment, et ne se concentre que sur elle. Ce sont bien les sensations et le corps de Nadia qui dirigent le cadre. À tel point que la mise en scène se focalise d'abord sur l'individu au sein d'un groupe, pour capter ce rapport personnel et troublant avec cette vie très paramétrée.

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La caméra n'a d'yeux (ou d'objectif) que pour Nadia, que ce soit pour son visage ou pour le travail qu'elle effectue sur son corps. À tel point que le cadre l'isole constamment. Au-delà de faire de cette histoire une pure fiction de cinéma, Nadia, Butterfly cherche une approche presque anthropologique vis-à-vis de sa protagoniste. Si le cadre isole autant Nadia, c'est parce que la mise en scène de Pascal Plante se construit sur l'idée du repli. Peu importe les espaces que traverse ou habite Nadia, ils sont tous laissés dans la distance. Comme si la jeune femme n'appartenait qu'à l'espace où se trouve la piscine. Sur la terre ferme, chaque espace se confond dans un malaise, où le corps est pris dans un rythme qu'il ne contrôle jamais. Sur la terre ferme, Nadia semble perdue. Pourtant, cette mise en scène du repli et de l'isolement par le cadre manque d'énergie. Alors que la protagoniste a décidé de prendre sa retraite, qu'elle s'affranchit de tous les sacrifices passés, pour se libérer dans une nouvelle vie, la mise en scène devient de plus en plus lourde. Alors qu'elle est en pleine « renaissance », la fougue manque terriblement. Alors que par l'isolement Nadia aurait pu être un personnage pivot, donc permettant de comprendre tout ce qui gravite autour d'elle ainsi qu'exposer les nuances via les autres personnages, il n'en est rien. La mise en scène est aussi envoûtante pour Nadia qu'elle est languissante. Le cadre s'évertue davantage à saisir quelque chose qui n'existe plus que quelque chose qui est sur le point d'éclore.

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C'est alors que les espaces ne vivent pas vraiment, ils sont davantage des décors qui plantent un contexte et une ambiance sourde, plutôt que d'être une influence qui implique un nouveau mouvement. La détresse et même une quelconque forme d'oppression ne se font jamais ressentir, à tel point que les déambulations de Nadia peuvent être vus comme des passages devant des vitrines. Le trouble de la protagoniste devient petit à petit une ambiguïté, à force de refuser de s'ouvrir aux espaces. Il y a pourtant toute la grammaire esthétique nécessaire à cela. Notamment avec les plans-séquence, où Nadia subit le poids de son passé de sportive qui s'échappe. Ces plans qui durent sont une errance pour la protagoniste, au sein même de la liberté qu'elle commence à obtenir. Dans cette jonction troublante entre réel sacrificiel et imaginaire extérieur anodin, la protagoniste subit bien plus le poids du temps devenant plus abstrait (parce qu'il faut le remplir, maintenant qu'il est libre) que le poids des espaces. Ce plongeon dans l'inconnu de Nadia est comme la photographie du film : dans une élégance et un charme discret des espaces, c'est un feu qui crépite en attendant de s'embraser totalement.


Teddy Devisme


 

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