[CRITIQUE] : Bergman Island
Réalisatrice : Mia Hansen-Løve
Acteurs : Vicky Krieps, Tim Roth, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie,...
Distributeur : Les films du losange
Budget : -
Genre : Drame, Comédie, Fantastique.
Nationalité : Français, Belge, Allemand, Suédois, Mexicain.
Durée : 1h52min
Synopsis :
Un couple de cinéastes s'installe pour écrire, le temps d'un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. A mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…
L’île de Fårö pendant un été. La fascination pour Bergman et la difficulté de s’en détacher quand on est soi-même cinéaste. Le lien ténu entre un scénario et son scénariste. Un couple, l’air de rien, à la dérive. Le nouveau film de Mia Hansen-Løve, Bergman Island, est multiple et trouve un écho avec sa vie intime, tout comme l'entièreté de sa filmographie. On peut même voir une référence à Un amour de jeunesse (2011), dans le film qu’écrit un de ses personnages, Chris, comme une suite aux amours contrariés de Camille et Sullivan, un troisième épisode tumultueux, dans un film imaginaire «La robe blanche».
Acteurs : Vicky Krieps, Tim Roth, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie,...
Distributeur : Les films du losange
Budget : -
Genre : Drame, Comédie, Fantastique.
Nationalité : Français, Belge, Allemand, Suédois, Mexicain.
Durée : 1h52min
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021
Un couple de cinéastes s'installe pour écrire, le temps d'un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. A mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…
Critique :
Pas tant un hommage sincère qu'un véritable pèlerinage mélancolique et mystique en terres furieusement cinématographiques, #BergmanIsland est une véritable poupée russe délicate prenant les contours d'une passionnant et sensible odyssée cathartique, au casting joliment impliqué. pic.twitter.com/0UPX1HTVZw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 14, 2021
L’île de Fårö pendant un été. La fascination pour Bergman et la difficulté de s’en détacher quand on est soi-même cinéaste. Le lien ténu entre un scénario et son scénariste. Un couple, l’air de rien, à la dérive. Le nouveau film de Mia Hansen-Løve, Bergman Island, est multiple et trouve un écho avec sa vie intime, tout comme l'entièreté de sa filmographie. On peut même voir une référence à Un amour de jeunesse (2011), dans le film qu’écrit un de ses personnages, Chris, comme une suite aux amours contrariés de Camille et Sullivan, un troisième épisode tumultueux, dans un film imaginaire «La robe blanche».
Chris (Vicky Krieps) et Tony (Tim Roth) sont un couple de cinéastes, venu‧es en résidence dans une des demeures de Ingmar Bergman, pour y écrire tous deux un film. Mia Hansen-Løve filme un couple uni, tendre l’un envers l’autre malgré les années passées ensemble. La première fois que nous les voyons, Chris est lovée dans les bras de Tony pendant l'atterrissage de leur avion, jurant de ne jamais y remonter de sa vie. Dans le geste doux de Tony lui caressant la tête, c’est toute une histoire qui se raconte, toute une vie qui se déploie, où la réaction de Chris est devenue normale pour lui. Nous découvrons l’île de Bergman (Fårö) par leurs yeux émerveillés, un lieu prisé pour tous les cinéphiles du monde entier, comme un passage obligé pour tous les cinéastes apprentis ou confirmés. Mais le paysage est bien loin de ressembler à celui que capte la caméra de Bergman et Chris se sent tout de suite mal dans la magnifique maison qu’on leur a attribué‧es, trop proprette à son goût. Elle installe son bureau d’écriture dans le moulin d’en face, plus succinct, où elle espère avoir assez d’inspiration pour mener à bien son projet. Ce n’est pas frontalement que la cinéaste filme la crise dans ce couple tranquille, elle vient se fondre entre Chris et Tony et s’installer durablement. Peut-être même qu’elle était là depuis le début, invisibilisée par la tendresse qui demeure malgré tout. Car le couple n'est plus vraiment sur la même longueur d’onde, professionnellement et intimement. Lui est toujours calme, sûr de ses films, de ses histoires et ne se sent jamais intimidé par la présence diffuse de Bergman dans l’île. Elle, au contraire, est aérienne, inconstante, indécise. Chris est à la fois une enfant, capable de partir en road-trip avec un total inconnu, et à la fois grave quand elle doit écrire et que rien ne sort au bout de son stylo-plume. Nous ne saurons rien de ce qu’il advient du couple à la fin. Une possible séparation, un renouveau. Cette partie concerne le hors-champ, le hors-récit même, la fiction s’arrêtant là où la réalité reprend ses droits. Ce n’est pas ce qui intéresse Mia Hansen-Løve de toute façon.
Bergman Island est un film de paysage, qui se transforme une fois qu’une caméra les capte à jamais dans un film. Bergman a fait de l’île de Fårö, une île à son image, il «portait l’île en lui avant même de venir» nous apprend une guide, expliquant que la maison du film À travers le miroir n’existe pas. La cinéaste démystifie presque le cinéma, le dénude de sa magie et nous éloigne de la fiction. Le cinéma est un mensonge, ce qui fait des cinéastes des menteurs conscients, qui magnifient presque ces cachotteries pour en faire des œuvres d’art. Il ne sert à rien de venir sur l’île pour y retrouver un film, Mia Hansen-Løve fait alors le contraire, elle y trouve l’île en venant faire un film. Elle s’approprie donc les paysages, les maisons, les musées et y pose son regard. Le format scope finit de changer l’île en une île estivale, gorgée de beauté et d’histoires, autres que “bergmaniennes”.
Bergman Island prend la forme même d’une île dans sa structure, revenant sans cesse au point de départ, pour raconter autre chose. Le film questionne le rôle de la fiction dans notre réalité et vice et versa, et puise dans la fascination d’un cinéaste-maître pour montrer la puissance de l’imaginaire.
Bergman Island prend la forme même d’une île dans sa structure, revenant sans cesse au point de départ, pour raconter autre chose. Le film questionne le rôle de la fiction dans notre réalité et vice et versa, et puise dans la fascination d’un cinéaste-maître pour montrer la puissance de l’imaginaire.
Pas tant un hommage sincère qu'un véritable pèlerinage en terres furieusement cinématographiques, Bergman Island de Mia Hansen-Løve, adoubé par une sélection en compétition sur l'actuelle réunion Cannoise, s'évertue à exposer ce qui se passe lorsque deux cinéastes tombent littéralement sous le charme d'un auteur légendaire et de son île; une illustration qui ne masque jamais non plus les zones d'ombres d'une fascination dont l'emprise/influence peut-être créativement dangereuse voire oppressante, aussi bénéfique soit-elle de prime abord.
Petite poupée russe délicate la péloche est un véritable film dans le film ou chaque personnage créé n'est que l'avatar de son auteur, un jeu d'esprit auto-réflexif utilisé pour sonder des thématiques plus larges - et pour le coup très Bergmaniennes - comme l'inspiration et la créativité (avec notamment les attentes contrastées placées sur les artistes masculins et féminins), l'art féminin (de la manière d'aborder l'écriture aux normes plus ou moins imposés, voire même le droit ou non, très masculin, de revendiquer la propriété de certaines œuvres d'art - dont des films) ou encore l'amour (les arcanes de la relation conjugale, le désir et l'infidélité).
Fabuleuse publicité magnifiquement réalisée pour l'île de Faro bien-aimée de Bergman (elle est restée sa résidence principale de 1965 jusqu'à sa mort en 2007), prenant les contours d'un méta-drame lyrique, cultivé et passionné de cinéma qui consacre beaucoup de temps aux conversations sur et à propos du cinéaste - il hante le film tel un fantôme dans chaque parcelle de terres de l'île -; la péloche est un brillant voyage cathartique aux chemins de traverse, qui s'appuie sur des éléments semi-autobiographiques pour mieux nourrir son récit sur les insatisfactions et les difficultés d'une femme à affirmer son pouvoir « d'auteur féminin », tout en existant dans l'ombre de la plume sereine de son compagnon.
Avec ses faux airs de film " Linklaterien " (avec son jeu de ping-pong verbal en terre inconnue, naviguant dans les méandres de l'amour et de la distance - l'éloignement de son couple est perceptible dès la première bobine -, de la connexion et du temps), où le public est invité à absorber et à déconstruire le moindre dialogue - même le plus faussement banal -, Bergman Island déjoue constamment les attentes (exit la chronique conjugale entre rivalité artistique, guerre d'égos à forte tendance adultère), et laisse exploser la passion là où on ne l'attend pas : l'arrivée d'une fiction épousant elle-même la fiction, sorte de réalité alternative prenant les contours d'une véritable libération personnelle et créative.
Véritable odyssée cinéphile (ou l'on va autant à l'encontre du cinéma, que celui-ci devient une rencontre que l'on n'espérait plus) enveloppée dans une sincérité intelligente et désarmante, intégrant une exploration émotionnelle et intime subtilement palpable autant par la force d'une mise en scène sensible qu'une interprétation lumineuse (Vicky Krieps et Mia Wasikowska sont fabuleuses); ce septième long-métrage de Mia Hansen-Løve confond la réalité et la fiction dans un sentiment aussi mélancolique et mystique qu'il est oblique... comme le cinéma de Bergman.
Jonathan Chevrier
Petite poupée russe délicate la péloche est un véritable film dans le film ou chaque personnage créé n'est que l'avatar de son auteur, un jeu d'esprit auto-réflexif utilisé pour sonder des thématiques plus larges - et pour le coup très Bergmaniennes - comme l'inspiration et la créativité (avec notamment les attentes contrastées placées sur les artistes masculins et féminins), l'art féminin (de la manière d'aborder l'écriture aux normes plus ou moins imposés, voire même le droit ou non, très masculin, de revendiquer la propriété de certaines œuvres d'art - dont des films) ou encore l'amour (les arcanes de la relation conjugale, le désir et l'infidélité).
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Fabuleuse publicité magnifiquement réalisée pour l'île de Faro bien-aimée de Bergman (elle est restée sa résidence principale de 1965 jusqu'à sa mort en 2007), prenant les contours d'un méta-drame lyrique, cultivé et passionné de cinéma qui consacre beaucoup de temps aux conversations sur et à propos du cinéaste - il hante le film tel un fantôme dans chaque parcelle de terres de l'île -; la péloche est un brillant voyage cathartique aux chemins de traverse, qui s'appuie sur des éléments semi-autobiographiques pour mieux nourrir son récit sur les insatisfactions et les difficultés d'une femme à affirmer son pouvoir « d'auteur féminin », tout en existant dans l'ombre de la plume sereine de son compagnon.
Avec ses faux airs de film " Linklaterien " (avec son jeu de ping-pong verbal en terre inconnue, naviguant dans les méandres de l'amour et de la distance - l'éloignement de son couple est perceptible dès la première bobine -, de la connexion et du temps), où le public est invité à absorber et à déconstruire le moindre dialogue - même le plus faussement banal -, Bergman Island déjoue constamment les attentes (exit la chronique conjugale entre rivalité artistique, guerre d'égos à forte tendance adultère), et laisse exploser la passion là où on ne l'attend pas : l'arrivée d'une fiction épousant elle-même la fiction, sorte de réalité alternative prenant les contours d'une véritable libération personnelle et créative.
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Véritable odyssée cinéphile (ou l'on va autant à l'encontre du cinéma, que celui-ci devient une rencontre que l'on n'espérait plus) enveloppée dans une sincérité intelligente et désarmante, intégrant une exploration émotionnelle et intime subtilement palpable autant par la force d'une mise en scène sensible qu'une interprétation lumineuse (Vicky Krieps et Mia Wasikowska sont fabuleuses); ce septième long-métrage de Mia Hansen-Løve confond la réalité et la fiction dans un sentiment aussi mélancolique et mystique qu'il est oblique... comme le cinéma de Bergman.
Jonathan Chevrier