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[CRITIQUE] : La Terre des Hommes


Réalisateur : Naël Marandin
Acteurs : Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert, Olivier Gourmet,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h36min

Synopsis :
Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence.



Critique :


Ils sont sans doute assez rares ceux qui ont pu mirer mais surtout déceler la puissance - réelle - du premier long-métrage de Naël Marandin, La Marcheuse, et ceux-ci auront sans doute un certain avantage pour appréhender la qualité évidente de sa deuxième incursion derrière la caméra avec La Terre des Hommes, qui lui répond sur plus d'un point; notamment celui de l'immobilité frustrante des relations de pouvoir, articulé comme un système aveugle qui emprisonne les corps et les discipline jusqu'à leur anéantissement.
Initialement prévue pour squatter la Croisette cuvée 2020, ce second long conserve donc cette même physiologie des relations de pouvoir qui pousse le corps de la femme aux marges de la société, en troquant cette fois le cadre citadin pour celui de la campagne, finalement tout aussi impénétrable et régulé par un code qui ne laisse aucune possibilité d'action au-delà de sa conception traditionnelle.

Copyright Ad Vitam

Le commerce du bétail et l'entreprise familiale font partie de cet air frais que Constance respire depuis son enfance, son père veuf lui laissant peu à peu les rênes d'un complexe familial en faillite, littéralement écrasé par la cupidité du corps agricole local, avec l'idée que son idéalisme peut sauver ce qu'il reste de l'ensemble de l'exploitation.
Une piste volontairement dépouillée par laquelle le film va esquisser les contours d'un regard pertinent sur les limites d'un environnement toxique dominé par l'arrogance masculine, dont le centre névralgique est précisément le marché aux bestiaux, lieu d'exclusion qui ne fera qu'exposer au grand jour la fragilité d'une âme divisée.
Une âme qui en espérant obtenir toute l'attention et l'aide qu'elle mérite, se perd dans les limbes d'un monde où l'on ne distingue plus la tromperie de la flatterie, le soutien de l'abus le plus abject.
Questionnant continuellement notre propre manière de percevoir la subtile frontière entre complicité et violence - via la relation prédatrice entre Constance et Sylvain -, au sein d'un environnement social paradoxal (l'univers agricole est profondément violent, là où les grands espaces ouverts inspirent la quiétude et la liberté), auquel le script (brillant et signé Marandin, Marion Doussot et Marion Desseigne-Ravel) fait se chevaucher un parallèle édifiant (comme ses bêtes observées et proposées à la vente, Constance est confinée par l'exercice écrasant du regard masculin); La Terre des Hommes peut se voir comme une observation générationnelle passionnante, ou l'apparente liberté et l'inventivité des nouvelles générations se voient fustigés par l'asservissement à un modèle patriarcal, et où l'aspiration à la légitimité de son rôle dans la société n'est plus un espoir mais bien une nécessité fondamentale à acquérir au forceps.

Copyright Ad Vitam

Plongée immersive et aussi nuancée que brutale dans l'univers de la France agricole moderne opposée entre tradition et progrès, prenant lentement mais sûrement les courbes d'un cauchemar émotionnel, physique et économique; le film ne serait sans doute rien sans la partition habitée d'une Diane Rouxel parfaite en Constance, elle dont le corps frêle suggère la fragilité aux yeux des hommes, alors que son langage bourdonne d'intensité et d'une détermination franche.
Elle est le phare d'un drame anxieux et anxiogène à la lisière du docu-vérité (superbe photographie de Damien Maestraggi), dont on ressort profondément k.o.


Jonathan Chevrier



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