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[CRITIQUE] : La Fine Fleur


Réalisateur : Pierre Pinaud
Acteurs : Catherine Frot, Melan Omerta, Fatsah Bouyahmed, Olivia Côte,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h34min

Synopsis :
Eve Vernet a été la plus grande créatrice de roses. Aujourd'hui, elle est au bord de la faillite, sur le point d'être rachetée par un concurrent puissant. Véra, sa fidèle secrétaire, croit trouver une solution en engageant trois employés en insertion sans aucune compétence horticole... Alors que quasiment tout les sépare, ils se lancent ensemble dans une aventure des plus singulières pour sauver la petite exploitation.



Critique :


Le schéma sempiternel de David contre Goliath, du petit artisan indépendant au gros industriel qui emploie des centaines de personnes, a la fâcheuse habitude de créer ce système binaire des gentils personnages « à sauver » face à de vilains personnages avides. C'est ce schéma que reprend La Fine Fleur, avec Catherine Frot en artisan indépendante qui essaie de sauver la société qu'elle a hérité de son défunt père, face à un Vincent Dedienne érigé en grand patron d'une usine à fabriquer les roses. Parce que Eve Vernet (Catherine Frot) fut la plus grande créatrice de roses, mais c'est du passé. Son mode de travail artisanal n'est plus à la hauteur économique, et elle est au bord de la faillite. Ce qui représente l'enjeu dramaturgique principal du film : tout faire, et passer plusieurs épreuves pour éviter de fermer son exploitation. Pour essayer d'éviter le pire, et même d'être racheté par le puissant concurrent, la secrétaire d'Eve (Olivia Côte) engage trois personnes en réinsertion sans aucune compétence, pour prêter un coup de main. Déjà parce ces personnages ne coûteront presque rien (l'astuce fictive), et en plus ça ajoute un élément dramaturgique au récit : ces trois personnages que tout oppose à Eve.

Copyright Estrella Productions

Évidemment, on sait dès le début que ces trois personnages sans aucune compétence dans l'horticulture seront « sauvés » de leur perdition individuelle, pendant qu'ils vont aider à sauver l'exploitation d'Eve. C'est le schéma ordinaire, dont Pierre Pinaud connaît bien les codes, pour alimenter les péripéties une à une dans son récit. Rythmé par à-coups, selon les obstacles financiers ou les relations complexes entre Eva et les trois personnages en réinsertion, La Fine Fleur sait exactement où il va et ne déborde jamais de son cahier des charges. Il est donc tout à fait logique que le long-métrage soit formellement anecdotique, qu'il ne prenne aucun risque et qu'il ne crée aucune véritable identité esthétique (que ce soit pour l'exploitation artisanale en danger, ou pour chacun de ses personnages). Tout simplement parce que le film ne cherche jamais à dépasser son schéma. Ou alors, il ne cherche jamais à dépasser ses personnages, peut-être. Parce qu'effectivement, La Fine Fleur est un film d'acteurs, taillé pour les épaules de Catherine Frot (entre autres), autant qu'il est un film de personnages (construit pour mettre en valeur les personnalités et la parole).

Copyright Estrella Productions

Même si l'utilisation de la musique à tendance à en faire beaucoup trop, à appuyer les moments les plus forts du récit, La Fine Fleur ne cherche jamais à être plus sombre ou cruel que tout ce qu'il suggère à travers l'histoire derrière ses personnages. Le long-métrage possède toute l'épaisseur nécessaire pour s'attacher ou non aux personnages, tout le bagage dramaturgique nécessaire à nuancer ses personnages qui effacent petit à petit la distance entre eux. Pierre Pinaud ne fait pas dans le mélodrame ou dans le film solaire, il est juste bienveillant avec ces êtres presque impuissants face aux obstacles qu'ils rencontrent. Déjà par la photographie, parce que cette exploitation horticole possède beaucoup de couleurs différentes, et vives. Les fleurs ne sont pas que au cœur du récit, elles sont également la vitrine de la douceur qui entoure les corps. Hormis une scène, tout le film est basé sur la luminosité d'une région géographique, sur sa richesse végétale. Les couleurs foisonnent, attirant les corps dans une légèreté de ton qui parcourt tout le récit. Le long-métrage n'est pas exempt de symboles. Cette mission de réinsertion révèle la bonté de ces trois personnages comme la fleur déploie son pollen : la colère se détache et la douceur se révèle. Puis, comme les pétales des roses s'ouvrent, les carapaces se fissurent et les sentiments se dévoilent chez les personnages.

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Même si ces symboles peuvent sembler bien lourds, La Fine Fleur ne fait jamais semblant. Le schéma et le récit sont peut-être un recyclage, mais son honnêteté est pleine de vie et d'envie. Toutefois, on retiendra aussi une mise en scène discrète mais astucieuse. Parce que sous ses airs légers et inoffensifs, le film ne plonge jamais pleinement dans le sujet horticole, préférant l'étude de personnages (même si pas très poussée) plutôt que la dimension scientifique. Il est donc naturel que la mise en scène applique ce que le personnage de Catherine Frot exige à mainte reprises : personne d'autre qu'elle ne peut entrer dans son laboratoire, donc le cadre n'y entre pas. Mais quand un gag gentillet se conjugue aux carapaces qui se fissurent, la mise en scène se met progressivement à annuler ces contraintes, et les trois personnages en réinsertion entrent dans le laboratoire, et le cadre le découvre en même temps. La mise en scène a cette capacité à conjuguer les deux points de vue : l'exploitante et ses trois apprentis. De cette manière, il y a à la fois la mise en scène d'un espace à sauver (point de vue Catherine Frot) et celle d'une initiation (point de vue des trois autres personnages), où les corps passent progressivement de l'extérieur vers l'intérieur, donc d'un contexte vers l'intimité. Telle une invitation, où le cadre tend à casser timidement les individualités pour créer le collectif, comme de casser les épines pour créer un bouquet.


Teddy Devisme



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