[CRITIQUE] : Vaurien
Réalisateur : Peter Dourountzis
Avec : Pierre Deladonchamps, Ophélie Bau, Sébastien Houbani,...
Distributeur : Rezo Films
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min
Synopsis :
Djé débarque en ville sans un sou, avec pour seule arme son charme. Il saisit chaque opportunité pour travailler, aimer, dormir. Et tuer.
Critique :
Constamment sur le fil du rasoir, souvent anxiogène - même si rien ne se passe vraiment à l'écran -, #Vaurien est un étonnant thriller social, une plongée glauque et dérangeante dans le quotidien d'un prédateur (excellent Pierre Deladonchamps) qui sait se rendre sympathique. pic.twitter.com/HCsCUaECCD
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 28, 2021
C'est un fait, aussi répugnant soit leurs actes et repoussante soit leurs âmes, les tueurs en séries ont toujours su fasciner l'imaginaire collectif, la faute autant à notre penchant profondément pervers pour le macabre, que notre fascination à vouloir décortiquer tout ce qui dépasse l'entendement, et casse avec brutalité le moule de la conformité d'une société contemporaine qui, paradoxalement, épouse de plus en plus sa phase d'ombre et ses envolées - répétitives - de violence.
Si le cinéma ricain en a fait un véritable fond de commerce - ou presque -, rares sont les films made in France a pleinement se pencher sur ses figures, là où le petit écran pourtant, n'a jamais eu peur de cacher ses monstres d'une réalité ou ils sévissent sans le moindre remords.
En faisant de l'un de ses courts-métrages - Errance, signé en 2014 - un premier long-métrage à part entière, Peter Dourountzis suit indirectement les pas de l'Affaire Sk1 en s'attaquant plus frontalement à ce type de personnage, ici prenant les traits d'un vagabond énigmatique mais plein de ressources, qui ne laisse aucune trace réelle de lui dans le monde (pas de papiers, pas de logis, pas d'argent,...) : Dje, fraîchement sorti de prison et dont l'accoutrement (une parka à capuche) et l'attitude, laisse à penser qu'il aime et veille scrupuleusement à errer sous les radars.
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Mesurée et ambiguë dans son approche d'un homme à la dangerosité bien réelle, n'hésitant pas à provoquer - au minimum - le malaise chez ceux qu'il croise et veut bousculer, tout en pouvant se montrer incroyablement charmeur et persuasif quand il veut arriver à ses fins pour quoique ce soit; Dourountzis, qui se cache bien de montrer ses crimes à l'écran (une discretion à double-tranchant mais qui renforce leur impact, puisque jouant clairement sur notre imaginaire), se fait complice et s'appuie continuellement sur le jeu habité d'un Pierre Deladonchamps captant judicieusement l'ambiguïté et l'aspect borderline de son personnage, laissant tantôt transparaître un scintillement joyeux dans ses yeux, avant qu'ils ne deviennent dépourvus de vie lorsque sa présence se fait pleinement menaçante.
Faisant littéralement corps avec un cadre limougeaud ou le danger se tapis dans l'ombre (et peut surgir de partout), le film cherche un équilibre instable dans la manière détachée dont son tueur offre un mécanisme ses pulsions, entre banalité obligée (manger, dormir, charmer,...) et l'assouvissement de l'impensable; mais aussi comment celles-ci sont finalement également nourris par le fait qu'il est exclu d'une société dans laquelle il ne pourra jamais s'intégrer.
Constamment sur le fil du rasoir, souvent anxiogène - même si rien ne se passe vraiment à l'écran -, Vaurien est un étonnant thriller social, une plongée glauque et dérangeante mais sans violence, dans le quotidien d'un prédateur qui sait se rendre sympathique.
Jonathan Chevrier