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[CRITIQUE] : Le Passager nº4


Réalisateur : Joe Penna
Acteurs :  Anna Kendrick, Toni Collette, Daniel Dae Kim, Shamier Anderson,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Science-fiction, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h56min.

Synopsis :
Un passager clandestin est découvert au sein d'un vaisseau spatial en direction de la planète Mars. L'équipage se trouve trop loin de la Terre pour faire demi-tour et il n'y a pas assez de ressources alimentaires. Une seule voix s'oppose au sombre dessein que l'équipage prévoit au passager.



Critique :


Stowaway - Le Passager nº4 par chez nous - démarre quasiment ou presque, comme le sujet d'un bac de philo ou toute bonne réponse ne peut qu'être tragique : quatre personnes se retrouvent dans un vaisseau en direction de Mars, mais il n'y suffisamment de vivres et d'oxygène que pour trois d'entre eux, qu'y a-t-il à faire?
Vous avez quatre heures ou plutôt un tout petit peu moins de deux, le temps que Joe " Arctic "Penna laisse à son histoire pour nous en donner une aussi convaincante que profondément poétique et déchirante à la fois.
Concocté avec un sens aigu du rythme et de la dramaturgie, le film se passe de tout prologue terrestre pour démarrer directement dans les étoiles ou plutôt, au coeur d'une mission aller-retour de deux ans sur Mars - une mission de colonisation - avec un équipage de trois personnes : Zoé, médecin; David, biologiste et Marina, le commandant de l'opération.

Copyright 2021, Stowaway Productions, LLC, Augenschein Filmproduktion GmbH, RISE Filmproduktion GmbH., All rights reserved.

Trois âmes isolés aussi bien du monde (Marina se connecte parfois avec la Terre, mais le peu de retour démontre à quel point l'équipage est isolé de tout) que d'eux-mêmes, chacun ayant ses propres raisons pour y avoir participé (c'est la dernière mission de Marina, Zoe sur un coup de tête en pensant ne pas être sélectionnée,...).
Leur routine tranquille est cependant bousculée lorsqu'un homme inconscient tombe littéralement à travers le plafond : Michael, un ingénieur membre de l'équipe de lancement qui a été assommé pendant le décollage et pris au piège à bord. 
Et, évidemment, il est trop tard pour faire demi-tour.
Comme si cela n'était pas déjà un sacré problème en soit, le système de survie du navire a été endommagé : si les quatre membres à bord essaient de se rendre sur Mars, ils mourront tous mais si l'un d'entre eux est sacrifié, les trois autres pourraient possiblement être en mesure d'accomplir cette mission vitale et potentiellement salvatrice pour l'humanité...
Huis clos science-fictionnelle prenant subtilement les contours d'une pièce de théâtre dramatico-existentielle usant d'une lenteur aussi suffocante que salvatrice, pour laisser vivre ses personnages et permettre aux spectateurs d'apprendre à les connaître et vibrer pour et avec eux; la péloche est tout du long magnifiquement articulé autour de la situation impossible de la mesure de la valeur d'une vie dans des circonstances extrêmes.
Dite existence faisant face à une mort consciente - un destin inimaginable et dévastateur -, dont le traumatisme créé par inadvertance (ce qui en intensifie de facto la tragédie), impactera à jamais ceux qui y seront concernés de près.

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N'embourbant jamais son récit avec des sous-intrigues insidieuses ou des luttes intestines entre les membres de l'équipage (le film ne fait que présenter le problème et laisse ses personnages le résoudre, le tout dans un propos scientifique toujours crédible et cohérent), tout en maximisant la simplicité de son pitch pour mieux démontrer qu'un film de SF dans l'espace n'a pas besoin d'un extraterrestre pour effrayer; Stowaway, autant sublimé par un score dantesque et obsédant de Volker Bertelmann qu'une partition merveilleuse de son casting (Kendrick, Collette, Kim et Anderson offrent des performances tout aussi percutantes qu'intenses), est un formidable drame sur l'inévitabilité, dont la prévisibilité certaine ne minimise jamais l'impact émotionnel d'une fin qui sonne juste et qui nous frappe en plein cœur.
Sans faire de bruit, il est peut-être bien l'un des plus beaux films originaux jamais produit par Netflix, et à n'en pas douter l'une des meilleures séances de ce premier semestre ciné 2021.


Jonathan Chevrier


Copyright 2021, Stowaway Productions, LLC, Augenschein Filmproduktion GmbH, RISE Filmproduktion GmbH., All rights reserved.


Pour son deuxième long-métrage, Joe Penna emmène Toni Collette, Anna Kendrick, Daniel Dae Kim et Shamier Anderson se confiner dans l’espace. Avec Le Passager n°4 (Stowaway pour le titre VO), il explore de nouveau le genre du survival, après Arctic son précédent film, présenté au Festival de Cannes en 2018. L’occasion de prolonger le questionnement sur l’instinct de survie, amorcé par cette bataille de Mads Mikkelsen, bloqué seul en plein milieu du pôle Nord. Produit par Netflix, ce second film est sorti sur la plateforme le 22 avril, nous invitant à suivre une expédition sur Mars d’une équipe préparée à tout sauf à trouver à bord de leur fusée une quatrième personne, blessée et inconsciente.

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L’espace questionne. Il construit un imaginaire, qui peuple bon nombre de films de science-fiction. Il rend l’humanité minuscule, bouscule l'ordre établi, invite la philosophie dans cette immensité noire et silencieuse. L’espace induit à être face à notre individualité, malgré le huis-clos que propose les vaisseaux, d’une équipe réduite à vivre en osmose pour de longues années. L’espace peut aussi être spectaculaire, invitant les spectateurs à être témoins de l’absence de gravité, de la beauté des étoiles, du soleil, de la Terre ou d’autres planètes sorties de l’imagination des auteur‧trice‧s. À la vue du synopsis et du genre que propose Le Passager n°4, nous pensions faire face à un énième film de survival spatial, où les membres doivent s’entre-tuer/ combattre un alien ou une forme non-humaine (rayer la mention inutile) pour finir avec un seul membre survivant du désastre (ou aucun survivant pour les plus pessimistes d’entre-eux). Cependant, Joe Penna décide de prendre le parti-pris radical d’avoir, avec cette expérience traumatisante, un enjeu collectif. L’émotion prime dans ce récit, où l’humanité est confrontée à une nature hostile. Cette nature est cette fois non-terrestre, sans oxygène, où le rien entoure un vaisseau construit par de fines couches de métal.

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La mission des trois membres d’Hyperion, Zoe (Anna Kendrick), David (Daniel Dae Kim) et le commandant Marina Barnett (Toni Collette, qu’on regrette de ne pas voir plus dans ce film) les détache dès le début de la Terre. Le Passager n°4 commence dans le cockpit de la fusée, sur le point de décoller. Pendant que les logos des productions du film défilent, les voix des personnages répondent positivement aux différentes questions des membres terrestres de la mission, pour checker les points techniques avant le grand départ. Nous ne voyons rien de la fusée qui s’élance vers le ciel, de l’extérieur du vaisseau pour se concentrer sur les personnages subissant les violentes secousses du décollage. La mise en scène nous met déjà en condition : les corps sont impuissants face à l’espace et aux dangers qu’il représente. Même la machine paraît faillible, avec les quelques problèmes survenus pendant le décollage. Des problèmes techniques bien loin du spectaculaire que convoque les voyages spatiaux. Ce réalisme à l’intérieur de l’habitacle pousse le spectateur à s'intéresser dès le départ aux protagonistes. Leur façon d'interagir entre eux, leur personnalité, leur complicité, leur professionnalisme. Joe Penna montre un certain savoir-faire pour construire une atmosphère multiple, à la fois complice et oppressante. Une fois les membres installés dans leur vaisseau, les voix terrestres n’existent plus, elles nous deviennent inaudibles, renforçant ainsi leur solitude extrême. Les personnages sont voués à eux-mêmes. Dès l'arrivée impromptue du quatrième membre, nous sommes prêts à stresser pour l’équipage, sur et certains que leur vie ne tient plus qu’à un fil. Pourtant, le cinéaste joue avec cette attente et part à l’opposé de celle-ci en nous expliquant très clairement comment Michael (Shamier Anderson) s’est retrouvé à l’intérieur du vaisseau. L'ambiguïté de la situation devient caduque. Que peut-il donc bien se passer ensuite ?

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C’est à ce moment précis où l’enjeu du film prend un tout autre sens. Toujours dans une volonté jusqu'au-boutiste, Joe Penna dénoue petit à petit les attentes et enlève les doutes. La simplicité du récit renforce l’impuissance des membres, qui se retrouvent dans une situation désespérée. Comment survivre, alors que leur matériel, censé les mettre en sécurité, se retourne contre eux ? Alors que le survival explore souvent les pires travers de l’instinct de survie, où l’individualité prime sur le groupe, Le Passager n°4 se refuse à devenir aussi pessimiste et creuse un propos plus collectif, tourné vers la compassion et le respect de la vie humaine. Si sacrifice il doit y avoir, ce serait un sacrifice de soi plutôt qu’un sacrifice des autres. Cette croyance, portée par le personnage de Zoe, convoque une poésie de l’espoir, un choix conscient qui peut paraître niais ou manichéen au possible. Il est vrai que le film peut avoir un côté frustrant dans sa volonté d'épurer le récit de toute autre décision que celle de vouloir sauver tout le monde. Peu nombreux‧ses sont les cinéastes osant la bienveillance dans une narration non infantilisante. Mais ce serait passer à côté de la beauté de l’abnégation du personnage de Zoe, d’un message d’espoir qui n’a pas pour but d’éradiquer la souffrance, au contraire. C’est là que réside la beauté de notre humanité, dans cette dichotomie complexe, qui lui confère toute sa puissance.


Laura Enjolvy


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