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[CRITIQUE] : Sacrées Sorcières


Réalisateur : Robert Zemeckis
Avec :  Anne Hathaway, Jahzir Bruno, Octavia Spencer, Stanley Ricci, Kristin Chenoweth, Chris Rock,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Fantastique, Comédie, Famille.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Dans cette nouvelle adaptation du chef d’œuvre de Roald Dahl, Zemeckis raconte l’histoire à la fois drôle, grinçante et émouvante de Bruno, un jeune orphelin. En 1967, il vient vivre chez son adorable grand-mère, dans la petite ville rurale de Demopolis, en Alabama. Tandis que le petit garçon et sa mamie croisent la route de sorcières aussi séduisantes que redoutables, la grand-mère entraîne notre héros en herbe dans une somptueuse station balnéaire. Malheureusement, ils débarquent au moment même où la Chef Sorcière réunit ses sbires venus du monde entier – incognito – pour mettre en œuvre ses sinistres desseins…


Critique :



Selon la théorie du " cycle des 30 ans " de la culture populaire, et après un régne sans partage de la nostalgie des 80s durant la dernière décennie, le revival puissant des années 90 devrait logiquement commencé à nous arriver en pleine poire genre... maintenant.
La preuve avec Sacrées Sorcières de Robert Zemeckis, privé de salles obscures sur ses terres et même dans l'hexagone - foutu Covid-19 -, et qui se veut autant comme une nouvelle adaptation du roman éponyme de Roald Dahl, qu'un dépoussiérage en règle du génial film de 1990 signé Nicholas Roeg.
Une bande culte avec la vénéré Anjelica Huston, qui a gentiment nourrit nos cauchemars d'enfants que le film a su façonner notre génération pour faire de nous des aficionados du cinéma de genre, offrant spécifiquement un délicieux mélange de ludisme macabre et d'horreur corporelle.

Copyright 2020 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved

Avec tant de nostalgie enveloppée et de fans dévoués qui chérissent sa terreur organique, il fallait bien être franchement culotté (suicidaire ?) pour en cornaquer un potentiel remake/relecture - malgré notre amour sincère pour sincère pour le cinéma du papa de Forrest Gump -, et si la question du " pourquoi ? " s'imposait gentiment avant même la mise en production du projet, force est d'avouer qu'elle est un poil moins persistante après vision car si elle a tout pour rebuter et frustrer ceux qui adorent le film de Roeg, elle s'impose tout comme celui-ci à son époque, comme un instantané visant à initier au fantastique une génération ayant le goût des CGI dans leur biberon - sans pour autant renier un esprit fantaisiste joliment divertissant quand il n'est pas bridé - ce qui arrive trop peu pour son bien malheureusement.
S'il le film suit scrupuleusement de nombreux rebondissements familiers de Dahl (y compris, évidemment, la mort tragique des parents d'un jeune garçon et sa transformation en souris), il lui préfère cependant une délocalisation pas forcément justifiée (sauf peut-être pour offrir un regard acéré sur le sud des États-Unis à la fin des 60s, toujours sournoisement raciste), étonnant tant il ne s'écarte jamais vraiment du récit attendu; un mal (qui remet totalement en question donc, la pertinence du projet face à sa première - et excellente - adaptation) comme un bien (cela signifie également qu'aucune des nuances profondément bouleversantes du conte original n'est perdue), tant le film refuse d'édulcorer les trauma autour de la mortalité - en les abordant de front -, en la montrant telle qu'elle est : inévitable.

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Un choix intelligent et lucide juste que dans son final amer (comme dans le roman), qui traite son public - majoritairement enfantin - non plus avec innocence, mais de manière plus adulte, en les prenant pour des êtres plus perspicaces qu'on le laisse penser; un regard que l'on peut logiquement rattacher à la contribution de Guillermo Del Toro au script.
Mais tout n'est pas parfait - loin, très loin de là - dans cette version 2.0, et son premier défaut est justement son souci de modernisation et d'accessibilité maximale via des CGI un poil grossiers qui jouent plus la carte du fantasque que de l'horreur pure (Bruxa Rainha ressemble plus à la soeur de Venom qu'autre chose), autant que la performance littéralement en roue libre d'une Anne Hathaway cabotineuse qui souffre cruellement de la comparaison avec Huston (elle est tout aussi étrange, mais sa folie excentrique sonne creux et paraît trop exagérée pour convaincre), qui achève de confirmer le virage vers la comédie burlesque d'une oeuvre dénuée de tension, et trahissant un poil nos mémoires.
D'autant plus que l'on ne décèle jamais vraiment la patte si particulière de l'architecte grandiose qu'incarne Zemeckis, comme si lessivé et éteint, il laissait au placard ses intentions graphique et esthétique (sauf pour quelques soubresauts fugaces) pour délivrer un film de commande dont il ne se soucie que trop peu.

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Exit le ticket tordu, bricolé (ou plutôt plein de trouvailles folles) et enchanteur vers l'horreur, bonjour le produit dénué de tout suspense et d'humeur sombre, mais qui peut tout de même trouver son public; soit tout le (triste) paradoxe nouveau long-métrage de Robert Zemeckis, qui a déversé un filtre adoucissant sur le cauchemar de Dahl, et même un peu sur son propre cinéma.


Jonathan Chevrier



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