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[CRITIQUE] : La Loi de la Jungle


Réalisateur : Max Winkler
Avec : Jack O'Connell, Charlie Hunnam, Jessica Barden, Jonathan Majors,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Américain
Durée : 1h30min

Synopsis :
Une terrible défaite sur le ring endette Lion et son manager et frère Stan auprès du criminel local Pepper. Ce dernier accepte d’annuler leur dette s’ils traversent le pays afin que Lion participe à un combat de boxe. Le seul hic, ils doivent également transporter Sky, une adolescente en fuite qui doit être déposée à la porte du redouté Yates. Tandis que Stan entraine Lion pour le combat de sa vie, une série d’évènements menace de déchirer les deux frères, mais leur amour fraternel et leur croyance en une vie meilleure les entrainent dans ce drame captivant.



Critique :



Même si son titre indique une référence totalement assumée au roi Springsteen, jamais Jungleland ne viendra embaumé la moindre image du troisième long-métrage de Max Winkler, même si l'ombre de l'icône américaine n'est jamais très loin de ce petit frère de The Fighter signé David O. Russell; sorte de méditation furieuse et percutante sur la nature mythique de deux des songes charnières du pays de l'oncle Sam - la conquête de l'Ouest et le fameux American Dream -, capté au travers du prisme tragique de la relation rude et abîmée entre deux frères désespérés et bouffés par la vie.

Copyright Paramount Pictures

Odyssée road moviesque à travers les États-Unis, à la nostalgie sombre semblant tout droit sortie des 70s, le film colle aux basques de Stanley (Charlie Hunnam dans l'un de ses plus beaux rôles, avec des faux airs de feu Patrick Swayze), qui entraîne son jeune frère talentueux et loyal Lion (Jack O'Connell, habité et animal), pour en faire un boxeur régulier imbattable.
Même si Lion est un combattant puissant et déterminé, Stanley semble définitivement plus enthousiasmé par les perspectives sur le ring du jeune homme, que Lion lui-même.
Ils travaillent tous les deux dans un atelier de couture le jour, mais ne sont pas découragés par le fait qu'ils vivent accroupis dans des maisons abandonnées avec leur chien, ni par l'incapacité de Lion à boxer dans des matchs légitimes (les activités de Stanley ont grillés les possibilités de son petit frère à boxer professionnellement, le condamnant à combattre à main nue - au mieux - dans les sous-sols de restaurants chinois).
Sans surprise, Stanley et son bagout les ont endettés auprès d'un gangster local, Pepper (Jonathan Majors, diablement charismatique), qui semble pourtant prêt à négliger leur dette si Lion participe à un tournoi underground à San Francisco, mais surtout s'ils livrent un " colis " en chemin à Reno, la jeune et mystérieuse Sky (Jessica Barden, absolument incroyable), une «amie de la famille».
Si Stanley se méfie d'elle, Lion commence peu à peu à tisser des liens avec elle (ils sont deux âmes constamment sous-estimées par les autres), qui commence à lui faire comprendre les travers de la relation qu'il entretient avec ce qui incarne sa seule famille...

Copyright Paramount Pictures

Entre le road movie façon fuite en avant désespérée, le drame intime émotionnellement percutant et énervé, et le récit d'émancipation âpre trouvant un écho déchirant mais profondément évocateur avec le noble art, Winkler fait de Jungleland un drame brut de décoffrage sur des marginaux désespérés qui se battent corps et âmes pour garder autant qu'ils le peuvent, la tête hors de l'eau.
Comme le bijou de Gavin O'Connor, Warrior, qui tissait sa tragédie autour des liens du sang et de l'esprit de compétition, il examine le ventre mou de l'Amérique profonde gangrenée par la pauvreté et les inégalités sociales au travers d'une relation chaotique et toxique entre deux frangins unis dans le sang, les (très) mauvais choix et les larmes (même si la sincérité et la tendresse des sentiments qui les unit est indiscutable); tout en exprimant un respect vibrant pour ceux qui survivent en marge sans intimement pouvoir faire autrement. 
Récit puissant et vibrant car d'une universalité renversante, porté par une volonté frondeuse de vouloir prôner coûte que coûte des valeurs à l'ancienne (appuyé par une mise en scène lyrique totalement au service de ces personnages), le film dégaine un regard acéré sur l'Amérique des laissés-pour-compte et sur la culture de la violence qui l'habite, revers poisseux et terrifiant de l'American Dream, sans jamais tomber dans un quelconque misérabilisme ou les tropes faciles dans la caractérisation de ses anti-héros qui transpirent le vécu (Lion n'est pas vraiment lent d'esprit, même s'il laisse Stanley le diriger, Stanley n'est pas fou, juste désespéré et Sky déjoue littéralement toutes les attentes à son sujet).

Copyright Paramount Pictures

Laissant constamment l'impression déstabilisante - dans le bon sens - qu'il cherche à se débarrasser de sa propre peau comme ses personnages, en guerre avec eux-mêmes (c'est dans le déséquilibre de ses nombreuses ambitions, que le script de Theodore B. Bressman et David Branson Smith trouve étonnament son équilibre, puisque constamment sur le fil du rasoir), tourné avec un naturalisme accru (superbe photo de Damián García, qui capte avec justesse la crudité et la brutalité le cadre désolé de l'Amérique des cols bleus, tout en restant souvent vissé au plus près des visages); La Loi de la Jungle (on a connu des titres VF plus inspirés) ne réinvente pas la poudre et ne boxe résolument pas dans la même catégorie que bons nombres de ses illustres aînés, mais il a en son coeur la même saveur que les bandes d'époque, de celles qui pouvaient à la fois s'inscrire largement dans le genre dramatique tout en ne reniant pas leur caractère idiosyncratique voire même radical.


Jonathan Chevrier


 

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